Comme hier lorsque la brillante civilisation arabe islamique restituait à l’Europe son grandiose passé gréco-romain, les Lumières viendront aujourd’hui du Sud…
S’il fallait en effet une preuve supplémentaire de la soumission du politique et même du droit au pouvoir financier omniscient et omnipotent, l’élection de Donald Trump en apporte la preuve.
Elle marque même l’entrée officielle du monde en postmodernité qui, déjà époque de « zéroïsme » du sens par excellence, est aussi celle de la revanche des valeurs du Sud.
Postmodernité du monde officialisée
L’entrée du milliardaire dans le bureau ovale est une officialisation de la postmodernité, marque éminente de notre monde en crise qui est, comme on le sait et selon l’étymologie grecque ou latine, le jugement et le moment décisif, un passage d’une étape à une autre.
En l’occurrence, cette crise signifie l’entrée dans un nouveau paradigme, qui est la postmodernité, après la saturation de l’ancien, celui de la modernité occidentale désormais réduite à une peau de chagrin sinon une momie.
C’est aussi la démonstration que ce moment postmoderne, qui est bien loin d’être un instant dans une durée propre à une région du monde ou une étape dans une histoire qui serait linéaire. Car le temps en postmodernité est plus que jamais spiralesque, une sorte de boustrophédon, et concerne donc tout l’univers. C’est ainsi que les pays en développement incarnent ses aspects basiques.
En effet, la postmodernité est d’abord l’ère des foules et des sens en émoi ; une effervescence où le technologique et l’archaïque sont en synergie. Quoi de plus illustratif en la matière que Daech ou le raidissement des opinions publiques occidentales au mépris de leurs propres valeurs humanistes ?
Or, si cette sorte d’invagination axiologique ou repli sur soi en Occident, et son rejet des valeurs humanistes à la base de sa civilisation, se fait au nom de ces mêmes principes, c’est que la vacuité du sens est telle en Occident et dans le monde qu’elle relève moins du terme « sens » au singulier qu’au pluriel.
Le sens postmoderne dans le monde ne signifie plus cette fonction qui fait l’honneur de l’humain dans sa partie élevée, spirituelle ; il se décline invariablement au pluriel, signifiant l’instinct qui peut souvent relever du plus bas, cet humus que nous retrouvons dans l’étymologie de l’humain.
La postmodernité est ainsi officialisée au plus haut niveau du monde, chez son autoproclamé seigneur, où le pouvoir se faisant richesse risque plus que jamais de s’appauvrir cruellement en termes de valeurs humaines. Car cela se fait au nom d’un Dieu aussi vorace et implacable que celui des intégristes religieux, Mammon, terrible Dieu de la matérialité.
On a là une alliance typiquement postmoderne de l’archaïque et du technologique, une religiosité matérielle s’acoquinant avec la religiosité classique pour faire du seigneur du monde un saigneur, guère différent des daéchiens qu’il instrumentalise, portés ainsi à bout de bras par l’impérialisme mondial au plus haut échelon de la hiérarchie universelle au mépris des droits humains tout en s’en réclamant. C’est le parfait oxymore de la postmodernité universalisée.
Revanche des valeurs du Sud
En cette époque postmoderne de vacuité de sens, il serait utile de rappeler que le mot, étymologiquement, est l’action de sentir, si l’on se réfère au fonds primitif issu du latin classique « sensus », et aussi la capacité de percevoir, selon l’origine latine classique « sensus », participe passé de « sentire », ou enfin l’aptitude à indiquer la direction que donne une autre étymologie possible issue du fonds primitif du francique « sinn ».
Cela renseigne également sur la nature postmoderne de notre monde officialisée par l’avènement de Donald Trump à la tête du gendarme du monde. C’est que ce dernier est saisi d’une frénésie populaire de vouloir tout sentir pour agir quitte à ne rien percevoir d’authentique, se laissant abuser par les apparences. Et c’est surtout faute de capacité à s’orienter tellement le « fake » est dominant et le manque flagrant de sincères et honnêtes directeurs de consciences en un temps où les charlatans investissent tous les domaines, surtout celui des médias au pouvoir plus que jamais immensément exorbitant.
Pour cela, nous affirmons que l’officialisation de la postmodernité du monde peut, au final, être une bonne chose, car elle permettra aux choses de bouger quelque peu en mettant l’accent sur la faim généralisée d’un monde nouveau fait surtout de spiritualité et d’éthique.
Certes, la situation est au plus mal aujourd’hui ; mais n’est-ce pas lorsqu’on touche le fond que l’on n’a plus le choix que de remonter ? Au vrai, la vie est une roue qui tourne ; aussi il vaut mieux avoir le pire que le contraire afin d’espérer le meilleur venir l’effacer.
D’ailleurs, chez les Soufis, conforme en cela à la spiritualité humaine universelle, c’est au plus noir moment de la vie, au moment où l’on ne peut plus que désespérer, qu’apparaissent les justes de voie et de voix qui ravivent l’espoir. Qu’on les nomme Abdal, Porte ou Messie, ils manifestent la foi des pauvres hères, gens de peu ayant la foi, celle du charbonnier, en un monde meilleur, un monde d’amour. Or, ce sont aujourd’hui les valeurs du sud qui les représentent encore.
Il ne s’agit que de ces mêmes richesses qui ont fait les Lumières occidentales qui se sont éteintes en leurs terres.
C’est ainsi du midi de la planète que se lèvera de nouveau le soleil des valeurs en cette humanité sinistrée par une mondialisation matérialiste inhumaine. Ce sera alors le temps de la « mondianité », un monde d’humanité, où la politique retrouvera ses lettres de noblesse, renouant avec l’éthique, une « poléthique ».
Il sera alors temps de réenchanter ce monde désenchanté depuis que Mammon s’est acoquiné avec Dieu, Allah ou Yahvé, donnant naissance à une engeance de haine qui n’a rien de religieux, la religion, la vraie, n’étant qu’une spiritualité, un lien raffermissant l’amour entre les humains.
Et c’est bien d’amour que réclame le monde ; c’est le triomphe de la culture des sentiments qui signera la revanche postmoderne des richesses humanistes du Sud contre l’accumulation mercantile du Nord.