BAHREÏN – Intensification de l’ingérence iranienne

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Ce 1er octobre 2015, plus d’une tonne et demie d’explosifs et des armes (armes automatiques, pistolets, grenades à main, détonateurs…) ont été découvertes par les services de la sécurité bahreïnie dans le sous-sol d’un immeuble de Manama, la capitale. Il apparaît que cet impressionnant arsenal de C4, de RDX et de TNT, la première cache d’armes de cette ampleur découverte au Bahreïn depuis les troubles de 2011, a été introduit dans le royaume dans la perspective d’une vague d’attaques à grande échelle.

Le coup de filet est de taille ; c’est une réussite majeure pour les services de la sécurité intérieure. Mais les quantités et les types d’armes découvertes inquiètent les autorités. Les quantités d’explosifs raflées dans ce sous-sol impliquent en effet l’hypothèse d’une menace terroriste sensiblement accrue ou, plus probablement, de l’imminence d’une insurrection armée dont l’objectif serait de déstabiliser le royaume, voire d’en renverser le gouvernement.

Les enquêtes des services de la sécurité du royaume de Bahreïn ont identifié les personnes arrêtées dans le cadre de cette opération et ont établi sans ambiguïté qu’elles entretiennent des liens avec les autorités iraniennes (et probablement aussi avec le gouvernement pro-chiite irakien). Lors des interrogatoires qui ont suivi la perquisition, les inculpés auraient admis avoir suivi des entraînements au combat de rue, à la guérilla urbaine, et des formations pour la fabrication de bombes, et ce en Iran et en Irak. Selon les autorités bahreïnies, un des individus interpellés aurait admis avoir été formé dans un camp des Gardes révolutionnaires iraniennes, en 2013 déjà.

La question qui se pose dès lors est double : quelles étaient les intentions de cette cellule et d’où provient cet arsenal ? Qui a commandité les opérations auxquelles il devait servir ?

La guerre d’influence que se livrent l’Iran et l’Arabie saoudite dans la région –à travers leurs interventions respectives en Irak, en Syrie et au Liban (où l’Iran s’efforce de renforcer les gouvernements pro-chiites affaiblis), et au Yémen notamment- laisse penser que l’ingérence iranienne au Bahreïn, dont les premiers effets sensibles se sont fait sentir dans les désordres qui ont ébranlé le pays au cours des « printemps arabes » de 2011, s’intensifie aujourd’hui dans des proportions dangereuses ; parmi les monarchies du Golfe, le Bahreïn, en effet, abrite une communauté chiite importante, sur laquelle l’Iran tente d’étendre son influence pour s’immiscer dans les affaires intérieures du pays.

Un indice patent de l’influence croissante de l’Iran au Bahreïn est certainement ce slogan du mouvement d’opposition armé chiite qui se fait de plus en plus fréquemment entendre : « Nous sommes tous des membres de la résistance ! » ; des mots précis, propres au front chiite et qui le désignent de manière évidente, constitué sous l’égide de l’Iran et qui regroupe le Hezbollah (Liban), les milices chiites d’Irak, le mouvement des Houthis, au Yémen, et le gouvernement Syrien.

La menace semble donc s’accentuer, alors que, en juillet passé déjà, deux policiers avaient été tués dans une attaque terroriste au Bahreïn ; les armes utilisées avaient également été importées illégalement d’Iran, un fait que deux ressortissants bahreïnis issus de la communauté chiite ont admis peu après l’attaque. De ces dernières années, le groupuscule chiite d’opposition armé Saraya al-Ashtar a commis plusieurs attaques de ce genre, ainsi que le groupuscule Saraya al-Mukhtar, créé en 2013. Leur emblème présente une thématique sans équivoque quant à leur obédience : il reprend tous les éléments de l’emblème des Gardes révolutionnaires islamiques iraniennes, le Sepah, tel l’AK-47, le poing refermé et un même verset du Coran.

BAHREÏN - Septembre 2015 - Dorian KRONENWERTH''       BAHREÏN - Septembre 2015 - Dorian KRONENWERTH'

Jusqu’il y a peu, l’opposition chiite au Bahreïn avait toujours favorisé la non-violence. Le Hezbollah libanais, dont les conseillers encadrent régulièrement les actions clandestines au Bahreïn, a souvent déclaré que l’absence de violence politique dans le royaume de la part de la communauté chiite n’était pas dû à l’impuissance des Chiites à se faire entendre par la force, mais plutôt à la volonté de promouvoir un mouvement d’opposition pacifique, incarné par le cheikh Isa Qassim et l’organisation Al-Wifaq. Désormais, cependant, l’intervention d’un acteur extérieur amène certains groupes, plus extrémistes, à relever le niveau de violence qui vise la majorité sunnite et le gouvernement du premier ministre Khalifa Ben Salmane al-Khalifa.

Le Bahreïn est devenu une cible prioritaire pour l’Iran, et Téhéran renoue avec la politique qu’elle a promue dès les premières années qui ont suivi la révolution islamique. En 1981, en effet, le Bahreïn avait échappé de peu à une tentative de coup d’État fomenté par l’Iran. Une politique qui s’est poursuivie tout au long des années 1990, l’Iran ayant sponsorisé plusieurs mouvements de contestation.

Pourtant, depuis le début du nouveau millénaire, les relations entre les deux pays semblaient évoluer positivement, notamment vers plus de coopération commerciale. Mais la politique étrangère officieuse de l’Iran demeure incertaine et, si l’Iran admet son support a des mouvements politiques chiites au Bahreïn, tout en niant toute implication à caractère militaire ou terroriste, certains jusqu’au-boutistes, à Téhéran, continuent d’affirmer leur intention d’annexer leur petit voisin, qu’ils considèrent comme historiquement partie de l’Iran.

Le ministère de l’Intérieur bahreïni insiste dorénavant sur la responsabilité sociétale des parents, des responsables politiques et religieux, ainsi que sur celle des médias, afin d’éviter le développement d’un conflit communautaire dans le royaume. Mais la menace iranienne s’est précisée et le gouvernement du Bahreïn se prépare à subir d’autres attaques.

Les liens établis entre les terroristes arrêtés et l’Iran ont ainsi contraint le gouvernement du Bahreïn à rappeler son ambassadeur à Téhéran ; et le chargé d’affaires de l’Iran au Bahreïn a été sommé de quitter le pays, accusé d’avoir « financé et aidé des groupes terroristes en leur fournissant des armes, d’inciter la communauté chiite à la violence par des campagnes médiatiques trompeuses et de protéger des personnes recherchées par la Justice ».  Téhéran, de son côté, n’a jusqu’à présent formulé aucun communiqué, ni même nié son rôle dans cette affaire…

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Dorian Kronenwerth

Political Scientist and Economist - Managing Editor for English

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