TERRITOIRES PALESTINIENS – La Palestine en quelques dates…

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C’est en 1897 que le congrès sioniste de Bâle décida d’agir aux fins de créer « pour le peuple juif en Palestine d’une patrie garantie par le droit public », et à cette fin d’en encourager la colonisation. À ce titre, et par les méthodes qu’il allait mettre en œuvre, le sionisme s’insère dans l’expansion coloniale européenne. Il y avait à l’époque quelque 20.000 Juifs en Palestine, beaucoup moins que dans d’autres pays arabes au Moyen-Orient ou en Afrique du Nord. En 1914, on en comptait 85.000 pour quelque 600.000 Arabes…

1915 – Les Britanniques poussent les Arabes à se soulever contre les Turcs en leur promettant de soutenir l’indépendance des Arabes dans toutes les régions situées dans les limites revendiquées par le Chérif de la Mecque, qui englobaient la Palestine (Accords Hussein-Mac Mahon des 14 juillet-24 octobre 1915). Parallèlement, les Britanniques passent les 9 et 18 mai 1916, avec la France, les Accords secrets « Sykes-Picot » par lesquels la France et la Grande-Bretagne se reconnaissent des zones d’influence et le droit de protéger un « État arabe » ou une « confédération d’États arabes » installés dans leur zone.

Celle de la France recouvrait ce qui est aujourd’hui la Syrie et le Liban. Celle de la Grande-Bretagne embrassait le reste.

Enfin, le 2 novembre 1917, Lord Balfour écrivait à Lord Rothschild, agissant pour le Comité politique de l’organisation sioniste : « Le Gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un Foyer national pour le peuple juif et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte aux droits civils et religieux des collectivités non juives existant en Palestine, ou aux droits et au statut politique dont les Juifs jouissent dans tout autre pays. »

Les Arabes de Palestine ne se voyaient mentionnés dans cette déclaration (la « Déclaration Balfour ») que sous le vocable de « collectivités non juives ». Or, pour prendre les chiffres du recensement de 1922, il y avait en Palestine 83.000 Juifs contre 674.000 Arabes.

1919 – Contrairement à leurs promesses faites aux Arabes, les Britanniques n’accordent l’indépendance qu’à la seule Arabie (Hedjaz et Nedj).

La conférence des vainqueurs à San Remo, le 25 avril 1920, confirma les termes de la Déclaration Balfour et admit le principe des mandats français sur la Syrie (avec le Liban) et britannique sur la Palestine (avec la Transjordanie) et l’Irak.

La Transjordanie, à propos de laquelle l’art. 25 du mandat prévoyait un statut particulier, était réservée aux tribus bédouines de l’Emir Abdallah (accord de 1920 avec Churchill). Un traité du 20 février 1928 lui donnera une pleine autonomie.

24 juillet 1922 – Le mandat sur la Palestine confié par la Société des Nations au Royaume-Uni reprend les termes de la Déclaration Balfour.

Ainsi se voyait « internationalisée » par la Société des Nations l’institution d’un foyer national juif en Palestine. L’immigration juive fut dès lors organisée systématiquement. Elle rencontre, à partir de 1920, mais surtout par les grandes grèves de 1936 et 1938, une opposition nationaliste palestinienne qui fut écrasée par les Britanniques, mais les amena à décider, dans un livre blanc de 1939, de limiter l’immigration juive à 75.000 personnes pour les cinq années à venir. Le génocide juif en 1939-1945 par les Nazis va renforcer l’idéologie sioniste. L’immigration clandestine et le terrorisme juif se développent en Palestine.

1947 – La population totale de la Palestine comprenait 1.855.000 habitants, dont 1.247.000 Musulmans et Chrétiens, pour 608.000 Juifs. Les neuf dixièmes de ces derniers étaient des immigrants étrangers d’origine polonaise, russe ou d’Europe centrale. Un tiers d’entre eux seulement avait obtenu régulièrement des Britanniques la nationalité palestinienne.

29 novembre 1947 – Par sa résolution 181, l’Assemblée générale des Nations unies (AGNU) adoptait le plan de partage de la Palestine en deux États avec union économique et un statut particulier (international : corpus separatum) pour la ville de Jérusalem, qui devait être administrée par le Conseil de tutelle.

Ce plan, adopté par 33 voix (y compris celles de la France, des États-Unis et de l’URSS) contre 13 et 10 abstentions, offrait à l’État juif 54 % du territoire, alors que les Juifs ne représentaient qu’un tiers de la population ( !).

