LIBAN- De la bataille « divine » à la bataille des collines

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En proie aux attaques des milices de Jabhet al-Nosra et de l’État islamique, le Liban se défend d’infiltrations djihadistes qui sont la conséquence directe de l’implication du Hezbollah dans le conflit syrien. Les choix du « parti de Dieu » entraînent ainsi l’armée nationale libanaise dans une guerre étrangère et menace la sécurité du Liban, comme en témoigne l’épisode récent qui a ébranlé le plateau du Golan…

On avait cru pour un moment que le Liban était à nouveau au bord du gouffre, après l’attaque du Hezbollah contre un convoi militaire israélien dans le secteur des fermes de Chebaa, au sud du pays, le mercredi 28 janvier 2015, et ce en représailles d’un raid d’hélicoptère mené par Israël sur le plateau du Golan, en direction des Fermes Al-Amal, à Quneïtra (Syrie), le dimanche 18 janvier . Un raid qui avait emporté six membres du « parti de Dieu » [Hezbollah], dont le fils de Imad Moghniyé (commandant militaire tué à Damas en 2008 par une voiture piégée) et le commandant militaire responsable du dossier « Irak-Syrie ».

À ce « gros lot » (pour les sionistes), est venu s’ajouter un général iranien des forces d’élite des Gardiens de la Révolution, Mohammad Ali Allahdadi, qui faisait partie du « groupe de moudjahidines du Hezbollah » en « visite d’inspection » sur le terrain syrien.

La montagne de vengeance « divine » aura finalement accouché d’une souris : dix jours plus tard, deux simples soldats israéliens trouvaient la mort lors de l’attaque au missile de ce convoi, dans les hameaux de Chebaa. Sept morts, du côté « libano-iranien », dont deux commandants connus, contre deux soldats, du côté israélien…

La partie fut déclarée nulle par les « arbitres nationaux » libanais, soucieux de sauver la face et l’image… heureusement d’ailleurs. L’ennemi israélien, quant à lui, en était quitte pour un tel score et s’en accommodait fort bien, du moment que son adversaire en tirait satisfaction pour s’en tenir là… Il était à la fois remarquable et typique du genre, de voir et d’entendre les « moudjahidines » et leurs partisans jubiler et crier victoire, le jour de l’attaque, multipliant comme à l’accoutumée les pertes ennemies qui « s’étaient élevées à une (fictive) vingtaine de morts », avec, en outre et « au moins », un (illusoire) prisonnier sioniste.

Le plus à craindre, pour le pauvre peuple libanais pris en otage, c’était ce prisonnier, qui n’avait été capturé que dans l’imagination de la liesse (im)populaire : le temps d’un moment, le spectre de la guerre de juillet 2006 a ressurgi dans les esprits, dans toute sa hideur.

Avouons quand même que non, ces pertes impressionnantes n’égalaient pas celles de l’ennemi, ni en quantité, ni en qualité ; que ces combattants ne devraient sûrement pas tomber en Syrie ; et encore moins les centaines qui ont précédé, et ceux qui vont suivre, dans le but de prolonger l’agonie d’un régime sous assistance respiratoire, qui a asphyxié son peuple, au sens propre comme au figuré.

Mais, plus au nord du Liban, il y a une armée nationale, qui fait courageusement et bravement ses preuves à travers les épreuves provoquées par l’ingérence des « moudjahidines » libanais en territoire syrien, laquelle a attiré les « moudjahidines » de l’autre bord [les combattants de Jabhet al-Nosra et de l’État islamique]en territoire libanais, qui s’affublent du vocable ténébreux de djihadistes. Une armée nationale libanaise qui paye de la vie de ses soldats pour débarrasser le Liban des eaux usées qu’une milice a drainées dans son champ national.

C’est dans le jurd de Ersal -et plus récemment dans celui de Ras Baalbeck [localité de la Bekaa, à majorité chrétienne]- que l’armée libanaise s’érige comme un rempart face aux hordes des djihadistes d’al-Nosra qui déboulent des collines syriennes de Qalamoun.

