C’était le 14 juillet dernier, alors que je me décidais à écrire un article commémorant le massacre du 14 août 2013 en Égypte…
Les massacres… Ceux des places Rabaa et al-Nahda.
C’est à ce moment-là que j’ai reçu les premières nouvelles de l’attentat… À Nice. Avant de voir l’horreur en direct, sur toutes les chaînes de télévision.
À Nice, cette violence aveugle et cette haine profonde contre la vie de l’être humain est sans aucun doute inacceptable, et même incompréhensible pour la majorité des gens, quelle qu’en soit la culture, l’origine ou la religion.
Cela étant, une question, inévitable, a déboulé dans ma tête -et peut-être a-t-elle fait son apparition dans la tête d’autres personnes : pourquoi le président Hollande a-t-il félicité la police française d’avoir abattu l’auteur de l’attentat de Nice, alors que, dans le même temps, il offre son soutien unanime au général al-Sissi et à son régime ? Un régime illégal, qui s’est imposé à mon peuple par un coup d’État militaire, le 3 juillet 2013, et qui se maintient au pouvoir par des moyens atroces : la répression, la persécution des opposants, pas seulement des islamistes, mais aussi des libéraux, des laïques, des syndicalistes, des journalistes… Les arrestations, les tortures… Les disparitions… Un soutien unanime à ce général qui, lui aussi, a commis des attentats contre la population, contre des civils, des massacres… Les massacres de Rabaa et d’al-Nahda… Les tueries les plus violentes de l’histoire égyptienne récente.
Human Rights Watch accuse au moins douze personnes de la junte aujourd’hui au pouvoir en Égypte d’avoir fomenté le plan qui prévoyait ces milliers de morts… Douze personnes, dont le général Abdel Fattah al-Sissi, alors qu’il était encore ministre de la Défense, sous la présidence de Mohamed Morsi.
Malgré cela, le président François Hollande a reçu officiellement Abdel Fattah al-Sissi, en novembre 2014, à l’Elysée ; par la suite, il a fait deux voyages en Égypte… Deux voyages, en moins d’un an.
Et ce n’est là qu’un seul exemple du soutien européen accordé au dictateur al-Sissi.
Chroniques sanglantes d’une armée « nationale »
Cinq ans après la révolution du 25 janvier 2011, qui avait entraîné la chute du dictateur Hosni Moubarak, les espoirs de voir naître la démocratie se sont évanouis en Égypte ; une dictature plus féroce encore a succédé à trente années de répression dans tous les domaines au nom de « la stabilité ».
Moubarak, déjà, était un ancien militaire ; il a été obligé de céder le pouvoir, mais, lorsqu’il l’a quitté, ce fut pour le remettre dans les mains du Conseil suprême des Forces armées (CSFA). Le tour de passe-passe était simple : le CSFA l’avait toujours eu en main, il avait toujours, en coulisse, largement contrôlé les pouvoirs politique et économique, de manière dissimulée. Dans les faits, rien n’allait changer.
Le CSFA a donc expertement manœuvré en jouant sur la fibre du nationalisme, encore très prégnant en Égypte, et en endossant de rôle de « sauveur du pays » et de la légitimité politique, profitant de l’image positive dont l’armée bénéficiait depuis toujours dans l’esprit des Égyptiens.
« Une armée qui a bâti un État ! »
Une phrase qui mérite un peu de réflexion… Surtout si l’on interroge l’histoire, qui nous dira de cette armée qu’elle n’a jamais été très brillante lorsqu’il s’est agi de protéger l’Égypte de ses ennemis.
Mohamed Ali Pacha (1805-1848), gouverneur général de l’Égypte au temps de l’Empire ottoman, permit aux Égyptiens de s’engager dans l’armée, pour la première fois, en 1824. Son armée, qui fut la première « armée nationale », fut créée avec l’aide des Français, soucieux de s’allier l’ambitieux pacha qui ne cachait pas son intention de prendre ses distances avec Istanbul.