L’État arabe devait compter 735.000 Arabes et 10.000 Juifs, la zone de Jérusalem 105.000 Arabes et 100.000 Juifs, l’État juif 497.000 Arabes pour 498.000 Juifs.

11 novembre 1947 – Une sous-commission de la Commission ad hoc de l’AGNU chargée de la question palestinienne proposa qu’un certain nombre de questions fussent posées à la Cour internationale de Justice (CIJ). Notamment : la population autochtone de Palestine n’a-t-elle pas un droit naturel sur la Palestine et ne lui appartient-il pas d’en déterminer la constitution et le gouvernement futur ? La Déclaration Balfour, faite à l’insu et sans le consentement de la population autochtone de la Palestine, est-elle valable et obligatoire pour le peuple de Palestine ? Un plan de partage de la Palestine sans le consentement de la majorité de son peuple est-il compatible avec les buts du Pacte de la Société des Nations ? L’ONU jouit-elle de la compétence nécessaire pour recommander l’un ou l’autre des plans de la majorité ou de la minorité de la Commission spéciale des Nations unies sur la Palestine, ou toute autre solution comportant la division de la Palestine sans le consentement de la majorité du peuple de la Palestine ?

L’AGNU s’est bien gardée de poser ces excellentes questions à la Cour car elle était décidée à imposer le partage aux Arabes en dépit de leur opposition farouche. Ce fut, certes, l’œuvre des Nations unies.

Mais quelles Nations unies ? Une organisation entièrement aux mains, à l’époque, de l’Occident. Il est symptomatique qu’en 1947, aucun pays africain ou asiatique n’accepta de voter en faveur de la résolution 181 précitée qui faisait fi des droits à l’autodétermination du peuple palestinien – à l’exception du Libéria, des Philippines et de l’Afrique du Sud…

14 mai 1948 – Concomitamment avec la fin du mandat, Ben Gourion proclama l’indépendance de l’État d’Israël qui fut reconnu dans les minutes qui suivent par les États-Unis d’Amérique, puis, le 17 mai, par l’URSS. La guerre larvée depuis plusieurs mois, éclata sur tous les fronts, les États arabes soutenus en sous-main par le Royaume-Uni, venant aider une faible résistance palestinienne pour empêcher par la force le partage. Sans grand succès pour les Arabes ! La guerre prit fin par les Accords de Rhodes passés de février à juillet 1949, entre Israël et chacun des États voisins.

La partie de territoire dont Israël s’emparait était appréciable. La superficie d’Israël passait de 54 à 67 % du territoire de la Palestine, y compris une partie de Jérusalem (la nouvelle ville).

Aucun État arabe palestinien n’était créé dans le reste du territoire, car la Transjordanie annexa la rive Ouest du Jourdain (Cisjordanie) et se transforma en Royaume de Jordanie. Seule la bande de Gaza, sous gouvernement militaire égyptien, demeurait territoire palestinien.

En outre, les Arabes palestiniens chassés en 1948 par les Israéliens, soit de l’État juif, soit de la partie réservée à l’État arabe occupé par eux, dépassaient 600.000 personnes.

Jusqu’en 1969, ce problème ne sera traité par l’ONU que comme un problème de « réfugiés ».

11 décembre 1948 – L’AGNU vota la célèbre résolution 194, dont le paragraphe 11, qui se réfère aux réfugiés arabes, ne sera jamais appliqué par Israël : « Décide qu’il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, et que des indemnités doivent être payées à titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer dans leurs foyers et pour tout bien perdu ou endommagé lorsque, en vertu des principes du droit international ou en équité, cette perte ou ce dommage doit être réparé par les gouvernements ou autorités responsables. »

Les réfugiés furent matériellement pris en charge par les États hôtes (Jordanie, Liban, Syrie, Egypte) et par un organe subsidiaire de l’AGNU, l’UNRWA (Office de secours et de travaux des NU pour les réfugiés de Palestine).

11 mai 1949 et le 14 décembre 1955 – Israël et la Transjordanie devinrent membres de l’ONU, respectivement, le 11 mai 1949 et le 14 décembre 1955. La création de ces deux États sur le territoire de l’ancienne Palestine tendait à enterrer la nation palestinienne.

1956 – Profitant des difficultés que l’Egypte de Nasser avait avec la France et la Grande-Bretagne à propos de la nationalisation du canal de Suez, Israël envahit et occupe le Sinaï. Le retrait des Israéliens sera obtenu en les remplaçant par des troupes de l’ONU, la Force d’urgence des Nations unies.

