Les 27 candidats en lice pour les élections présidentielles du 23 novembre 2014 seront mis sous protection sécuritaire rapprochée. Cette mesure prend cours dans le cadre des précautions décidées par le gouvernement pour protéger les candidats à la présidence de la république de Tunisie d’attentats terroristes annoncés dans les milieux djihadistes.
Les djihadistes prônent la lutte armée au nom de Dieu pour appliquer la Charia, la loi islamique, et instaurer le califat, ce système politico-religieux aboli en mars 1924 par Kamal Atatürk après l’effondrement de l’Empire ottoman, au terme de la première guerre mondiale.
Aujourd’hui, la Tunisie se retrouve engluée dans le terrorisme. L’État fit face à ces milliers de Tunisiens impliqués dans des groupes extrémistes ou appartenant à des réseaux de soutien au djihad.
La mouvance djihadiste n’est cela dit pas récente en Tunisie. Elle remonte à l’époque de la lutte pour l’indépendance du pays ; et les tracts du groupe « Djihad » distribués en 1939 en témoignent : « Ô Tunisien, vis libre dans ton pays ou meurs en combattant pour la foi ».
Cette mouvance djihadiste a cependant disparu après l’indépendance, pour ne réapparaître qu’en 1986, lorsque des militants du mouvement de la tendance islamique ont commis, le 2 août, un quadruple attentat à la bombe dans des hôtels de Sousse et Monastir, qui ont fait 13 blessés dont, 12 touristes britanniques et un italien.
En octobre 1987, les militants de ce mouvement ont vitriolé l’imam de la mosquée du Kram, dans la banlieue nord de Tunis, en l’accusant d’être bourguibien. Il est décédé de ses blessures quelques jours plus tard. Un gardien de la paix de la région de Jendouba a subi le même sort peu après.
En février 1991, les locaux du RCD, parti de l’ex-dictateur Ben Ali, ont été incendiés par des militants islamistes. Un vigile est décédé après avoir été aspergé d’essence et brûlé vif.
Le 11 avril 2002, un attentat au camion piégé a visé la synagogue de la Ghriba, sur l’île de Djerba, et a occasionné la mort de 21 personnes, dont 14 touristes allemands. Perpétré par un Tunisien originaire de Ben Guerdane, ville située à la frontière tuniso-libyenne, cet attentat a été revendiqué par al-Qaïda, qui s’est implantée en Tunisie depuis la révolution de 2011.
Le 3 juillet 2007, à Soliman (dans le nord de la Tunisie), une violente fusillade a opposé les forces de sécurité et un groupe de jeunes djihadistes qui voulaient prendre comme cible les zones touristiques de la région de Nabeul. La traque a duré dix jours et a fait plusieurs victimes dans les deux camps. Cette opération a permis de neutraliser des cellules dormantes dans plusieurs gouvernorats, ceux de Sidi Bouzid, Sfax, Jendouba, Kasserine et Gafsa. À l’issue d’un procès retentissant, deux djihadistes ont été condamnés à mort et vingt-huit à des peines allant de cinq ans de prison à la perpétuité. Ces derniers ont cependant bénéficié d’une libération anticipée un mois après la révolution du 14 janvier 2011.
Un grand nombre de faits qui montrent que l’émergence du phénomène djihadiste a été graduelle en Tunisie.
À la faveur du laxisme, voire de la connivence de certains dirigeants politiques durant la gouvernance de la Troïka (décembre 2011 à janvier 2014) dominée par le parti islamiste Ennahdha, les actes de violence se sont développés à un rythme soutenu.
En 2013, 23 militaires et agents sécuritaires ont été tués. On dénombre 14 blessés et deux assassinats politiques. Cette radicalisation progressive est la conséquence logique de l’absence d’autorité responsable capable d’arrêter l’expansion de l’extrémisme, dangereux mélange d’un laisser-aller et de compromissions.
Suite aux révolutions tunisienne et libyenne, les djihadistes ont profité de la porosité des frontières et de l’apparition de zones de non droit pour stocker armes et munitions et recruter des jeunes, pour la plupart désœuvrés, sans repères, ni conscience religieuse.
L’influence du mouvement Ansar al-Charia (Défense de la Charia), groupe islamiste radical, a augmenté en Tunisie après sa reconnaissance par le gouvernement de la Troïka. C’est seulement après le premier carnage du Mont Chambi, où 8 militaires ont été tués, et du fait de la colère des Tunisiens et de la pression exercée par les Américains et les Européens qu’Ennahdha a consenti à insrire ce groupe sur la lise des organisations terroristes.
Le silence des responsables d’Ennahdha sur le départ des jeunes en Syrie a encouragé ces derniers à rejoindre les groupes djihadistes dans ce pays. On en a recensé plus de 4.000, dont certaines jeunes filles tunisiennes pratiquant le « djihad nikah » (mariage).
Quant aux agissements des imams radicaux, il a fallu attendre l’arrivée du gouvernement de technocrates issu du dialogue national, en février 2014, pour que soit ordonnée la fermeture des mosquées tenues par des extrémistes qui font l’apologie de la violence.
Sur le plan militaire, l’État tunisien a renforcé les effectifs et les moyens logistiques de ses forces sécuritaires. Les États-Unis lui ont livré, le 14 août 2014, dix tonnes d’équipement sécuritaire et comptent lui fournir 12 hélicoptères d’attaque « Black Hawk ».
Le gouvernement tunisien a intensifié les contrôles aux frontières et a élargi la coordination et la coopération sécuritaire et militaire maghrébine et internationale. Cette démarche s’est concrétisée par une augmentation des échanges d’informations et des actions communes sur le terrain.
Le gouvernement de technocrates a entamé depuis l’été dernier l’opération de démantèlement des cellules djihadistes « dormantes ». Selon certaines sources, il y aurait environ 420 cellules présentes sur le sol tunisien ; et pas une semaine ne se passe sans que les mass-médias alimentent la chronique de tel ou tel échange de tirs entre forces de l’ordre et djihadistes.
La menace djihadiste reste toujours un souci majeur pour le gouvernement. Les opérations de police, de la Garde nationale et de l’armée se sont multipliées : lancement d’actions militaires sur les positions terroristes et arrestations d’éléments djihadistes. L’assaut effectué le 24 octobre dernier contre une maison en banlieue de Tunis s’est soldé par la mort de six djihadistes, dont cinq femmes. Après cet assaut, Qatibet Okba Ibn Nafaa, groupe terroriste qui sévit dans les montagnes de Chambi, à la frontière tuniso-algérienne, a menacé le gouvernement de représailles ; et l’un des chefs d’Ansar al-Charia réfugié en Lybie a appelé à combattre le gouvernement de Tunis.
Le nouveau gouvernement, qui sera formé à l’issue des récentes élections législatives, aura la lourde charge d’intensifier la lutte antiterroriste déjà engagée afin d’assurer la sécurité des citoyens.
Tout l’enjeu économique, pour la Tunisie, est de redonner confiance aux investisseurs et aux touristes.