DEBATE / PALESTINE – L’impossible certitude

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L’actualité médiatique relative à la fête de la fondation d’Israël ou à la commémoration de la Nakba (la « catastrophe », du point de vue palestinien) –c’est selon– a été dominée par un comportement incompréhensible tant de la part des forces armées israéliennes à Gaza que des manifestants palestiniens, deux attitudes que quelques jours de recul laissent apparaître aussi absurdes qu’inexplicables.

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Quel intérêt ou avantage le gouvernement israélien a-t-il voulu ménager en ordonnant à ses soldats de tirer à balles de guerre sur des civils sans armes et qui ne menaçaient en rien la sécurité d’Israël, pantins inconséquents, gesticulant et brayant à une centaine de mètres de la frontière de l’État hébreu, et de massacrer ainsi y compris de tout jeunes enfants, dont un nouveau-né asphyxié dans les bras de sa mère par les gaz lacrymogènes, devant les caméras du monde entier ?

Pourquoi, pendant plusieurs jours, des Palestiniens se sont-ils exhibés sous le feu de l’armée israélienne, s’exposant aux tirs et encaissant des blessures parfois très graves (certains sont morts, d’autres seront handicapés à vie, beaucoup perdront un membre qu’il faudra amputer), et en particulier le jour même du souvenir de la Nakba, le 15 mai 2018, durant lequel, pendant des heures, des manifestants sont tombés sous les balles israéliennes, pour un bilan total de plus de 60 morts et de plusieurs milliers de blessés ?

Deux comportements irrationnels (qu’il ne s’agit cependant pas d’ici renvoyer dos-à-dos ; car la réalité, en Palestine –et selon le droit international– est qu’il y a un occupant et un occupé) qui ont permis aux propagandes des deux camps de déployer nombre d’assertions qui jettent le trouble dans l’analyse de la situation, ébranlent les clivages idéologiques qui sous-tendent l’approche du conflit palestinien et empêchent de déterminer les responsabilités de chacun des deux camps en présence…

Ainsi, les partisans d’Israël et du projet sioniste en Palestine n’ont pas manqué de produire diverses explications qui se sont répandues sur les réseaux sociaux, affirmant qu’au moins 50 des personnes tuées étaient des militants (« terroristes ») du Hamas. Que la révolte « populaire » et « pacifique » était en réalité un montage du Hamas dont le but était de créer des incidents pour impliquer les forces israéliennes et nourrir la crise à destination des médias internationaux. Le Hamas, qui contrôle la Bande de Gaza et y impose sa loi jusqu’à assassiner ses opposants, aurait même obligé et forcé des centaines de familles à participer aux manifestations. Le Hamas aurait également fait pression sur les jeunes, menaçant de s’en prendre à leur famille, pour les contraindre à manifester à proximité des frontières. La preuve serait que, lorsque le gouvernement israélien, informé de ces faits par le Mossad, a menacé le Hamas de s’en prendre à ses leaders et de les liquider, les manifestations aux frontières ont brusquement cessé.

La rumeur court même, selon laquelle le nouveau-né de 8 mois qui a succombé, étouffé par les fumées des grenades lacrymogènes, était atteint d’un cancer en phase terminale ; les parents l’ont emmené sur le terrain des tirs pour toucher la prime que le Hamas offre aux familles des martyrs. Que viendrait d’ailleurs faire une mère avec son bébé dans une zone de combats ?

« Fake-news » ou réalité ? Une « information » invérifiable…

En guise de réponses (parfois peu convaincantes), les partisans de la cause palestinienne ont rétorqué que le Hamas ne peut pas manipuler ou payer 50.000 personnes pour qu’elles aillent manifester. Qu’il ne faut pas oublier que la propagande israélienne travaille pour essayer de contrer les critiques. Qu’un jeune n’accepte pas d’être payé pour mourir ou pour perdre sa jambe. En outre, le Hamas serait actuellement en faillite ; il n’a même pas les fonds pour payer les fonctionnaires à Gaza. Comment, dès lors, pourrait-il payer des personnes pour mourir ? Sans oublier que, si quelqu’un mourait à sa demande, il serait obligé de prendre sa famille en charge.

