L’État islamique (EI) n’est pas la seule préoccupation du gouvernement syrien et de ses alliés, qui devront encore, une fois le Califat anéanti, reconquérir le territoire national aux mains de plusieurs autres factions rebelles, dont les islamistes du Front al-Nosra (surtout présents dans le gouvernorat d’Idlib) et bien sûr les milices kurdes du YPG (intimement lié au PKK) qui se sont emparées des cantons kurdes situés dans le nord du pays et qui, soutenus par la coalition internationale menée par Washington, avancent à grands pas sur ar-Raqqa, la capitale du calife Ibrahim.
Alors que l’État islamique est sur le point de perdre la partie, quasiment vaincu à Mossoul (Irak) et en passe de l’être à ar-Raqqa (Syrie), il semble que Damas développe déjà une stratégie offensive à l’égard des forces kurdes (alliées à quelques factions rebelles mineures sous l’étiquette « Forces démocratiques syriennes » – FDS). Depuis la reconquête d’Alep en décembre 2016, l’armée syrienne s’est en effet redéployée en direction du centre du pays, où elle a rapidement progressé à travers le désert, pour réinvestir le nord-ouest de la Syrie, aux mains des rebelles soutenus contre l’EI par Washington. Mais peut-être pas contre l’EI seulement…
C’est ainsi que, ce 18 juin 2017, des avions de guerre appartenant à l’armée régulière syrienne ont bombardé des positions des FDS dans la banlieue de Tabqa, au sud-ouest d’ar-Raqqa, une zone dont s’approche désormais l’armée syrienne.
Or, la riposte n’est pas venue des rebelles. C’est un avion de la coalition pro-Washington (un avion de l’US Air Force) qui a répliqué, ayant reçu l’ordre ni plus ni moins que d’engager le combat avec l’aviation syrienne, lequel a dès lors abattu un des appareils de l’armée syrienne, dans l’espace aérien syrien…
Les tensions se multiplient donc entre la coalition internationale menée par Washington et la Russie, principal allié du régime de Bashar al-Assad. On se souviendra de la frappe décidée unilatéralement par le président Trump et qui avait visé la base aérienne d’al-Shayrat, au sud-est de Homs, en avril 2017, ordonnée en « représailles » d’une attaque au gaz dont la Maison blanche accuse Damas d’être le commanditaire. Et, tout récemment, en mai et encore à la mi-juin, des frappes également ordonnées par Washington, pour éloigner des troupes régulières syriennes, appuyées par des éléments iraniens, du poste frontière irako-syrien de al-Tanf, tenu par des brigades rebelles et des hommes des forces spéciales états-uniennes, britanniques et norvégiennes.
Trois humiliations restées sans réponse, déjà, pour Moscou, qui pour l’instant n’a réagit que par une déclaration de son ministère de la Défense, qui dispose en Syrie de batteries de missiles antiaériens installées dans la base de Hmeimim et de nombreux chasseurs : « Dans les zones d’intervention de la flotte aérienne russe en Syrie, tout objet volant, y compris les drones, de la coalition dirigée par les États-Unis situés à l’ouest de l’Euphrate seront considérés par les forces terrestres et aériennes russes comme des cibles. Le commandement des forces de la coalition n’a pas utilisé les canaux de communication existants entre la base aérienne d’al-Udeid (Qatar) et celle de Khmeimim (Syrie) afin d’éviter l’incident. Il s’agit d’un manquement conscient de se soumettre aux obligations du mémorandum sur la prévention des incidents aériens et la sécurité des vols lors des opérations en Syrie. C’est pourquoi la Russie suspend sa coopération en la matière. »
La Syrie, dont l’Occident, alors inerte, avait laissé mourir la révolution en 2012, deviendra-t-elle en revanche le champ de bataille d’une néo-guerre froide qui se joue de manière de plus en plus visible ? À l’instar de l’Ukraine où, guerre oubliée des médias, l’OTAN et la Russie s’affrontent indirectement depuis bientôt quatre ans déjà…
Un jeu qui serait d’autant plus dangereux que ce même 18 juin 2017, l’Iran s’est impliqué plus ouvertement en Syrie, en lançant depuis son territoire des missiles balistiques qui ont parcouru près de 600 kilomètres, survolant l’Irak, pour atteindre plusieurs installations de l’EI dans la région de Deir ez-Zor.
Un jeu dangereux auquel il semble que Donald Trump ait envie de jouer… Mais est-ce bien lui qui se trouvent aux commandes?