URGENT / IRAK – Mossoul, l’heure de la vengeance

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Alors que les dernières poches de résistance des djihadistes de l’État islamique sont en train de céder face aux assauts de l’armée irakienne sur les ruines de la vieille-ville, au cœur de Mossoul-est, l’heure de la vengeance a sonné pour les soldats chiites qui reconquièrent les territoires sunnites d’Irak.

L’image très politiquement correcte qui est donnée de la « libération » de Mossoul et d’une population en fête acclamant et accueillant à bras ouverts ses « libérateurs », partout diffusée par la presse irakienne et les médias de masse des États membres de la coalition internationale menée par Washington et qui a présidé à la reconquête de la ville, est certes bienvenue, dans un contexte tendu où il est préférable de ne pas exacerber plus encore l’hostilité qu’éprouvent les Chiites à l’égard des Sunnites (et vice-versa), mais elle ne correspond en rien à la réalité du terrain ; et probablement les prochains mois, voire les prochaines années, réserveront-ils d’étonnantes déconvenues à ceux qui se fient à cette propagande de circonstances.

Minoritaires en Irak (principalement établis dans la moitié nord-ouest du pays) et sur lesquels le régime de Saddam Hussein s’est appuyé pendant près de trente ans au détriment de la majorité chiite, les Sunnites ont été systématiquement évincés de toutes les fonctions dirigeantes et principalement de l’armée irakienne, lorsque les États-Unis ont envahi le pays en 2003 pour s’appuyer ensuite sur les Chiites en promouvant l’ascension du gouvernement de Nouri al-Maliki. Pendant plus de dix ans, ainsi, la communauté chiite a pris sa revanche sur les Sunnites, qui furent notamment progressivement chassés de la capitale, Bagdad, aujourd’hui ville quasiment intégralement chiite.

Aussi, lorsque les combattants de l’État islamique (sunnites) se sont implantés en Irak et ont proclamé le Califat à Mossoul, en 2014, les Sunnites d’Irak, dans leur majorité, ont soutenu sa progression, en tout cas dans toutes les régions irakiennes à majorité sunnite.

Là où il étendait son empire, le Califat a commis de nombreuses exactions à l’encontre des « hérétiques » chiites, souvent applaudies par les Sunnites soulagés d’être débarrassés des fonctionnaires corrompus envoyés par Bagdad et des militaires chiites qui les rackettaient et les humiliaient quotidiennement ; une situation qui ressemblait à une forme d’occupation. Ce fut le cas à Falloudjah et Tikrit, par exemple, ainsi qu’à Mossoul.

Aujourd’hui, la situation s’est inversée, à nouveau. L’armée, qui depuis 2003 est composée à 90% de Chiites, réoccupe les régions sunnites et les soldats, appuyés par des miliciens chiites en partie financés par l’Iran, ne se privent pas de se venger : dynamitage des maisons, exécutions sommaires par centaines, tortures inouïes, disparitions et emprisonnement de quiconque est de près ou de loin soupçonné d’avoir eu une sympathie pour « Daesh ».

Le gouvernement de Bagdad, toujours aux mains des Chiites en dépit d’un semblant d’union nationale depuis que Washington avait suggéré, fin 2014, un remaniement cosmétique et le retrait du premier ministre Nouri al-Maliki, avait ordonné aux milices chiites de ne pas entrer dans Mossoul, et ce à la demande de Barack Obama, pour éviter des massacres comme à Tikrit et Falloudjah.

Mais c’est à présent l’armée elle-même qui s’adonne à la vengeance.

La promesse d’une résilience de l’EI au sein de la population sunnite des régions reconquises…

Et une situation médiatiquement très embarrassante pour l’image des « libérateurs ».

 

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Pierre Piccinin da Prata

Historian and Political Scientist - MOC's Founder - Editorial Team Advisor / Fondateur du CMO - Conseiller du Comité de Rédaction

2 Comments

  1. vous dites : “l’heure de la vengeance a sonné pour les soldats chiites qui reconquièrent les territoires sunnites d’Irak.”
    un constat fasciste dés le départ qui vous enlève le rôle d’historien avaec une lecture purement ethnique au lieu de dire qui a financé cette terreur, qui l’a armé, qui lui acheté des armes ; les chiites ???
    qui sont les victimes des barbares : des chiites, des sunnis, des occident, des yézidis …
    ces soldats sont irakiens avant d’être chiites comme vous pouvez être Belge avant d’êtres Flamand ou Italiens avant d’être sicilien ….
    ils ne se vengent pas : Ils libèrent leur pays d’une barbarie et sauve ainsi l’occident des attentats …
    la terre a constaté les exactions de Daech et vous vous apitoyez sur leur sorts… il tuent des terroristes et pas des sunnis …
    Piccini a choisit la polémique : Jonathan Littell vous a traiter de « crétin » dans ses Carnets de Homs, le Monde vous comparé au reporter de bande dessinée belge Tintin et vous a qualifié d’« aventurier sans fantaisie, chercheur sans qualification » ,… cet article prouve amplement ces critiques … espérons que le journal ne les censurera pas sinon ce sera le journal en entier qui cautionne cette ligne éditorial de propagande ethnique !

  2. Pierre Piccinin da Prata
    Pierre Piccinin da Prata on

    @Kamille

    Il est rare que l’auteur d’un article réponde à un commentaire. Toutefois, comme, d’une part, nous ne pratiquons pas la censure et, d’autre part, vous m’attaquez ad hominem, je prends l’initiative de mettre quelques détails au point.

    Premièrement, Littell et Ayad (Le Monde) m’ont qualifié de la manière dont vous faites état parce que j’avais écrit (dès juillet 2011) que Bashar al-Assad bénéficiait d’un support de la part d’une frange importante de la population syrienne et de l’armée notamment, et qu’il ne serait pas facile de le déloger du pouvoir (j’avais écrit exactement qu’il “en avait encore pour de longues années de pouvoir”); et aussi parce que j’avais mis en garde, dès 2012, contre les risques d’islamisation de la révolution syrienne, après avoir, entre autres reportages, passé plusieurs semaines à Alep, avec les rebelles. Littell et Ayad (qui ne s’était jamais rendu en Syrie) étaient tous deux convaincus qu’Assad allait être renversé en quelques mois et que la question de l’islamisation relevait seulement de la propagande du régime. Je vous laisse vous renseigner sur la situation en Syrie en 2017 et vous me direz si je suis un crétin.

    Deuxièmement, non, les soldats qui reconquièrent Mossoul aujourd’hui ne sont pas irakiens avant d’être chiites: sur leurs véhicules, ce n’est pas le drapeau irakien qui flotte, mais l’effigie de l’Imam Hossein et un sabre couvert de sang. Et la population sunnite est terrifiée par leur présence.

    Enfin, voici un reportage documenté qui, nous l’espérons, vous permettra d’y voir plus clair : https://lecourrierdumaghrebetdelorient.info/islamic-state/etat-islamique-reportage-exclusif-mossoul-lodeur-doucereuse-des-cadavres/

    Très cordialement, PPdP

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