Immuabilité, terreur et oubli…
De la vague démocratique, qui, tremblement de terre annoncé, devait rénover une « nation » de quatre cents millions d’Arabes, il ne reste aujourd’hui qu’un murmure léger, étouffé par l’intolérance religieuse et le claquement des bottes, et qui s’épuise et s’amenuise comme, au matin, s’essouffle le Sirocco qui n’aura hurlé que l’espace d’une courte nuit.
Les « printemps arabes », ainsi, continuent de faire peine et donnent définitivement raison aux pessimistes de la première heure…
Mais l’instant n’est pas à triompher, pour les rares analystes qui avaient anticipé tous les avatars qui renversent aujourd’hui les assertions péremptoires des mass-médias euphoriques de l’époque.
Les « chaos arabes », de coups d’État militaires en affrontements civils, de censures en exécutions sommaires, de massacres fanatiques en meurtres rituels [supprimer : (en Syrie, on crucifie des Chrétiens sur des croix de bois)], entraînent dans leur sillage des centaines de milliers d’hommes et de femmes qui, emportés par le torrent furieux de la guerre et de la répression tous azimuts, en Syrie, en Irak, en Égypte, en Libye, au Yémen, au Mali, en Afghanistan bientôt (où les Talibans attendent le moment de reprendre l’initiative et regrettent que Washington a décidé de prolonger la présence de ses troupes jusqu’en 2016), tendent les mains vers le ciel et poussent le cri déchirant des désespérés, tandis que, au Maroc ou au Bahreïn, d’autres malheureux hurlent dans les prisons où l’on torture pour faire taire, à l’ombre du vernis luisant de monarchies absolues agréées par les démocraties du Couchant.
En Occident, en effet, apeurées par l’islamisme militaire galopant, les chancelleries ont rangé au placard leurs discours enthousiastes et enchanteurs des débuts, toutes ces belles envolées qui ont naguère justifié l’intervention libyenne.
Chacun se replie dorénavant dans ses retranchements et élève le niveau de sécurité intérieure face au phénomène que constitue le départ, de tous les pays d’Europe, de milliers de jeunes Musulmans, candidats au martyr, recrutés pour le djihad en Syrie, dont, très tacitement et discrètement, les gouvernements de l’Ouest, à l’instar de Washington, qui s’étaient jusqu’à présent abstenus de soutenir la révolution, ont commencé à réhabiliter le dictateur au pouvoir, meilleur cheval pour la sécurité internationale que le seraient les fanatiques de la Charia.
Les régimes autoritaires du Monde arabe en profitent dès lors pour se renforcer : au Qatar ; en Égypte, où l’armée a balayé et caché sous le tapis les débris d’une révolution éphémère et où les Égyptiens, tous ou presque, par peur ou par intérêt, tentent d’oublier ce mauvais rêve et de se convaincre que rien n’est jamais arrivé sur la place Tahrir ; au Maroc, destination de nombreux vacanciers européens inconscients, où la pratique de la torture connaît une spectaculaire recrudescence, à tel point qu’Amnesty International y consacre sa nouvelle campagne ; au Bahreïn, où une répression folle a succédé à un printemps réprimé sous les yeux clos des militaires de la Cinquième Flotte US ancrée dans le port de Manama, une répression (enlèvements, disparitions et tortures) qui n’a pas faibli et frappe quotidiennement encore la résistance civile, laquelle refuse de courber la tête et se demande comment il a été possible que Lewis Hamilton et l’écurie Mercedes aient eu l’indécence d’accepter la coupe du sang versé, en avril dernier…
Le Monde arabe bégaye… et la volatilité médiatique étant ainsi faite, les chaînes de télévisions occidentales, les quotidiens de l’Ouest, tous se sont détournés de ces causes perdues, déjà passées de mode, et que les vacances d’été qui s’approchent relègueront un peu plus encore dans le profond tiroir des affaires classées…
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Très bel éditorial et bravo pour ce nouveau site, mais ô combien prometteur.
Je vous souhaite d’ores et déjà un bel avenir et beaucoup de succès.
Je vais, de ce pas, me plonger dans les articles de ce numéro.