Si l’armée, sous la direction du pacha, gagna quelques batailles contre un empire ottoman en décrépitude, elle n’a pas été en mesure, plus tard, de défendre le pays de la domination britannique, qui finit par s’imposer en 1882. Et l’histoire militaire égyptienne du XXème siècle n’a pas été plus heureuse : des années quarante au aux années soixante, l’armée n’a connu que des défaites accablantes, en 1948, en 1956 et bien sûr lors de la Guerre des six jours, en 1967. La victoire tant vantée d’octobre 1973, en réalité, s’est soldée par une défaite supplémentaire et le revirement final du président Anouar el-Sadat.
Malgré tout cela, la machine médiatique héritée de Gamal Abdel Nasser, la mainmise sur l’éducation, le contrôle de l’information, de la radio et de la télévision, de la culture, de l’industrie cinématographique et même des crooners qui n’ont eu de cesse de chanter les louanges de Nasser et la gloire de l’armée, tout à contribuer à réduire au complet néant l’esprit critique des Égyptiens.
Le CSFA, qui a conservé le pouvoir durant la période de transition qui a précédé l’élection de Mohamed Morsi, n’a jamais envisagé la possibilité d’une politique de réformes qui aurait remis en question les vastes privilèges de l’armée. Les militaires ont donc eu recours aux outils traditionnels de la dictature en Égypte : la violence, la peur, l’insécurité et la répression.
Ainsi, l’armée a été responsable de deux vagues d’attaques contre le peuple égyptien : une première vague, entre le 28 janvier 2011 et le 30 juin 2012 (date de la passation de pouvoir du CSFA au premier président civil élu, Mohamed Morsi) ; et une deuxième, à partir du coup d’État du 3 juillet 2013 et qui s’étend jusqu’à aujourd’hui. Par ailleurs, ans l’intervalle de ces deux périodes, en à peine un an que dura la présidence de Mohamed Morsi, le CSFA a fomenter diverses actions pour ressusciter le climat de l’insécurité, mais qui n’ont pas connu l’ampleur espérée par les militaires…
En 2011, après plusieurs jours de soulèvement populaire contre Moubarak, l’armée égyptienne a rapidement pris de facto le contrôle de la capitale et des principales villes d’Égypte : refusant officiellement d’intervenir contre le peuple suite à la fuite de la police devant les manifestants, le vendredi 28 janvier (le « Vendredi de la Colère), le CSFA semblait avoir lâché Hosni Moubarak et prétendait protéger le peuple. Néanmoins, l’armée a laissé plusieurs centaines d’agents secrets de la police et de partisans d’Hosni Mubarak parcourir plus de 14 km à travers Le Caire, depuis le plateau des pyramides jusqu’à la place Tahrir, pour charger les manifestants à dos de chameau. Le bilan de la « Bataille des Chameaux » fut de 11 morts et plus de 900 blessés. Le général Abdel Fattah al-Sissi était alors membre du CSFA et chef du renseignement militaire.
Le 25 février 2011, après un mois de révolution et deux semaines après le départ de Moubarak, des milliers de manifestants se sont spontanément rassemblés sur la place Tahrir pour le célébrer ces événements ; mais, pendant la nuit, l’armée, qui assurait l’intérim du pouvoir et craignait une nouvelle contestation, a fait évacuer la place par de force, au prix d’une dizaine de tués et d’une centaine de blessés ; les militaires ont également procédé à de nombreuses arrestations…
Le 9 mars 2011, sur la place Tahrir, à l’occasion de la Journée de la Femme, une manifestation réclame l’égalité des sexes en Égypte. Dix-sept jeunes femmes sont arrêtées par les forces armées, battues, emprisonnées et soumises à des tests de virginité violents. La méthode n’est pas nouvelle : les services secrets militaires utilisent régulièrement de prétendus « tests de virginité » comme moyen de répression contre les femmes, notamment pour intimider celles qui ont participé au « Printemps arabe ». Ce fut al-Sissi, chef du renseignement militaire, qui ordonna de procéder ces « tests ».