Prise une fois de plus pour cible, le 23 janvier, sur la colline stratégique de Tallit el-Hamra, l’armée libanaise a repris le contrôle de la position et refoulé les meutes terroristes vers leurs cavernes d’outre-frontière. Mais c’est au matin du 26 février, à l’issue d’une opération éclair, que l’armée a sécurisé le jurd de Ras Baalbeck en conquérant deux collines supplémentaires en surplomb, qui permettent désormais à la fois de protéger Tallit el-Hamra et de contrôler la vallée de Wadi Rafeq…

C’est la nouvelle tragédie libanaise : le passage des « moudjahidines » du « parti de Dieu » en Syrie a laissé des trous à nos frontières, par lesquels s’infiltrent, en sens inverse, les djihadistes de Syrie ; l’armée libanaise est toujours là pour boucher ces trous … avec la chair de ses soldats.

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Ronald Barakat

Sociologue et Journaliste (Beyrouth – LIBAN)

4 Comments

  1. Charles Fayad on

    “”C’est la nouvelle tragédie libanaise””, écrivait Ronald Barakat, mais “”le pauvre peuple libanais pris en otage”” depuis 1969, est condamné à perpétuité à subir des guerres de toutes sortes…. Ce pauvre peuple libanais a connu toute l’horreur des guerres allant des milices palestiniennes, et leurs fédayins, aux guerres saintes, et leurs moudjahidins, en passant par toutes sortes de milices, qui faisaient la loi… et la guerre… Tout cela est pour faire durer un conflit qui a fini par lasser plus d’un observateur. Prenons par exemple, la manière dont Israël mène les combats aériens, et de l’avis des experts militaires, la puissance aérienne a rarement permis d’anéantir l’ensemble des unités adverses. Mais il se trouve que les cibles sont atteintes comme celui récemment du “”gros lot”” selon l’expression des sionistes, du Hezbollah en Syrie, comme l’anéantissement du convoi de l’ancien chef Moussaoui en 1992. Bref les batailles s’annoncent rudes, et le spectacle atroce des décapitations publiques… On restera sur sa faim, et là l’article n’apporte aucune indication au sujet de la vacance au pouvoir au Liban, et que l’élection d’un nouveau président au Liban fait toujours des prérogatives du pouvoir ou “”de ce qu’il en reste””
    à Damas. Mais cela est bien entendu une autre histoire…

  2. Charles Fayad on

    Ce compte rendu de la situation vient à point nommé, alors que dans un récent débat à la tv française, un commentateur, un analyste très en vue concluait que l’évolution du conflit en Syrie, ne permet pas une lecture claire, autant dire, des morts de part et d’autre et qu’on verra plus tard quelle tournure prendront les événements. On peut digresser à l’infini sur la guerre en Syrie, et le débordement vers le Liban. Mais quelques points heureusement repris dans l’article donnent toute la clarté sur la guerre. Que fait par exemple la milice libanaise (tout le monde a compris de qui je parle) dans la guerre en Syrie, en s’approchant du Golan syrien (annexé par Israël) que jamais le régime alaouite des Assad n’a jamais osé mener le moindre attaque, même de pure forme, pour récupérer ce territoire, où l’Onu est présente depuis 1974. J’ai en mémoire que durant la bataille de Qosseir, on enterrait à “”tour de bras”” des jeunes Libanais qui se faisait tuer en Syrie en martyrs pour défendre un lieu saint, chiite, et que tout l’intérêt de ce lieu saint mérite un tel sacrifice… Bref tout cela n’est pas sérieux. On passe de la libération du sud Liban, aux fermes de Chebaa, et puis au nord, et puis à Qosseir, et enfin le Golan. Lire à cet égard l’infographie dans le journal Le Monde du vendredi 27 février dernier sur “”Les nouveaux fronts du Hezbollah””, suffit pour nous donner la chair de poule. Il y a même un front en Irak que Monsieur Hassan Nasrallah a admis dans son discours du 16 février. Bref notre milice divine, s’embourbe dans des conflits, et il ne faut pas être devin pour prévoir le piège, si elle peut un jour s’en dégager.

    • Ronald Barakat on

      Concernant les nouveaux fronts du Hezbollah, si toutes les énergies et les sacrifices de la milice (qui fut une résistance) s’étaient concentrés sur la libération des fermes de Chebaa, ils y seraient parvenus, avec certainement moins de morts et blessés de leur côté, qui se comptent par centaines sur le front syrien. Mais ils ont préféré partir se tuer sur de nouveaux fronts extérieurs en laissant derrière eux le seul front légitime. En fait, à y regarder de plus près, les fermes de Chebaa devraient rester occupées pour qu’ils aient toujours le prétexte de garder leurs armes et pour sauver leur raison d’être.

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