Mais, surtout, « un Palestinien n’accepte pas de mourir pour de l’argent ».

De plus le Hamas sait bien que ces morts ne vont rien changer pour Gaza. Ni le blocus, ni l’occupation. Même s’il y avait un nombre considérable de victimes.

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Un chassé-croisé de « faits » assénés aux opinions publiques incapables de trier le vrai du faux, pas plus d’ailleurs que le sont les « spécialistes » des médias de masse qui, à défaut de pouvoir présenter comme à l’accoutumée des « convictions », ont dans la plupart de leurs interventions éludé le débat.

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Pierre Piccinin da Prata

Historian and Political Scientist - MOC's Founder - Editorial Team Advisor / Fondateur du CMO - Conseiller du Comité de Rédaction

3 Comments

  1. Vous faites partie de la propagande sioniste qui a toujours cherché à jeter le doute sur les actions de désaroi des Palesiniens devant une occupation cruelle qui n’en finit pas parce que soutenue par les puissances occidentales dont certains politiques et intellectuels commencent à se réveiller. Le Khamas, le Khamas voilà ce que disent les israéliens sur les chaînes de TV pour faire admettre leurs abominables crimes qui dépassent ceux des nazis désormais.

  2. Les Israéliens ont encore une fois “gagné”, sur le court terme au moins. Ils ont démontré au monde qu’on peut tuer des civils sans armes sous l’oeil des caméras du monde entier et que cela n’a strictement aucune influence sur les réactions des gouvernements et des médias de masse bien domestiqués. Il se sont donc encore une fois assurés qu’ils tenaient bien en laisse ce qui leur semble constituer l’essentiel. Par la même occasion, cela leur a permis de compter leurs alliés arabes qui n’ont ouvertement rien fait comme la Saoudie ou les EAU, par rapport à ceux qui sont hésitants car ils mesurent l’état de leur “rue”. Un test des rapports de force diplomatiques pleinement réussi pour Tel Aviv. Et une poursuite de la stratégie de domestication des peuples et des Etats. La leçon est qu’il n’y a d’autre solution pour les partisans de la cause de la Palestine que la rupture totale et la stratégie d’imposer des rapports de force contre les rapports de force, ce qui passe par la pression armée. Sur le long terme, si les dirigeants de Tel Aviv et de Washington voulaient démontrer que la lutte armée est la seule voie pour la libération, ils ne s’en prendraient pas autrement, ce qui donne un regain de jeunesse aux analyses des mouvements anti coloniaux et de libération nationale des années 1960/70. On est en train de sortir peu à peu, grâce aux Gazaouis, de la brume idéologique et de la moraline droidelommiste pour revenir à l’analyse concrète de la situation concrète. Situation que les contre-puissances émergentes n’osent pas encore affronter à cause des liens que leurs dirigeants entretiennent avec le capital transnational. d’où leur recul sur cette crise.

  3. TORAUBALLY on

    Il est grand temps de voir la vérité en face, les puissances internationales n’ont rien fait jusqu’ici pour aider ce peuple, bien au contraire avec les médias interposés ils ont toujours qualifié ce peuple de terroristes tandis que ces derniers ne réclament que leurs droits et dû, combien des résolutions de l’ONU n’ont jamais été respectés, et d’ailleurs l’ONU n’est il pas un vassal des USA ,EU,ET SIONISTES compris. La dernière mise en scene orchestré par netanyahou concernant l’IRAN et sa sois disant bombe atomique dans le même style que bush et consort ont fait concernant l’IRAK pour démolir et semer le chaos montre à quel point ces gens la sont des criminels, est plus que claire.

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