5 juin 1967 – La guerre dite des « Six Jours » éclatait.

Elle aggrava encore la situation des Palestiniens, puisque la Cisjordanie et Gaza furent occupés ainsi que le Golan (Syrie) et le Sinaï (Egypte).

La célèbre résolution 242 (1967) votée à l’unanimité, le 22 novembre 1967, par le Conseil de sécurité ne faisait allusion aux Palestiniens que par l’affirmation de la nécessité « de réaliser un juste règlement du problème des réfugiés » et ceci dans un contexte affirmant « respect et reconnaissance de la souveraineté et de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de chaque État de la région », c’est-à-dire le maintien d’Israël dans sa structure actuelle et la Jordanie dans une extension territoriale englobant une partie de la Palestine de 1948.

D’un statut de réfugiés à un statut de « peuple »

1969 – À partir de sa XXIVe session, l’AGNU prend enfin conscience de la véritable nature du problème palestinien. Par sa résolution 2535 B du 10 décembre 1969, l’AG qualifie, en effet, pour la première fois les Palestiniens de « peuple » : « Reconnaissant que le problème des réfugiés arabes de Palestine provient du fait que leurs droits inaliénables tels qu’ils sont énoncés dans la Charte des Nations Unies et dans la Déclaration universelle des droits de l’homme leur sont déniés (…) réaffirme les droits inaliénables du peuple de Palestine… »

Depuis, et à des majorités grandissantes, la place du peuple palestinien dans les résolutions de l’AG s’est affirmée.

Il est significatif que l’AGNU traite du peuple palestinien dans les mêmes résolutions que les situations coloniales et confère ainsi au peuple palestinien un statut juridique identique à celui des peuples colonisés (ainsi, le 12 décembre 1997, l’AGNU « réaffirme le droit du peuple palestinien à l’autodétermination »).

Dans son avis du 9 juillet 2004 sur le mur, la CIJ observe « que l’existence d’un ‘peuple palestinien’ ne saurait faire débat » (CIJ, Rec. 2004, § 118)…

1974 – Lors de la 29e session de l’AGNU (14 octobre 1974), la lutte du peuple palestinien marqua les points suivants :

1°        Invitation de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) « qui est le représentant du peuple palestinien, à participer aux délibérations de l’AG sur la question de Palestine en séances plénières » (résolution 3210 du 14 octobre 1974, adoptée par 105 voix contre 4, avec 20 abstentions).

2°        Quant au fond, l’AG, le 22 novembre 1974 (89 oui – 8 non – 37 abstentions) :

  1. Réaffirme les droits inaliénables du peuple palestinien en Palestine, y compris :

a)  le droit à l’autodétermination sans ingérence extérieure, et

b)  le droit à l’indépendance nationale et à la souveraineté.

  1. Réaffirme également le droit inaliénable des Palestiniens de retourner dans leurs foyers et leurs terres d’où ils ont été déplacés et déracinés, et demande leur retour.
  1. Insiste sur le fait que le respect total et la réalisation des droits inaliénables du peuple palestinien sont indispensables au règlement de la question de Palestine.
  1. Reconnaît que le peuple palestinien est une partie principale à l’instauration d’une paix juste et durable au Proche-Orient

5. Reconnaît en outre le droit du peuple palestinien à recouvrer ses droits par tous les moyens conformément aux buts et principes de la Charte des Nations Unies.

3°   L’OLP reçoit le statut d’observateur permanent auprès de l’AGNU, statut qui, à part le Saint-Siège, n’avait jusqu’alors été accordé qu’à des États (non membres de l’ONU) (résolution 3237 du 22 novembre 1974 ; votes : 95 – 17 – 19).

Ces diverses résolutions avaient été précédées d’une décision de la conférence des chefs d’États arabes de Rabat, le 29 octobre, affirmant « le droit du peuple palestinien à établir un pouvoir national indépendant sous la direction de l’OLP en sa qualité de seul et légitime représentant du peuple palestinien sur tout territoire libéré. »

En ne s’y opposant pas, la Jordanie renonçait implicitement à l’annexion de la Cisjordanie…

1975 – La 30e session, l’AG des NU demande que l’OLP, représentant du peuple palestinien, soit invitée à participer à tous les efforts, délibérations et conférences sur le Moyen-Orient qui ont lieu sous les auspices de l’ONU, sur un pied d’égalité avec les autres parties (résolution 3375 du 10 novembre 1975 ; votes : 101 – 8 – 25); crée un Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien (résolution 3376 du 10 novembre 1975 ; votes : 93 – 10 – 27); et considère que le sionisme est une forme de racisme et de discrimination raciale (résolution 3379 du 10 novembre 1975 ; votes : 72 – 35 – 32). Cette dernière résolution sera mise à néant seize ans plus tard par une nouvelle résolution de l’AG, adoptée le 16 décembre 1991 (résolution 46/86 ; votes : 111-25-13).

