La Chine a beaucoup investi en Afrique, dans le cadre de « la nouvelle route de la soie » visant à créer un réseau étendu de territoires et de routes reliant l’Asie, l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique.
Les projets dans lesquels les Chinois se sont engagés incluent la construction d’autoroutes et de chemins de fer, ainsi que des projets de raccordement à l’électricité qui concernent des pays d’Asie centrale et du sud, des territoires européens et aussi des pays africains.
Les pays africains qui ont le plus profité des flux entrants chinois (qui sont relativement faibles en Afrique du Nord) sont l’Afrique du Sud, le Ghana, l’Éthiopie et la Zambie. Les deux tiers des IDE (investissements directs à l’étranger) chinois sont allés à ces quatre pays, les autres principaux bénéficiaires étant l’Angola, l’Ouganda et l’Égypte.
En revanche, la Chine a réduit ses investissements dans onze pays africains, parmi lesquels on trouve le Soudan et l’Algérie, les deux pays les plus touchés, et aussi la Libye et son voisin, la Tunisie.
Un état de fait d’autant plus curieux que l’Afrique du Nord a été l’une des cibles privilégiées des investissements chinois tout au long de la dernière décennie.
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La récurrence des crises au sein de l’Union Européenne (Brexit, crise des migrants, etc.) et la faiblesse de la croissance des économies de la région nord-africaine vont contraindre la Tunisie à revoir son modèle d’intégration et la nature de ses relations avec ses différents partenaires ; un impératif renforcée par les performances économiques réalisées par le géant asiatique.
La Chine, le retour !
En voulant se repositionner sur le plan géostratégique, la Chine est invitée à approfondir ses relations économiques avec l’Afrique du Nord et, dans ce cadre, à intensifier ses initiatives en faveur de la Tunisie.
Le dernier forum sino-africain (qui s’est tenu à Pékin, en septembre 2018) marque probablement le retour de l’Afrique du Nord en général et de la Tunisie en particulier dans le radar chinois : bénéficiant des avantages que lui offre cette région (à savoir l’emplacement géographique, l’ouverture sur la Méditerranée, la main d’œuvre qualifiée et abondante, l’existence d’une large classe moyenne avec un pouvoir d’achat relativement élevé, des politiques attractives pour les IDE), la Chine a voulu envoyer des messages clairs, matérialisés par l’augmentation du budget destiné aux pays de la région, dont des investissements et des aides en faveur de la Tunisie.
Malgré le fait qu’elle ne dispose pas de ressources naturelles significatives, la Tunisie offre aux exportations chinoises une nouvelle destination et ouvre de nouveaux marchés. En outre, sa position géographique pourrait être exploitée par la Chine qui en ferait un « hub » lui facilitant une expansion d’ordre politique et économique sur l’ensemble de l’Afrique du Nord, surtout vers l’Algérie et la Libye.
D’autre part, en consolidant ses liens avec la Chine, la Tunisie ne bénéficiera pas seulement des flux d’IDE chinois accompagnés par un transfert de technologies, mais également de l’aide économique et de l’assistance technique qu’apportera Pékin, comme ce fut toujours le cas pour les autres pays africains ayant coopéré économiquement avec la Chine.
Perspectives des relations Tunisie-Chine
Les relations Chine-Tunisie ne datent pas d’aujourd’hui. Elles ont commencé dès les années 1950, par la ratification d’un premier accord commercial qui faisait de la Tunisie l’un des premiers pays de la région de l’Afrique du Nord à établir des liens commerciaux avec la Chine.
Dans l’objectif de promouvoir ces liens économiques naissants (et suite à la ratification de plusieurs accords commerciaux successifs entre les deux pays), un Comité mixte sino-tunisien de coopération économique, commerciale et technologique a été créé en 1983. Plus récemment, les relations entre les deux pays ont mené à la signature, le 11 juillet 2018, d’un mémorandum d’entente scellant l’adhésion de la Tunisie à l’initiative chinoise de « la nouvelle route de la soie », promue par le président chinois Xi Jinping depuis 2013, laquelle permettra à la Tunisie de s’ouvrir sur de nouvelles opportunités de développement en matière de commerce, de tourisme, mais aussi en termes d’investissements dont le pays a grand besoin.
Les deux pays ont ainsi entrepris de renforcer leur partenariat, dans une logique gagnant-gagnant et dans le cadre d’une approche d’intégration Sud-Sud. Mais de grands progrès restent à faire… En effet, comme la coopération bilatérale entre la Chine et la Tunisie devrait continuer à prospérer dans l’avenir, les deux pays ont commencé à reconnaître l’importance du transport aérien. Un mémorandum d’accord sur le transport aérien avait déjà été signé, en 2014, pour permettre à la compagnie aérienne nationale tunisienne d’assurer 21 vols directs par semaine vers la Chine. Cependant, à ce jour, Tunisair ne dessert aucune ville chinoise !
Est aussi évoquée la possibilité d’un partenariat croissant dans le domaine des énergies renouvelables. Selon l’Africa Economic Development Institute, bien que l’Europe et les États-Unis continuent de dominer le secteur de l’énergie en Tunisie, les entreprises chinoises ont récemment commencé à percer sur ce marché. Alors que la Tunisie cherche à développer ses sources d’énergie renouvelable, Pékin pourrait donc profiter de cette opportunité pour renforcer son ancrage en Tunisie.
Les domaines des technologies de l’information et de communication, de l’aéronautique et de l’automobile constituent également une opportunité à saisir par la Tunisie afin de faire valoir son partenariat stratégique avec la Chine. Rappelons dans ce cadre que le Maroc, pays voisin et dont le potentiel est similaire à celui de la Tunisie, a lancé l’année dernière le projet de la cité industrielle et résidentielle « Mohamed VI Tanger Tech-city », pour un montant d’un milliard de dollars et qui servira de base pour l’installation d’entreprises chinoises spécialisées dans les domaines susmentionnés.
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Des domaines multiples pourront constituer un catalyseur pour un partenariat stratégique entre la Chine et la Tunisie, à savoir le tourisme, les technologies de l’information, les industries à forte valeur ajoutée, la défense, les énergies renouvelables, l’agro-business… À ce sujet, beaucoup d’efforts devront être déployés par la Tunisie, afin d’attirer le maximum d’IDE, de corriger le déséquilibre existant dans ses relations commerciales avec la Chine et de renforcer les relations monétaires et financières avec ce pays.
Les perspectives de développement existent donc. Mais la Tunisie devra offrir des facilités administratives et réglementaires aux investisseurs chinois, surtout à ceux qui opèrent dans les industries à fort potentiel technologique. Elle devra également les associer davantage dans les projets de partenariat qui existent déjà (notamment dans l’infrastructure) et/ou multiplier des projets en joint venture (notamment dans le domaine de l’industrie chimique du bassin minier).
En outre, la Tunisie devra négocier des accords commerciaux équilibrés avec la Chine, voire appliquer des clauses de sauvegarde lui permettant de protéger certains secteurs fragilisés (notamment l’industrie textile) tout en multipliant les efforts de contrôle aux frontières sur les produits illicites chinois.
Enfin, des possibilités de renforcement des relations financières et monétaires sont à saisir, notamment l’offre des lignes de financements chinois appropriés, la multiplication des opérations de swap de change, le renforcement de la présence des institutions financières chinoises en Tunisie, voire un rapprochement entre les institutions bancaires des deux pays.
La voie chinoise pourrait ainsi devenir la planche de salut de l’économie tunisienne.