Le Fonds monétaire international (FMI) n’avait pas l’air de beaucoup se soucier des résultats des élections tunisiennes (21 décembre 2014), lorsqu’il annonçait, le 12 décembre déjà, qu’il libérait un crédit de 104,8 millions de dollars en faveur de la Tunisie. Ce qui représente la cinquième tranche d’un programme de prêts, d’une enveloppe de 1,74 milliard de dollars, mis en place en juin 2013 et destiné à soutenir « la transition démocratique ».
Selon le FMI, « la Tunisie a accompli une transition politique réussie tout en traversant un environnement difficile au niveau intérieur comme extérieur » ; et son porte-parole d’expliquer pourquoi la transition avait réussi : « La vision économique présentée par le gouvernement en septembre dernier (…) contient plusieurs réformes (…), notamment, au niveau de l’amélioration du climat des affaires, l’incitation du secteur privé et la restructuration des banques publiques ». On comprend bien la raison du peu de cas fait des scrutins, aussi bien parlementaire que présidentiel : tout s’est joué d’avance…
Tout autour, dans les médias, il n’y a aucune réaction à la chose, comme si elle allait de soi. Comme si les citoyens tunisiens n’avaient pas droit au chapitre et que leur vote n’allait rien modifier au dispositif mis en œuvre. Comme si les programmes électoraux, ce qui est évidemment le cas, n’avaient aucune espèce d’importance. Ce faisant, le FMI ne s’inquiète pas que l’on s’interroge du bien fondé d’une démocratie où le peuple n’est pas de la partie. Lui, dont la condition incontournable est la démocratisation.
Au même moment, dans les joutes électorales, les candidats n’ont pas cru utile, eux non plus, de faire le moindre commentaire. Ils avaient des promesses plein la bouche et n’ont pas évoqué un seul instant les accords déjà passés, qui obligeront le à « réduire les subventions dans le secteur de l’énergie et à contrôler la masse salariale dans le secteur public ».
La Tunisie « démocratique » en est un nouvel exemple, édifiant : la malédiction historique, qui a soumis l’humanité au pouvoir de l’argent, l’empêche toujours de s’en dépêtrer. Elle perdure et l’enfonce, chaque jour un peu plus, dans l’horreur. L’argent sait y faire pour ne rien laisser voir de son pouvoir et de l’horreur qu’il enfante. Il sait produire le spectacle et le décor, il sait vendre les illusions, toutes les illusions. Il sait faire rêver, mettre des couleurs aux horizons, dans le regard des hommes. Il sait vendre l’espoir, quand l’illusion, quand le rêve, s’estompe. Parce qu’il peut et sait tuer l’intelligence des choses et imposer le mensonge. Partout, ou presque, des femmes et des hommes, des enfants, sont en train de souffrir, de mourir de la faim ou de la maladie, de la guerre aussi et surtout, que l’argent a provoquées. Il peut et sait créer des ennemis, à ses ennemis, où il veut, quand son pouvoir est en danger, pour se porter en sauveur. Il sait faire croire que la seule liberté qui compte se trouve dans les mots de ses serviteurs et non dans la vie.