Le 1er août 2011, la junte militaire, de plus en plus inquiète des revendications de la jeunesse et des organisations syndicales qui appelaient à une « seconde révolution », a attaqué les manifestants qui campaient sur la place Tahrir ; ce sit-in avait été organisé par les familles des martyrs de la révolution, qui réclamaient justice. La police militaire a investi la place et ouvert le feu sur les manifestants. Plusieurs dizaines d’entre eux se sont réfugiés dans la mosquée Oumar Makram, qui borde la place Tahrir ; les militaires les y ont pourchassés, attaquant la mosquée. Le bilan :
Le 9 octobre 2011, l’armée disperse plusieurs milliers de Chrétiens coptes, rassemblés devant le bâtiment Maspero, qui abrite le siège de la radiotélévision, situé à quelques centaines de mètres de la place Tahrir ; les manifestants demandaient une enquête suite à la destruction d’une église dans le gouvernorat d’Assouan, incendiée dans des circonstances demeurées obscures. Bilan : 28 morts et des centaines de blessés.
Fin novembre 2011, à quelques jours des élections législatives, un nouveau sit-in est organisé place Tahrir. L’armée déploie 5.000 hommes et lance une attaque contre les protestataires. Les événements tournent en émeute lorsque le flot des manifestants enfle soudainement, exigeant la fin des intimidations policières. Sans relâche, pendant cinq jours, l’armée va réprimer les révolutionnaires. Bilan : 58 morts et près de 2.000 blessés.
En décembre suivant, l’armée tue encore douze personnes, en quatre jours, dans le centre du Caire, en réprimant les manifestations qui dénonce les exactions de la junte militaire…
Entre janvier 2012 et juin 2013, plusieurs événements d’une extrême violence vont encore endeuiller l’Égypte, tel la tuerie du stade de football de Port-Saïd, le mercredi 1er février 2012, dont le bilan fut aussi sanglant : 74 morts et des centaines de blessés. L’implication des services secrets militaires a dans la plupart des cas été établie ; à d’autres occasions, l’armée a délibérément laissé les violences s’amplifier, pour justifier le retour de l’état d’urgence, qui avait été levé le 25 janvier 2013 par le président Morsi.
Le 30 juin 2013, des centaines de milliers d’Égyptiens descendent dans les rues du Caire et des grandes villes d’Égypte et réclament une élection présidentielle anticipée ; on soupçonne très vite la main de l’armée derrière l’organisation et la coordination de ce vaste « soulèvement populaire ». L’armée ne tarde pas, d’ailleurs, à entrer en scène et, prétextant de soutenir la volonté populaire, destitue le président Morsi, démocratiquement élu moins d’un an plus tôt.
Le massacre de Rabaa al-Adawiya et al-Nahda
Dans la nuit du 7 au 8 juillet 2013, des milliers de manifestants se rassemblent devant le bâtiment de la Garde républicaine, où le président Morsi est retenu prisonnier. Beaucoup sont des sympathisants des Frères musulmans dont le parti a remporté les élections présidentielles et législatives. Ils exigent le respect de la démocratie. Vers 4 heures du matin, alors que les manifestants se préparent pour la première prière de la journée, les soldats ouvrent le feu sur les rassemblements, à l’arme automatique. Le bilan est de 51 morts et 435 blessés. Dans les hôpitaux qui reçoivent les victimes blessées par balles, les médecins sont explicites : il s’agit d’un carnage délibéré, qui vise à effrayer les pro-Morsi.
Mais c’est l’effet inverse qui se produit : à l’annonce dela fusillade, deux immenses manifestations s’ébranlent, qui réclament le retour du président légitime, Mohamed Morsi ; les Égyptiens partisans du président renversé se rassemblent sur les places Rabaa al-Adawiya et al-Nahda.
Les conséquences médiatiques internationales du carnage du 8 juillet, condamné partout dans le monde, ne semblent cependant pas arrêter l’armée, qui entend bien, désormais, conserver le pouvoir. Le 8 juillet devait être le premier acte déterminé de la part des militaires, qui annonçait la mise en œuvre d’une stratégie du choc et de la terreur. Ainsi, le 27 du même mois, au moins 65 personnes sont été tuées au Caire et 9 autres périssent dans des affrontements avec l’armée à Alexandrie.
