Antoine SFEIR – Politologue
Membre de l’équipe du CMO de août 2017 à octobre 2018 (†)
Adieu, Antoine !
Mon vieil ami Antoine et moi, nous partagions le même goût de la Vérité sans tabou ; et tant pis pour la doxa, la carrière et « les journaleux rampants », comme il aimait à dire.
C’est le cœur très lourd que j’ai appris que le crabe avait eu raison de lui, finalement, ce premier jour d’octobre, alors qu’il y a quelques semaines encore, il m’encourageait à me battre pour le CMO que le manque de fonds et d’engagement humain met aujourd’hui en danger.
Je me souviens… C’était un mercredi soir. Antoine m’a appelé sur mon téléphone portable. Cela faisait des années que nous n’avions plus parlé… Un peu perdus de vue depuis que nous avions collaboré sur les débuts des « Printemps arabes ».
Nous avions bien ri ensemble, à l’époque, lorsque je lui avais appris qu’un certain ponte du Monde diplomatique avait renoncé à préfacer un de mes livres, parce que j’y annonçais un coup d’État en Égypte qui allait ruiner les espoirs de la « révolution ». « Vous n’avez rien compris, m’avait hurlé aux oreilles le ponte en question ; la démocratie égyptienne est sur des rails et un retour en arrière est impossible ! » Antoine m’avait réconforté : « Alain aura le réveil dur, avant la fin de l’été. » C’était en 2013.
Antoine était ainsi de ceux, très rares, qui avaient tout compris, à l’Égypte, à la Libye, au Yémen… et à la crise syrienne. Il avait été l’un des premiers à expliquer pourquoi la révolution allait s’islamiser et pourquoi, inévitablement, Bashar al-Assad devait in fine rester au pouvoir.
Il y a quelques mois, il m’appelait depuis les environs de Deir ez-Zor, où il accompagnait l’armée syrienne : « C’est comme je t’avais dit, Pierre ! Le régime reprend la main. On a eu raison depuis le début ! »
Une puissance intellectuelle qui ne fut jamais assez écoutée, tandis que les nains pédants du mainstream péroraient leurs imbécillités sur toutes les chaînes de télévision, sur toutes les ondes radio, dans tous les canards autorisés.
Inutiles d’en dire plus… Sa page Wikipédia est assez éloquente et, maintenant qu’il est mort, toute la presse qu’il détestait tant se confond en éditoriaux dithyrambiques.
Conscient de la nécessité d’un média comme le CMO pour décrypter intelligemment le Moyen-Orient, Antoine Sfeir, fondateur des Cahiers de l’Orient, avait rejoint notre équipe il y a plus d’un an.
Ce soir là, il m’avait dit : « C’est prodigieux, Pierre, tout ce que toi et ton équipe avez créé. Je veux en faire partie. » J’en avais été ému.
Il avait d’innombrables projets, il en avait plein la tête, plein le cœur et plein la vie.
Il s’est bien battu, jusqu’au bout, pour vivre, pour ses idées, pour l’intelligence et pour la Vérité.
Mais Dieu rappelle toujours à lui les meilleurs d’entre nous, ceux qui comprennent mieux que les autres, ceux qui pourraient être les plus utiles à autrui.
Un ami de la Vérité est parti.
Adieu, Antoine ! Tu n’as pas idée de comment tu vas nous manquer.
Adieu ! Et merci…