1977 – L’accord de paix avec l’Egypte.

Le voyage du Président Sadate à Jérusalem en novembre 1977, puis les entretiens directs Egypte – Israël, aboutirent à l’accord de Camp David du 17 septembre 1978 entre ces deux pays.

Ces accords furent suivi d’un Traité de paix, le 26 mars 1979. Ils permirent à l’Egypte de récupérer le Sinaï (en avril 1982) – mais avec une série de servitudes au profit d’Israël.

Ces accords furent critiqués pour les raisons suivantes :

–     ils tournaient le dos à une paix générale souhaitée par l’AG.

–     le premier document traitait du problème palestinien en des termes inacceptables pour les autres pays arabes: il ne faisait pas mention du droit du peuple palestinien à disposer de lui-même dans les termes reconnus par l’ONU, avec notamment le droit de constituer un État sur les territoires occupés par Israël en 1967 (Gaza et la Cisjordanie); il ne reconnaissait pas l’OLP comme représentant du peuple palestinien; il n’envisageait qu’une autonomie administrative limitée aux seuls « habitants » des territoires occupés (y compris les colonies juives établies depuis 1967 et excluait les réfugiés de 1948 et 1967), sous contrôle jordanien et avec présence militaire israélienne

1980’, 1990’ et 2000’ – Les violations du droit international par Israël et les Palestiniens.

Sourd aux appels de l’ONU, Israël s’enfoncera de plus en plus dans une politique de force condamnée régulièrement par l’ONU et caractérisée, entre autres, par les violations suivantes :

1°        politique d’annexion.

Les annexions de Jérusalem en juillet 1980 et du Golan en décembre 1981 ont été condamnées par le Conseil de sécurité (résolution 476 (1980), 478 (1980), 497 (1981)) ; Israël a menacé aussi d’annexer la Cisjordanie, appelée « Judée-Samarie »…

2°        maintien de l’occupation.

Le Conseil de sécurité demande en vain, depuis 1967, le « retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés lors du récent conflit » (résolution 242, 22 nov. 1967).

L’étendue de cette obligation a été fortement discutée.

Le texte anglais de la résolution parle de « withdrawal of Israel armed forces from territories occupied in the recent conflict ». De fait, un projet antérieur de résolution déposé par l’Inde, le Mali et le Nigeria disait que « Israel’s armed forces should withdraw from all the territories occupied as a result of the recent conflict ».

Ce projet n’ayant pas été adopté, on pourrait soutenir que l’obligation de retrait ne concernait pas tous les territoires occupés. Cette thèse reste toutefois contestable pour les raisons suivantes :

–      le texte français de la résolution 242 fait autant foi que le texte anglais (Charte, art. 111 ; règlement provisoire du Conseil de sécurité, art. 41).

–      l’art. 33, § 3, de la Convention de Vienne sur le droit des traités dit que « les termes d’un traité sont présumés avoir le même sens dans les divers textes authentiques »; or, si « withdrawal of Israel armed forces from territories », peut avoir un sens partitif ou collectif, « retrait […] des territoires occupés » ne peut avoir qu’un sens collectif ; la version anglaise est donc présumée avoir ce sens-là conformément à l’art. 33, § 3.

–      les travaux préparatoires montrent que parmi les Ètats qui participèrent à la discussion, 8 d’entre eux estimèrent que la résolution impliquait le retrait de « tous » les territoires occupés (Inde, URSS, France, Bulgarie, RAU, Jordanie, Argentine et Mali) ; aucun Ètat n’a soutenu expressément le contraire ; le Royaume-Uni (auteur du projet), Israël et les États-Unis se sont bornés à dire que la résolution disait ce qu’elle disait et rien d’autre…

–      le Brésil (lors de ce débat) et l’Inde (lors du débat relatif à la résolution 338 adoptée à la suite du conflit israélo-arabe d’octobre 1973, résolution qui demandait l’application de la résolution 242) ont considéré, à juste titre, que la résolution n’excluait pas des ajustements de frontières, mais par accord entre les parties (Report of the SC, 1967-1968, doc. ONU A/7202, §§ 142 ss. ; Rapport du CS, 1973-1974, doc. ONU A/9602, § 145).