Après plusieurs semaines de bras de fer entre les manifestants et l’armée, le 14 août, les militaires décident d’en finir avec les sit-in qui occupent les places Rabaa al-Adawiya et al-Nahda : des snipers prennent position sur les toits des bâtiments qui encadrent les places et commencent à ouvrir le feu au hasard, tandis que des bulldozers enfonçaient les barricades des manifestants, suivis par des automitrailleuses et de l’infanterie.
Selon les autorités, le bilan serait de 638 morts et 3994 blessés ; selon diverses autres sources, l’armée aurait tué plus de 2.600 personnes, dont plusieurs journalistes qui couvraient les événements. Pour l’ONG égyptienne Wiki Thawra, qui dispose de la banque de données la plus complète sur le sujet, il y aurait eu au moins 1.150 tués, 4.000 blessés et un millier de personnes arrêtées et torturées.
Le 14 août 2013, l’Égypte a vécu son propre Tiananmen. « Sur la place Rabaa, les forces de sécurité égyptiennes ont perpétré en une seule journée l’un des plus importants massacres de manifestants de l’histoire récente. », a déclaré Kenneth Roth, le directeur exécutif de Human Rights Watch.
Commente, en effet, qualifier cet acte terroriste, commis par le chef de la junte militaire égyptienne ? Le pouvoir militaire a déclaré, pour sa défense, que les centaines de milliers de partisans du président déchu s’apprêtaient à un coup de force et que plusieurs étaient armés. Si 43 policiers ont été tués dans l’assaut, certains manifestants ayant tenté de se défendre, les journalistes présents lors des faits ont cependant témoigné qu’aucun manifestant autour d’eux ne détenait une arme. Le rapport d’Human Rights Watch sur les événements note que certains manifestants semblent avoir fabriqué et utilisé des cocktails molotov, mais qu’aucune peruve de détention d’armes à feu n’a été établie. Le régime a déclaré qu’une quinzaine d’armes à feu (seulement) a été saisie…
Je peux aujourd’hui, pour la première fois, témoigner moi-même : mon épouse et moi avions tenté de rejoindre le sit-in de Rabaa. Mais toutes les rues qui menaient à la place étaient bloquées par des véhicules blindés et les transports de troupes. Nous sommes donc restés en arrière, avec des milliers d’autres personnes qui essayaient de se joindre aux manifestants ; et, à 3 heures, le matin du 15 août, nous sommes rentrés chez nous. Je me suis réveillé avec les nouvelles de la dispersion des sit-in et le bilan des morts…
La veille, le 14, l’armée avait donc encerclé la place Rabaa, il n’était plus possible d’y pénétrer ni d’en sortir.
Je me souviens comment nous avons empêché un convoi de l’armée, d’environ 30 chars et plusieurs centaines de soldats, d’accéder aux Sit-in. Nous avons passé une heure environ à nous interposer et à convaincre les militaires de faire demi-tour ; sans savoir s’ils s’en sont vraiment retournés dans leur caserne ou s’ils ont poursuivi leur cortège meurtrier en empruntant un autre chemin.
Comme ils ne pouvaient pas accéder à la place, les manifestants avaient décidé de monter un barrage pour bloquer le grand boulevard qui conduit à la place par le sud ; dans le but d’empêcher l’armée et la police d’y envoyer plus de troupes. J’ai pu constater le dispositif mis en place par la junte : bulldozers, troupes au sol, snipers, tireurs d’élite installés dans des hélicoptères… Il n’y a aucun doute sur le fait que l’armée avait décidé de procéder à un nouveau coup de filet meurtrier.
