Les élections parlementaires libanaises du 8 mai 2018 se sont déroulées sans violence et sans entorses majeures, malgré certaines irrégularités, dont notamment des accusations d’achat de voix.
Cela malgré les provocations de certains voyous du Hezbollah et du mouvement chiite Amal.
Ces élections ont eu lieu dans un climat nettement moins tendu que les précédentes, qui se sont tenues il y a neuf ans, alors que le clivage entre les deux camps antagonistes du « 8 mars » (Hezbollah – chiite) et du « 14 mars » (le clan Hariri – sunnite) faisait rage.
Le mode de scrutin mixant système proportionnel et vote préférentiel a fait prévaloir les alliances électoralistes circonstancielles sur les débats d’idées, reléguant au second plan les programmes des partis. C’est ainsi, par exemple, que la question de la détention d’armes par le Hezbollah a été presque passée sous silence par ses adversaires, comme s’ils se résignaient implicitement au fait accompli.
Le grand perdant a été le Courant du Futur (membre de la coalition du 14 mars) du premier ministre Saad Hariri, qui n’a remporté que 21 sièges, contre les 33 sièges qu’il occupait dans l’ancienne Assemblée. Ce qui n’empêchera pas Saad Hariri d’être de nouveau nommé à la tênasrate du prochain gouvernement en sa qualité de leader du parti sunnite le plus important.
Les grands gagnants sont les Forces Libanaises (parti chrétien radical) et, plus encore, le Hezbollah.
Le parti des Forces Libanaises, dirigé par Samir Geagea, fer de lance de l’opposition au Hezbollah, passe de 9 sièges à 15, talonnant dès lors de très près l’autre formation chrétienne, le Courant patriotique libre (CPL) du président de la république, Michel Aoun, qui s’était quant à lui allié au Hezbollah.
Le Hezbollah de Hassan Nasrallah (avec 13 députés) et son partenaire du mouvement Amal (16 élus) ont confirmé leur renforcement dans les campagnes et ont prouvé qu’ils ont plus que jamais le soutien de la communauté chiite ; ils ont ainsi raflé des sièges au Courant du Futur. Nasrallah ne s’est pas privé d’un discours euphorique devant ses militants, se réjouissant de cette nette victoire.
Toutefois, la défaite du candidat du Hezbollah dans la circonscription de Jbeil semble montrer que la majorité des électeurs chrétiens sont désormais clairement opposés aux visées hégémoniques du « parti de Dieu ».
Avec ses alliés, le Hezbollah, parti pro-iranien, disposera pour la première fois de la majorité dans la prochaine Assemblée (67 sièges sur 128). Et la réélection du chef d’Amal, l’inamovible Nabih Berri, sans doute le politicien le plus corrompu de l’histoire du Liban, est garantie.
Quant aux candidats de la société civile, ils n’ont réussi qu’à faire élire un (ou plutôt une) des leurs, un fait qui dénie le désir de changement que certains analystes avaient imputé aux Libanais.
Le Hezbollah a gagné et avec lui, l’Iran. Hariri a perdu (un tiers de ses sièges) et avec lui l’Arabie saoudite. La feuille de route est prête…
1 Comment
Globalement, le plus intéressant est que des candidats sunnites, chrétiens, nassériens, druzes, nationalistes arabes pro-hezbollah aient gagné eux aussi, même dans une ville comme Tripoli, ce qui casse la logique ethno-confessionnelle saoudo-qataro-israélo-otanesque qu’on a voulu imposer en Afghanistan, en Algérie, au Soudan, en Irak, en Libye, en Syrie, au Yémen et partout dans le monde. Le Liban montre donc la voie au monde arabe et, paradoxalement, il a fallu que ce soit un parti “confessionnel” qui entreprenne cet effort (ijtihad) de distanciation pour faire émerger une nouvelle réalité sur les décombres des catastrophes “pan-islamistes” des années de plomb qui ont commencé en fait avec les manipulations anti-progressistes qui ont débouché sur la guerre d’Afghanistan dès 1979.