–      la pratique subséquente tend à conforter l’idée qu’Israël doit se retirer de tous les territoires occupés (sauf éventuel accord avec la Palestine) ; par ex., la résolution 476 (1980) « réaffirme la nécessité impérieuse de mettre fin à l’occupation prolongée des territoires occupés par Israël depuis 1967, y compris Jérusalem » (§ 1).

3°        Implantation de colonies de peuplement à Jérusalem, au Golan, en Cisjordanie et à Gaza.

Ce comportement, contraire à l’art. 49 de la 4e Convention de Genève (CG) sur la protection des civils en temps de guerre et mené depuis 1967, a été condamné, à diverses reprises, par le Conseil de Sécurité des NU : « Le Conseil considère que toutes les mesures prises par Israël pour modifier le caractère physique, la composition démographique, la structure institutionnelle ou le statut des territoires palestiniens et des autres territoires arabes occupés depuis 1967, y compris Jérusalem, ou de toute partie de ceux-ci n’ont aucune validité en droit et que la politique et les pratiques d’Israël consistant à installer des éléments de sa population et de nouveaux immigrants dans ces territoires constituent une violation flagrante de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre et font en outre gravement obstacle à l’instauration d’une paix d’ensemble, juste et durable au Moyen-Orient » (résolution 465, § 6).

Sans surprise, la CIJ a été dans le même sens dans son avis consultatif sur le mur israélien édifié en Cisjordanie(CIJ, Rec. 2004, § 120). Il faut ajouter que les colonies de peuplement en tant que « transfert illégal » par la Puissance occupante de sa population en territoire occupé sont constitutives de crime de guerre aux termes de l’art. 147 de la 4e Convention de Genève précitée.

4°        L’ensemble des colonies israéliennes de Gaza sont évacuées entre le 15 août et le 12 septembre 2005. L’Autorité palestinienne (AP) ne dispose toutefois que d’un pouvoir limité sur Gaza car elle ne contrôle ni son espace aérien, ni son espace maritime ; en outre, Israël maintient encore un contrôle effectif sur la totalité des espaces aérien et maritime de la bande de Gaza, ainsi que sur une zone tampon de 300 mètres de large (600 et 1 500 mètres par endroits) le long de la frontière, à l’intérieur de la bande de Gaza, qui constitue une zone inaccessible privant Gaza de 35 pour cent de ses terres arables ; Gaza continue donc à faire l’objet d’une occupation partielle violant l’obligation de retrait imposée par le Conseil de sécurité depuis 1967.

5°        Attentats ciblés contre de prétendus terroristes palestiniens : de telles actions violent à la fois l’interdiction de toute hostilité proclamée par le Conseil de Sécurité depuis, mais aussi les règles élémentaires des droits humains, notamment le droit à la vie : le fait de tirer sur des terroristes présumés afin de les tuer sans tenter de les arrêter au préalable viole le droit à la vie affirmé par la Convention (27 sept. 1995, Série A, n° 324, §§ 211-212) ; ce précédent est transposable aux actions ciblées d’Israël contre des personnes présentées comme des terroristes, même s’il s’agit réellement de terroristes.

6°        Construction en Cisjordanie d’un mur de défense…

En 2003, Israël a commencé la construction d’une enceinte (tantôt mur, tantôt clôture, avec fossé, barbelés, chemin de ronde ou de dépistage, etc.) le long de la ligne de démarcation de 1949 – la « Ligne verte » – avec la Cisjordanie, afin d’empêcher les infiltrations de commandos palestiniens.

Mais cette enceinte qui, par endroits, atteint 100 m de largeur (!) ne suit pas la ligne verte.

Elle est, ou doit être, construite en majeure partie sur le territoire de la Cisjordanie; une fois terminée, cette enceinte mettrait plus de 16% du territoire cisjordanien en Israël et protégerait 80% des colons israéliens installés dans cette zone, soit 320 000 personnes; 237 000 Palestiniens se retrouveraient également du côté israélien, ainsi que la plus grande partie de la nappe phréatique occidentale.

Condamnée comme illicite par l’AGNU (résolution ES-10/13, 21 octobre 2003), cette construction a conduit l’AGNU a demander un avis consultatif à la CIJ sur la légalité et les conséquences juridiques de cette enceinte.