Je communiquais par téléphone avec des amis, piégés par l’encerclement du sit-in ; ils me décrivaient la situation, m’expliquaient qu’un assassinat de masse avait commencé, que les forces de sécurité et l’armée utilisaient des balles réelles et visaient les gens à la tête. Depuis notre barrage, nous entendions les tirs, des explosions et des hurlements ! Puis sont arrivées les ambulances ; les hommes qui tenaient le barrage ont toujours laissé passer les ambulances passer, librement, sans vérifier si elles ne transportaient pas des policiers ou des militaires… Vers midi, l’appel au secours qui sourdait depuis l’intérieur du sit-in s’est amplifié ; mes amis demandaient d’envoyer plus d’ambulances. J’ai arrêté une ambulance qui revenait de la place, pour lui demander d’alerter sa base et de mobiliser plus de véhicules. J’ai été frappé de stupeur : elle était vide ! Et les uniformes des ambulanciers n’étaient maculés d’aucune tache de sang.
Mes amis, qui ont pu fuir la place à la fin de la journée, m’ont raconté l’horreur : des centaines de corps brûlés ou entassés.
Selon Human Rights Watch, « lors de la dispersion du sit-in de la place Rabaa al-Adawiya, le 14 août, les forces de sécurité ont agi selon un plan qui prévoyait plusieurs milliers de mort et elles ont tué au moins 817 personnes, et probablement plus d’un millier ». « Les meurtres systématiques et généralisés d’au moins 1.150 manifestants par les forces de sécurité égyptiennes, en juillet et août 2013, constituent probablement des crimes contre l’humanité. », a déclaré un porte-parole de l’organisation de défense des droits de l’homme, dans un rapport publié au terme d’une année d’enquête.
Massacre de Rabaa : le rapport que les autorités égyptiennes ne veulent pas qu’on lise
Le massacre de Rabaa du 14 août 2013 et les tueries de masse de manifestants en Égypte ont fait l’objet d’un rapport détaillé par l’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch, qui les qualifie de « probables crimes contre l’humanité ». Une délégation de l’organisation, conduite par son directeur, Kenneth Roth, devait se rendre au Caire pour présenter les résultats de son enquête. L’entrée du territoire lui a été interdite.
Human Rights Watch publie dans son rapport (All According to Plan : The Rab’a Massacre and Mass Killings of Protesters in Egypt) le compte-rendu minuté de la journée et des événements qui ont précédé le massacre.
Après la destitution par l’armée de Mohamed Morsi, premier civil démocratiquement élu, ses partisans organisent deux grands sit-in au Caire, sur les places Rabaa et Al-Nahda. « Des dizaines de milliers de manifestants pro-Morsi, en grande majorité pacifiques, notamment des femmes et des enfants, ont tenu un sit-in du 3 juillet au 14 août afin de demander la réintégration du président déchu par le coup d’État militaire », précise le rapport.
Le rapport explique comment l’un des plus importants massacres de manifestants de l’histoire récente a probablement été planifié au plus haut sommet de l’État. Il incrimine au moins douze personnalités, responsables d’avoir « suivi un plan qui prévoyait des milliers de morts », dont le général Abdel Fattah Al-Sissi, à l’époque ministre de la défense. Pour Human Rights Watch, « une douzaine de hauts responsables de la chaîne de commandement, en particulier le ministre Mohamed Ibrahim, le ministre de la Défense de l’époque, qui a tenu un rôle de commandement sur les forces armées, l’actuel président al-Sissi et le chef des forces spéciales à la tête de l’opération, Medhat Menshawi, devraient faire l’objet d’une enquête afin d’établir leur rôle dans ces tueries. »
La réalité d’un État militaire
Les massacres perpétués depuis le 25 janvier 2011 -et notamment après le coup d’État militaire du 3 juillet 2013- et « l’Holocauste de Rabaa » ont dévoilé le visage d’un État typique des constructions postcoloniales, dont toutes les institutions militaires et policières, voire judiciaires également, constituent un « État profond » prêt à sacrifier toutes les valeurs humaines et religieuses pour promouvoir ses propres intérêts.
