L’aventure de l’État islamique aura été à l’Islam ce que la guerre d’Espagne ou l’épopée du Che furent au socialisme.
Une grande fresque héroïque, romantique et meurtrière à la fois, terrible et désespérée… Selon, bien sûr, les points de vue des différentes parties impliquées.
Avec l’intention de donner vie à un songe auquel seuls quelques passionnés ont bien voulu croire, finalement victimes de l’indifférence de ceux qui les ont regardés mourir ; parce que, au fond, ces derniers n’ont jamais adhéré à la dimension éminemment politique de l’Islam, jamais vraiment… Parce qu’ils n’ont jamais eu foi dans le projet de leur prophète, jamais pleinement…
Le seul reproche que les seconds puissent faire aux premiers, c’est celui d’avoir cru en Dieu et espéré qu’il était louable de réaliser le message divin tel qu’il avait été inscrit dans les sourates du Coran.
Alors que, après Mossoul, c’est aujourd’hui Raqqa, la capitale de l’État islamique, qui s’effondre sous les bombardements des armées de l’Occident, coalisées pour écraser cet Islam trop « radical », cet Islam « extrémiste »… Alors que s’achève le dernier sursaut historique de l’Islam « authentique », l’Islam des « salafi », l’Islam de Mohamed, l’Islam du Coran… Alors que, probablement, la « confrérie des perroquets » (comme écrivait Pierre Rimbert dans Le Monde diplomatique pour désigner le courant médiatique dominant) mettra tout son talent à faire passer la destruction d’un monde différent du sien pour une éclatante victoire du bien sur le mal… S’annoncent en Syrie et en Irak d’autres guerres, régionales, qui ne seront pas tout à fait étrangères les unes aux autres.
Dans le nord-ouest irakien, alors que les ruines de Mossoul fument encore et empestent la charogne, l’étendard de la revanche sunnite est levé contre l’occupant chiite encouragé par l’Iran ; des Chrétiens appellent leurs frères à prendre les armes et à exiger l’indépendance de la plaine de Ninive ; et le Kurdistan édifie à ses « frontières » un rempart de terre et de tranchées, face à ses nouveaux ennemis, les « Arabes de Bagdad ».
En Syrie, Bashar al-Assad reprend sereinement la main et s’apprête à croquer les derniers foyers de la rébellion, souvenirs du « Printemps arabe » qui partout agonise, reconquérant le territoire « national », avec l’aval de Moscou et de Téhéran ; et d’autres Kurdes fortifient là aussi leur pré carré, plaçant l’essentiel de leurs espoirs dans leur circonstanciel allié américain, dont les velléités à renouer avec l’époque de la Guerre froide font depuis trois ans ressentir leurs effets en Ukraine.
Cependant, tandis que s’éteignent en Orient les feux d’une révolution islamiste dont les accents tiers-mondistes n’auront échappé qu’à ceux qui ont volontairement fermé les yeux sur les motivations profondes du Califat, les armées des « Croisés » lèvent le camp pour un autre champ de bataille.
La prochaine grande guerre du XXIème siècle a déjà commencé, en Afrique de l’Ouest, face à une autre forme de radicalité musulmane, contre un Islam d’un autre genre encore…