Dans son avis du 9 juillet 2004, la CIJ a confirmé l’illégalité des parties de mur érigées en territoire palestinien. La Cour a conclu qu’Israël devait y mettre fin, détruire ce qui avait été construit et indemniser les populations palestiniennes préjudiciées; elle a, en outre, considéré que les États ne pouvaient pas reconnaître cette construction et devaient agir tant individuellement que collectivement, notamment à travers l’AGNU et le Conseil de sécurité, pour obliger Israël à respecter ses obligations internationales.

Pour un des juges de la CIJ, cet avis équivaudrait à « assimiler la Palestine à un État ».

On pourrait multiplier les exemples de violations graves du droit international par Israël…

Mais, si Israël a, derrière lui, un lourd passé de graves et fréquentes violations du droit international général, de leur côté, les Palestiniens ne sont pas en reste dès lors qu’ils n’ont jamais cessé de harceler Israël en s’attaquant à de nombreuses reprises, notamment, à des civils (actions terroristes commises par le Hamas, le Hezbollah, etc .)…

Outre leur illégalité patente au regard du droit des conflits armés (cfr. Déclaration de St. Pétersbourg de 1868), ces actions violent également le droit international général car, même si les Palestiniens sont juridiquement fondés à obtenir la reconnaissance de leur droit à un Ètat comprenant, au minimum, Gaza, la Cisjordanie de 1967 et Jérusalem-Est, il faut se rappeler que, le 22 novembre 1967, le Conseil de sécurité a décidé, non seulement, le « retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés lors du récent conflit », mais aussi la « cessation de toutes assertions de belligérance ou de tous états de belligérance et respect et reconnaissance de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de chaque Etat de la région et de leur droit de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues à l’abri de menaces ou d’actes de force » (résolution 242, 22 novembre 1967, § 1, ii).

Cette résolution, obligatoire en tous ses éléments (Charte des NU, art. 25), lie aussi bien Israël que les groupes armés qui luttent pour la Palestine.

Or, si Israël ne respecte pas l’obligation d’évacuer les territoires occupés, les Palestiniens ne peuvent s’en prévaloir pour mener des actions hostiles contre Israël, ce qui est contraire à l’obligation de cesser « tous états de belligérance ».

On peut certes comprendre la détresse et l’exaspération des Palestiniens devant l’obstination d’Israël à conserver des territoires sur lesquels il n’a aucun droit, devant les innombrables vexations et humiliations dont ils sont quotidiennement victimes et devant l’inefficacité de la communauté internationale et de la diplomatie mais, d’un point de vue juridique, la question relève du Conseil de Sécurité et il n’appartient qu’à lui de prendre les mesures destinées à faire respecter le droit international par Israël.

Les Palestiniens ne peuvent se faire justice à eux-mêmes.

27 décembre 2008 – Toutes les tentatives de pression sérieuse ou de sanctions contre Israël ont échoué devant le veto des États-Unis qui se sont aussi opposés aux projets de résolution du Conseil impliquant ou reconnaissant un État palestinien.

Le 27 décembre 2008, Israël a mené une vaste offensive militaire contre la bande de Gaza (l’opération « plomb durci ») en riposte aux tirs de roquettes Kassam tirées depuis Gaza contre des bourgades israéliennes (Sderot, Ashkelon, Ashdod), respectivement à 2,5 km, 16,5 km et 35 km de la frontière avec Gaza.

Cette offensive a pris fin le 18 janvier 2009 avec un cessez-le-feu décidé par Israël, puis par le Hamas quelques heures plus tard.

Bilan humain de cette offensive : côté palestinien, 1.315 morts (dont 65 % de civils, 410 enfants et plus de 100 femmes) et 5 285 blessés ; côté israélien, 13 morts (3 civils et 10 militaires) et 197 blessés (113 militaires et 84 civils).

22 janvier 2009 – La Palestine dépose à la Cour pénale internationale (CPI) une déclaration reconnaissant la compétence de la CPI, pour les crimes commis en Palestine depuis le 1er juillet 2002.

