OPINION COLUMN – Je veux bien être Charlie, mais…

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Nous sommes devenus tellement « Collateral damage » que tout le monde s’en fiche de nos bombes et de nos voitures piégées !

Je veux bien être Charlie, mais je suis quand même réticente.  Évidemment, je n’encourage nullement le terrorisme… loin de là.

Je suis tellement contre la violence que le seul acte violent que je conçoive est celui de tuer un moustique. Et encore… il doit m’avoir piqué au moins trois fois. Le tuer devient ainsi un acte d’auto-défense.

La liberté d’expression, j’adhère. Les yeux fermés. Farouche défenseur même.

Mais je ne supporte pas l’extrémisme quel qu’il soit, religieux, politique, culturel. C’est égal. Et Charlie Hebdo était quand même extrémiste à sa manière. Ce qui bien sûr, n’excuse pas l’attaque meurtrière. Ignoble. Inacceptable.

Maintenant que c’est clair qu’une fusillade n’a jamais rien réglé, je suis quand même étonnée de l’engouement des Libanais à vouloir être Charlie. Alors que Charlie lui n’a jamais été Samir, Gebran, Kamel, Riad, Salim, May et j’en passe [ndlr : journalistes libanais tués]. Charlie Hebdo avait même pris parti avec Israël en 2006.

Qu’on rejette l’acte terroriste, oui. Qu’on accuse le meurtre, oui. Qu’on pleure des journalistes, oui. Qu’on déplore la disparition de brillants dessinateurs, absolument.

Mais… Le monde entier aurait réagi comment si le même cas de figure s’était présenté au Liban ? Aurait-on été L’Orient ? Le Nahar ? La Jamhouria ? Ou n’importe lequel de nos quotidiens, hebdomadaires ou mensuels ? Evidemment que non !

Nous sommes devenus tellement « Collateral damage » que tout le monde s’en fiche de nos bombes et voitures piégées. Les médias de la planète nous ont tellement affichés et décrits comme la peste bubonique que nous sommes nous-mêmes convaincus que nous sommes des humains de second ordre.

La preuve la réaction sur les réseaux sociaux libanais.

« Je suis Charlie » pour ressembler à l’occident. Alors que la majorité n’avait jamais entendu parler de Cabu et de Wolinski (dont j’admire les dessins).

 « Nous ne sommes plus en sécurité nulle part »… Franchement, nous ne sommes pas en sécurité dans notre propre pays et peu nombreux sont ceux qui ont les moyens d’aller vivre tranquille, ailleurs. Commençons par exiger la sécurité chez nous. Commençons à pleurer nos morts. Nos soldats. Nos martyrs (bien que j’ai ce mot en horreur.)

« Ça fait peur… » Fallait-il vraiment que des français meurent pour commencer à avoir peur ? Et les centaines de morts depuis 1975 (pour les mêmes raisons que ceux du 7 janvier 2015), ça ne vous fait pas peur ? Et les soldats décapités presque devant nos portes ? Quelqu’un a-t-il dit « Je suis Ali Sayed » ? (Pour ne citer que lui)

Isis ou Daech, c’est pourtant la même chose ou je me trompe?

« C’est que nous nous sommes habitués, mais eux… » Pour moi le coup de semonce. Non je ne veux pas m’habituer au terrorisme, à la mort violente et à l’insécurité. « Eux » ne sont pas mieux que moi ou que quiconque natif de ces 10452 km2. Ca me désole qu’on puisse penser ainsi.

Personne, quelles que soient sa nationalité, sa couleur, sa religion ou son appartenance, ne doit subir une mort due à un acte terroriste ou de guerre. Et cette mort violente ne doit en aucun cas être considérée comme « une habitude »…

Des milliers de Libanais sont morts pour défendre la Liberté. Toutes sortes de Libertés. Et continuent le combat malgré les menaces et la terreur, dans l’ignorance mondiale.

Non, je ne suis pas Charlie.

Je suis libanaise.

Par Josyane BOULOS (Citoyenne du Liban)

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Redaction

Le Courrier du Maghreb et de l'Orient - The Orient and Maghreb Courier

1 Comment

  1. Tout à fait d’accord, c’est la “loi du mort kilomètre”, bien connue des journalistes. Mais, être Charlie, c’est aussi être solidaire de toutes les victimes de la sottise humaine, à savoir, des millions de personnes …

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