Les institutions religieuses musulmanes et chrétiennes d’Égypte ont montré qu’elles partageaient les mêmes concepts et principes, qui font grand cas de la vie de l’être humain ; et toutes en ont payé le prix, lors des massacres de Maspero et de Rabaa.
La majorité des élites politiques qui se sont installées à la tête de l’Égypte, depuis Nasser et jusqu’à Moubarak, en revanche, ont développé des attitudes néo-fascistes typiques des institutions d’un pouvoir postcolonial en Afrique.
La personnalité égyptienne a connu une mutation profonde, une transformation, commencée au XIXème siècle, et qui va jusqu’à renouer, d’une certaine manière, avec une forme d’anthropophagie, héritage de temps très anciens, que l’on croyait perdu, de l’époque des anciens Romains qui s’exclamaient de joie, jadis, lorsqu’il contemplaient un tigre en train de dévorer un homme vivant. Cette forme d’anthropophagie ne se limite pas aux seules élites ; elle est aussi -et surtout- répandue parmi les gens du peuple les moins éduqués.
« L’ombre du massacre de Rabaa continuera de planer au-dessus de l’Égypte et l’Égypte ne pourra aller de l’avant tant qu’elle n’aura pas réglé les comptes de ce chapitre sanglant de son histoire. », déclarait encore le directeur d’Human Rights Watch.
Si les violences que j’ai décrites et rappelées dans cet article sont spectaculaires, ells sont cependant familières : depuis la révolte de 2011, les autorités, les forces de police et l’armée, ont pris l’habitude de réprimer sévèrement toute opposition.
Dans une totale impunité.
2 Comments
Vous n’êtes qu’un intellectuel occidentalisé,irresponsable et rêvant d’une “démocratie” qui n’a jamais existé nulle part mais telle ou telle oligarchie comme cela est patent aux états désunis et partout ailleurs dans les pseudo-démocraties qui en plus préparent une troisième guerre mondiale au profit des américains et d’eux seulement.Bref,des idiots utiles d’un nouveau genre,aussi aveugles et présomptueux que les précédents.
Comme le disait Malraux:”Il est temps que les intellectuels deviennent responsables” et cessent de céder à toutes “les illusions lyriques” à la mode,toujours cocus,pleurnichards et complices des pires crimes!
Que le régime égyptien actuel soit dur et répressif, c’est évident. Mais on ne peut pas mettre dans le même sac la politique de progrès social de Nasser et sa victoire de 1956 (oui !) , le fait que c’est la rue égyptienne qui a rappelé au pouvoir Nasser qui avait démissionné en 1967, avec la politique d’infitah décidée au sommet depuis et qui a ouvert le pays à la régression sociale et politique. Rajouter à cela Tien an Men dont on sait aujourd’hui que l’événement fut gonflé par les médias occidentaux contre un pays qui faisait bloc pour s’engager dans sa propre voie démontre aussi que l’auteur reste marqué par un tropisme occidentaliste, pour tout dire néolibéral, avec l’interprétation classique des droits individuels de l’homme en négligeant ses droits sociaux collectifs et la question de la souveraineté nationale. Si le régime Sissi est condamnable c’est à cause de la poursuite de la politique de soumission de l’Egypte à des puissances étrangères, en particulier Israël et les Saoud et bien sûr les USA. Or, on a l’impression en lisant cet article que l’Egypte connaitrait une histoire à l’abri des grands processus économiques, sociaux et politiques mondialisés. Alors que les répressions en Egypte font partie intégrante d’un système mondialisé où il y a des Etats soumis aux puissances occidentales capitalistes et des Etats qui tentent d’y résister plus ou moins bien. L’Egypte de Nasser avait appartenu à cette seconde catégorie malgré toutes les limites qu’on peut critiquer chez Nasser. Tout mettre dans le même sac au nom d’un droit de l’hommisme purement théorique revient à désespérer le peuple et lui enlever les moments glorieux de son histoire politique quand son pays se tenait debout. Ce qui fut le cas avec Mohamed Ali, au moins en partie, et avec Nasser. Ce qui ne fut pas le cas ni avec Morsi ni avec Sissi.