Plus de deux ans et demi après la reconnaissance par l’Autorité palestinienne de la compétence de la CPI, le bureau du Procureur a fait savoir, le 3 avril 2012, qu’il ne pouvait donner suite à cette reconnaissance car il appartenait, selon lui, à l’ONU de décider si la Palestine constituait bien un État (la CPI n’est, en effet, ouverte qu’aux États). Raisonnement absurde qui ne tient pas compte du fait, d’une part, que plus de 130 États ont reconnu la Palestine comme État ; et, d’autre part, que, si la qualité d’État dépendait d’une reconnaissance de l’ONU, il faudrait conclure qu’il n’existait pas d’États avant 1945 (date de la création de l’ONU)…

Quoi qu’il en soit, la condition énoncée par le Procureur de la CPI avait déjà été remplie le 31 octobre 2011, lorsque la Palestine était devenue le 195e État membre de l’UNESCO ; elle le sera encore davantage lorsque, le 29 novembre 2012, dans sa résolution 67/19, l’AGNU « décide d’accorder à la Palestine le statut d’État non membre observateur auprès de l’Organisation des Nations Unies, sans préjudice des droits et privilèges acquis et du rôle de l’Organisation de libération de la Palestine auprès de l’Organisation des Nations Unies en sa qualité de représentante du peuple palestinien, conformément aux résolutions et à la pratique existant en la matière ».

14 juin 2014 – Trois adolescents israéliens sont enlevés et tués.

Leurs corps sont découverts le 30 juin.

Dans la nuit du 1er au 2 juillet, un adolescent palestinien est enlevé et brûlé vif par des extrémistes israéliens.

Le Hamas intensifie ses tirs de roquettes vers Israël provoquant, le 8 juillet 2014, l’opération israélienne « Bordure de sécurité » contre la Bande de Gaza.

Après 22 jours de combats, le bilan est effrayant : selon des sources de l’ONU, 1085 tués du côté palestinien dont plus de 70 % de civils ; 56 du côté israélien (53 soldats et 3 civils).

31 juillet 2014 – On parle de plus de 1300 Gazaouis tués…

Juridiquement, il est clair que les bombardements massifs de Gaza sont des violations graves du droit international humanitaire (DIH) coutumier car, même si des combattants du Hamas lancent des roquettes contre Israël depuis des bâtiments civils – ce qui est aussi une violation du DIH (étude du CICR sur le DIH coutumier, règles 22-24) –, les réactions d’Israël apparaissent comme des attaques qui sont, à l’évidence, excessives « par rapport à l’avantage militaire concret et direct attendu » (ibid., règle 14) : le nombre de victimes civiles parle de lui-même.

De plus, vu leur caractère disproportionné, ces bombardements ne sont pas seulement des violations du DIH, ce sont aussi des crimes de guerre visés à l’art. 85, § 3, b, du 1er Protocole de 1977 additionnel (PA) aux CG de 1949 qui qualifie ainsi le fait de « lancer une attaque sans discrimination atteignant la population civile ou des biens de caractère civil, en sachant que cette attaque causera des pertes en vies humaines, des blessures aux personnes civiles ou des dommages aux biens de caractère civil, qui sont excessifs au sens de l’art. 57, § 2, a, ii »

L’art. 57, § 2, dispose quant à lui : « En ce qui concerne les attaques, les précautions suivantes doivent être prises : ceux qui préparent ou décident une attaque doivent prendre toutes les précautions pratiquement possibles quant au choix des moyens et méthodes d’attaque en vue d’éviter et, en tout cas, de réduire au minimum les pertes en vies humaines dans la population civile, les blessures aux personnes civiles et les dommages aux biens de caractère civil qui pourraient être causés incidemment. »

Il est vrai qu’Israël n’est pas partie au 1er PA mais la règle énoncée ci-dessus n’en lie pas moins Israël en tant que règle coutumière car on la retrouve à l’art. 20, b, du projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité rédigé en 1996 par la Commission du droit international aux fins de codifier le droit international coutumier (A/RES/174/II, 21 nov. 1947, art. 1er). On la retrouve aussi à l’art. 8, § 2, b, iv, du Statut de la CPI qui, pas plus que le 1er PA, ne lie Israël mais qui n’en apparaît pas moins comme l’expression de la coutume internationale.

Ce n’est donc pas solliciter exagérément le droit de dire qu’Israël commet des crimes de guerre en bombardant des positions du Hamas se trouvant au sein de la population civile.

Ces bombardements entraînent, en effet, des massacres qui dépassent très largement les dommages incidents ou collatéraux causés – en quelque sorte accidentellement –, aux civils, dommages qui, eux, sont juridiquement admissibles en temps de guerre.

