Il aura fallu un tir de missile balistique, le 27 juillet 2017, pour voir à nouveau inscrit le mot « Yémen » dans les titres des grands quotidiens occidentaux. Pas un des nombreux missiles meurtriers de la coalition arabe liguée contre le Yémen, non. Un missile tiré par les rebelles chiites yéménites intercepté jeudi soir à quelque 69 kilomètres au sud de la ville de La Mecque ; et une inquiétude soudaine quant au bon déroulement du Hadj, pèlerinage annuel musulman, qui se tiendra dans la ville à la fin août.
Car c’est bien cela qui est en cause. Aucunement la situation intérieure du Yémen qui a définitivement cessé d’intéresser l’opinion publique occidentale, pour autant qu’elle l’ait jamais intéressée. Le tir de missile fait planer une menace sur le Hadj qui devrait réunir plus de deux millions de fidèles venus des quatre coins du monde. Un communiqué de la coalition arabe parle d’ailleurs d’une « tentative désespérée des rebelles chiites houthis de perturber le Hadj ».
Les rebelles houthistes ont, quant à eux, déclaré avoir visé la base aérienne militaire de Taïf, située à 70 kilomètres de La Mecque. Ce n’est pas la première fois qu’un missile est tiré à partir du Yémen en direction de La Mecque. La coalition avait indiqué le 28 octobre 2016 avoir intercepté un engin similaire dirigé contre la ville sainte.
La guerre au Yémen oppose les rebelles chiites houthis, alliés aux partisans de l’ancien président Ali Abdallah Saleh, aux forces loyales au président Abdu Rabbo Mansour Hadi, reconnu par la communauté internationale. Le conflit s’est intensifié depuis l’intervention en mars 2015 d’une coalition arabe menée par l’Arabie saoudite, puissance régionale sunnite, qui accuse les rebelles yéménites d’être soutenus par l’Iran, son grand rival chiite. Cette coalition soutient le président Hadi mais la dimension du conflit s’est entièrement transformée en une lutte d’influence régionale.
En un peu plus d’un an, les combats ont fait plus de 8.000 morts, majoritairement des civils, et plus de 44.500 blessés. Sept accords de trêve négociés par l’ONU se sont révélés vains et les efforts de paix sont au point mort. Le conflit a provoqué une crise humanitaire majeure dans ce pays qui était déjà considéré avant la guerre comme le plus pauvre de la péninsule arabique et l’un des plus pauvres au monde. Près de deux millions d’enfants souffrent d’une « malnutrition aiguë » au Yémen qu’une « combinaison vicieuse » de guerre, de pauvreté et de choléra a placé « au bord de la famine », a averti l’ONU.
Pour la coalition arabe, ce nouveau tir de missile balistique est la preuve de la « poursuite du trafic d’armes [au profit des rebelles chiites]au port d’al-Hudaydah », sur la mer Rouge. Mais Al-Hudaydah est le principal point d’entrée de l’assistance humanitaire destinée au nord du pays et à la capitale Sanaa, qui sont sous le contrôle des rebelles houthis.
Depuis plusieurs mois, la coalition arabe n’a cessé d’accuser les rebelles chiites houthis de recevoir des armes, ce que ceux-ci démentent, tout comme Téhéran.
Le dernier rebondissement réellement médiatisé du dossier yéménite avait été l’exclusion du Qatar de la coalition militaire arabe, en raison de « son soutien au terrorisme », le 5 juin 2017.