Les Émirats arabes unis, qui ont emboîté le pas à l’Arabie Saoudite dans la reconquête meurtrière du pouvoir au Yémen, en manque d’effectifs, se tournent vers le Maghreb et surtout l’Afrique subsaharienne pour recruter des « volontaires ». L’Ouganda et le Tchad sont particulièrement visés par ces recrutements.
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Depuis 2015, c’est la guerre au Yémen.
Le mouvement insurrectionnel dirigé par les Houthistes (mouvement régional apparenté au chiisme) s’est emparé de la capitale, Sanaa, dont a été chassé le gouvernement du président Hadi, qui avait remplacé le dictateur Saleh en 2012 sur la décision de Riyad, soucieuse de mettre fin dans ce quasi-protectorat saoudien à la guerre des chefs sur laquelle avait débouché le très bref « Printemps yéménite ».
Un compromis que les Houthistes, population du nord du Yémen (une région négligée par le pouvoir central), écartés des négociations, n’ont pas accepté.
Après s’être dès lors réfugié à Aden, le gouvernement du président Hadi avait même fui le pays, direction Riyad ; et ce n’est qu’avec le concours d’une coalition d’États sunnites, sous commandement saoudien, qu’il a pu reprendre pied sur le territoire national, en septembre 2015.
Depuis lors, la coalition (qui rassemble l’Égypte, la Jordanie, le Soudan, le Maroc, le Koweït, le Bahreïn, les Émirats arabes unis et le Qatar, ce dernier ayant paradoxalement été pris politiquement et économiquement pour cible par Riyad suite à son rapprochement avec l’Iran) progresse péniblement à grands coups de bombardements aériens, appuyés par des frappes ponctuelles de la marine états-unienne.
Les milices houthistes, soutenues par l’Iran chiite, ont en effet opposé jusqu’à présent une résistance déterminée et contrôlent toujours la capitale.
L’offensive sunnite commence ainsi à coûter très cher au royaume saoudien et à ses alliés. Financièrement, la guerre a déjà coûté, annuellement, 20 milliards de dollars à l’Arabie Saoudite ; une situation qui expliquerait en partie l’épisode brutal qui a secoué le royaume en 2017, lorsque le jeune prince héritier Mohammad Ben Salman a fait séquestrer des dizaines de princes et hommes d’affaires, libérés après avoir versé de fortes sommes au trésor public.
Mais le coût humain est également devenu exorbitant.
Non seulement pour la population yéménite, en proie aux bombardements, à la famine provoquée par le blocage des ports par la coalition saoudienne, à une épidémie de choléra, doublée depuis début 2018 d’une épidémie de dysenterie…
Mais aussi pour les forces armées de la coalition : à titre d’exemple, le contingent soudanais – seule force au sol conséquente – a pour ainsi dire été laminé, et les EAU comme l’Arabie saoudite hésitent à engager plus de forces au sol, car la multiplication des pertes est très mal reçue par leurs opinions publiques qui commencent à gronder, et ce à un moment où la stabilité des monarchies du Golfe est de moins en moins assurée.
La solution serait-elle de désormais « sous-traiter » la guerre ?
C’est apparemment l’option vers laquelle se dirigent Riyad et Abou Dhabi, qui auraient passé plusieurs accords bilatéraux secrets avec des gouvernements africains, lesquels auraient accepté que la coalition recrute plusieurs milliers de mercenaires pour participer à la guerre au Yémen.
L’Ouganda serait le plus concerné, avec un contingent de 8.000 hommes qui viendraient renforcer plusieurs centaines d’hommes déjà engagés dans la guerre depuis février 2018 ; mais aussi le Tchad, le Mali, la Somalie, le Niger et l’Érythrée.
La méthode est douteuse : organisé par des sociétés de sécurité émiraties, le recrutement vise les jeunes sans emploi, auxquels on promet des salaires mirobolants pour travailler dans ces compagnies et qui ne savent pas toujours qu’ils seront envoyés au front.
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La guerre au Yémen s’éternise et détruit irrémédiablement un des États les plus pauvres de la planète.
Mais les enjeux économiques qui accompagnent ce conflit dépassent la sphère sunnite et la rivalité irano-saoudienne qui s’exprime de plus en plus ouvertement en péninsule arabique.
L’ONG Action Sécurité Éthique républicaines (ASER), particulièrement active dans le domaine du contrôle des armes, a dénoncé, début mai 2018, les ventes d’armes massives à l’Arabie saoudite et à ses alliés par plusieurs industries européennes, belges et françaises notamment.
En France, l’ONG a décidé d’en appeler au Conseil d’État : le gouvernement Macron, partenaire de Riyad, parle haut et fort contre le régime syrien et son allié russe lorsqu’une présumée attaque chimique serait à l’origine de quelques dizaines de victimes, mais il ferme les yeux sur les massacres de milliers de civils commis par la coalition saoudo-sunnite, des massacres perpétrés avec des armes françaises.
Des armes qui équiperont bientôt les contingents de « mercenaires » africains qui vont débarquer au Yémen pour prolonger la guerre, sous drapeaux saoudien et émirati.
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