Politiquement, on peut, certes, s’interroger sur la justification et l’intelligence des actions du Hamas qui provoquent Israël et aboutissent à des réactions criminelles dont la population civile de Gaza fait les frais. On ne peut cependant pas juger le Hamas sans oublier que, s’il provoque Israël, Israël ne cesse de provoquer le peuple palestinien en refusant obstinément de se retirer des territoires qu’il occupe depuis 1967, en y implantant et en y développant constamment des colonies de peuplement, en annexant, de facto, une partie de la Cisjordanie avec la construction d’un mur qui empêche les Palestiniens de cultiver leurs champs, d’accéder à leur hinterland naturel, de circuler librement, un mur qui empêche les enfants d’aller à l’école ou les blessés et malades d’aller dans un hôpital ainsi que l’a d’ailleurs constaté la CIJ dans son avis sur le mur.

Or, de tels faits ne violent pas seulement le DIH, ce sont aussi des faits juridiquement criminels : comme on l’a vu, l’établissement des colonies de peuplement est un crime de guerre; quant aux entraves à l’exercice par les Palestiniens de leurs droits fondamentaux (entraves résultant de l’édification du mur de défense en territoire palestinien occupé), il s’agit de persécutions dirigées contre un groupe national, persécutions qui, par définition, sont constitutives de crimes contre l’humanité (cfr. Statut de la CPI, art. 7, § 1, h, et § 2, g) ; or, ces crimes sont bien plus anciens et bien plus nombreux que les lancements indiscriminés de roquettes par le Hamas.

Certes, une violation du droit n’en justifie pas une autre, mais elle contribue à l’expliquer, et si l’on veut compter les points ou dresser un bilan des violations du droit international commises par Israël et de celles imputées au Hamas, le passif d’Israël est bien plus élevé que celui du Hamas.

Il est donc absurde d’accorder le moindre crédit aux justifications d’Israël lorsqu’il parle de légitime défense : le blocus imposé par Israël à Gaza depuis l’accession du Hamas au pouvoir, le maintien d’une zone tampon le long de la frontière terrestre à l’intérieur de la Bande de Gaza, le contrôle de l’espace aérien et des espaces maritimes de Gaza sont autant d’actes d’agression commis en permanence par Israël contre la population de ce territoire. Encore une fois, on ne peut que le répéter, une violation du droit n’en justifie pas une autre et les actions d’Israël contre Gaza ne justifient pas les lancements de roquettes du Hamas contre la population israélienne mais il reste que c’est Israël qui agresse en permanence la Bande de Gaza et non l’inverse.

Les lancements de roquettes sont des réactions juridiquement illicites et politiquement vaines – ce n’est pas ainsi que le Hamas convaincra Israël de mettre fin à ses propres violations du droit international – mais elles s’expliquent, à défaut de se justifier, par une politique d’Israël tout aussi illégale et tout aussi vaine que celle du Hamas.

La CPI aurait été à nouveau saisie, le 25 juillet 2014, de la situation à Gaza par le ministre palestinien de la Justice, ce qui équivaudrait à une nouvelle reconnaissance de la compétence de la CPI après celle, avortée, de janvier 2009.

Il faut espérer que l’actuelle Procureur de la Cour, Mme Fatou Bensouda, aura une réaction plus sensée – ce n’est pas difficile… – que celle de son prédécesseur, M. Moreno Ocampo, en avril 2012, et ouvrira une enquête sur les crimes commis à Gaza.

Certes, cela ne ressuscitera pas les victimes palestiniennes (1967 Palestiniens tués en date du 5 août 2014) et israéliennes (67 soldats et 3 civils, parmi lesquels, peut-être, des opposants à Netanyahou et des défenseurs des droits des Palestiniens ?) et cela n’empêchera sans doute ni de nouveaux conflits ni de nouvelles victimes ; après tout, les 18,6 millions de morts de la 1e Guerre mondiale, dont ont commémore les 100 ans, n’ont pas empêché la seconde guerre et ses quelque 60 millions de morts.

Mais, si la guerre est dans l’ADN de beaucoup d’hommes, comme le suicide des lemmings serait prétendument dans le leur, le besoin de vérité fait également partie de nos besoins primaires.

De ce point de vue, le travail de la CPI pourrait, au moins, contribuer à les satisfaire.

Et à rendre l’homme un peu plus sensible à la vanité de la guerre…

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Eric David

Professeur émérite de Droit international à l'Université libre de Bruxelles (ULB) et Président du Centre de Droit international - BELGIQUE

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