Depuis l’échec du putsch de juillet 2016, Recep Tayyip Erdogan se sent pousser des ailes et plus rien n’arrête le président turc dans ce qui commence de plus en plus à ressembler à une course vers l’absolutisme.
Le tournant est spectaculaire et inédit en Turquie, un pays qui s’est engagé en quelques années seulement dans une révolution historique et dont la majorité des citoyens n’a probablement pas encore pris la pleine mesure.
Après avoir profité de ce coup d’État manqué pour éliminer ses opposants en accusant des dizaines de milliers de fonctionnaires, de magistrats, de militaires, d’enseignants, de journalistes, de membres divers de la société civile d’avoir soutenu ou participé de près ou de loin au putsch et en ordonnant des arrestations massives, au point de devoir relaxer des détenus de droit commun pour libérer des cellules destinées à ces prisonniers politiques…
Après avoir bombardé et en grande partie détruit sept villes de Turquie pour anéantir l’opposition kurde à son projet nationaliste inspiré du passé ottoman…
Après avoir mis les réseaux sociaux sous surveillance et censuré plus de 120.000 sites sur internet, dont Wikipédia et de nombreux journaux en ligne…
Après avoir obtenu par referendum, en avril 2017, l’instauration d’un régime présidentiel outrancier qui lui donne l’essentiel des pouvoirs, y compris barre sur le parlement, et prévoit le cumul des fonctions de chef du gouvernement et de chef de l’État…
Après avoir muselé la presse et terrorisé les voix discordantes par des discours menaçant à l’encontre de « ceux qui n’aiment pas leur pays » (entendre « ceux qui contestent la politique de l’AKP, le parti islamiste au pouvoir dont est issu Erdogan » : un tweet ou un post sur Facebook contestant la légitimité du referendum est passible d’emprisonnement ; utiliser un vpn pour contourner la censure d’État également)…
Le président Erdogan rompt à présent avec la tradition démocratique qui impose au chef de l’État de représenter tous les citoyens et de se départir, en conséquence, de ses mandats partisans : ce 21 mai 2017, Recep Tayyip Erdogan s’est fait reconduire à la présidence du Parti de la Justice et du Développement (l’AKP), lors d’une élection à laquelle il était seul à se présenter.
À quand les étapes suivantes ? En toute logique, l’interdiction des autres partis, l’inéligibilité des figures de l’opposition sous un quelconque prétexte, et l’instauration du parti unique ?