DEBATE / ÉTAT ISLAMIQUE – Manchester : l’État islamique ?

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Tandis que les avions de guerre du Royaume-Uni bombardent l’État islamique (EI) en Irak et la population de Mossoul, les djihadistes revendiquent une attaque sur l’Angleterre qui a tué vingt-deux citoyens britanniques et en a blessé une soixantaine d’autres.

C’est le bilan de l’attentat qui a touché la ville de Manchester ce 22 mai 2017, en fin de soirée, et qui visait la sortie d’un concert, fréquenté par des milliers d’adolescents dont les parents attendaient devant le bâtiment.

Après la France et la Belgique, deux États dont les forces armées participent activement à la guerre contre le Califat au Moyen-Orient, c’est au tour du Royaume-Uni d’endurer une réplique djihadiste aux bombardements effectués en Irak et en Syrie par la coalition internationale menée par Washington.

L’assaillant, âgé de 22 ans, était né à Manchester, de parents Libyens exilés sous la dictature de Mouammar Kadhafi. Salman Abedi, l’auteur de l’attentat, a toujours vécu en Angleterre et avait la citoyenneté britannique ; et, bien qu’il ait récemment voyagé en Libye (pour y rencontrer des membres de sa famille), rien ne permet d’affirmer qu’il y aurait rencontré des personnes liées à l’État islamique et encore moins de prétendre, comme l’a pourtant suggéré le ministère français de l’Intérieur, qu’il se serait rendu en Syrie.

Bien que les autorités britanniques aient déclaré avoir arrêté plusieurs personnes soupçonnée d’avoir un lien avec l’événement, il semblerait que Salman Abedi ait agi seul, peut-être sans lien direct avec l’État islamique qui, depuis que son déclin a commencé (avec la perte de presque toutes ses positions en Irak), revendique systématiquement le moindre acte de « terrorisme » commis par quelques partisans isolés, mais surtout par des personnes psychologiquement déstabilisées ou en mal de reconnaissance.

Le potentiel de nuisance de l’État islamique a en effet été, très probablement, surestimé, tant sur le plan militaire au Moyen-Orient que sur le plan terroriste en Occident.  Ainsi, les seuls attentats d’envergure furent organisés par une cellule unique, la seule réellement structurée et téléguidée depuis la Syrie (cellule aujourd’hui complètement démantelée), à savoir les attaques qui ont touché Paris et Bruxelles, respectivement en novembre 2015 et mars 2016. Si l’attentat de Manchester avait été le fait d’une cellule similaire, au vu de la cible choisie, le bilan aurait été autrement plus meurtrier. Dans l’état actuel de l’enquête, l’attentat de Manchester s’apparente donc plutôt, tant de par le mode opératoire, l’auteur et le bilan, aux attentats de Nice et Berlin.

L’État islamique doit donc désormais se « contenter » de revendiquer, « à l’occasion », les attaques menées au hasard des velléités, lubies et intentions de tel ou tel individu sur lequel l’EI n’a en réalité aucune emprise.

La question n’est donc pas de savoir si l’État islamique frappera encore, mais si son potentiel d’attraction demeurera longtemps intact pour ces personnes d’origine et de culture arabo-musulmane qui trouvent dans l’Islam « radical », voire dans une forme de « fraternité religieuse » à travers le djihad, une alternative à l’absence de  valeur et d’identité qui prévaut dans l’Occident matérialiste et désengagé où priment l’individualisme égoïste et la bunkérisation sociale.

Tigre de papier, l’État islamique se réduit de jour en jour comme peau de chagrin. Mais la proclamation du Califat n’aura-t-elle pas pour conséquence, au-delà de la survivance d’un État islamique au Moyen-Orient, d’avoir fait germé dans les esprits une autre forme de combat pour la promotion de ce que d’aucuns considèrent comme le seul Islam « authentique » ?

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Pierre Piccinin da Prata

Historian and Political Scientist - MOC's Founder - Editorial Team Advisor / Fondateur du CMO - Conseiller du Comité de Rédaction

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