Le mouvement populaire Tamarod (« Rébellion ») a été l’un des éléments déclencheurs des manifestations massives de juin et juillet 2013 qui ont abouti à la destitution du président Mohamed Morsi, issu de la Confrérie des Frères musulmans. Depuis lors -et même après l’élection du maréchal Abdel Fattah al-Sissi à la présidence de la république arabe égyptienne (avec près de 97 % des voix et un taux de participation approximatif de 40 %)-, la situation politique n’a cessé de se dégrader, régulièrement dénoncée par les organisations de défense des Droits de l’Homme, tels Human Rights Watch et Amnesty International. Symbolique des milliers de jeunes emprisonnés, torturés, disparus ou exécutés, le cas de Mahmoud Hussein, un étudiant de 19 ans.
Dans un rapport intitulé Génération Prison: la jeunesse égyptienne des manifestations à la prison, publié le 30 juin 2015, Amnesty International dénonce l’arrestation de près de 41.000 personnes, en l’espace de deux ans seulement (depuis le coup d’État militaire qui a renversé l’éphémère démocratie égyptienne) et se penche plus particulièrement sur le sort de 14 figures de la contestation, qui avaient pris part au soulèvement contre Hosni Moubarak, en janvier 2011, 14 personnalités qui symbolisent le combat pour la liberté d’expression.
Amnesty établit ainsi un constat sans appel : en Égypte, l’État policier total qui prévalait avant le « Printemps arabe » a été rétabli, plus impitoyable que jamais ; l’organisation fustige la complicité de la Communauté internationale, qui préfère fermer les yeux pour privilégier la signature de contrats, notamment d’armement, avec le président Abdel Fattah al-Sissi, ancien chef de l’armée.
« En ciblant sans relâche les jeunes activistes égyptiens, les autorités broient les espoirs d’avenir meilleur d’une génération entière », souligne Hassiba Hadj Sahraoui, vice-directrice du programme d’Amnesty pour le Proche-Orient et l’Afrique du Nord.
Amnesty met aussi l’accent sur « la répression tous azimuts menée par le pouvoir égyptien contre la jeunesse du pays ». À l’image de Mahmoud Hussein, cas isolé parmi des milliers de jeunes détenus…
Étudiant de 19 ans, Mahmoud a déjà passé plus de 18 mois en détention provisoire, sans être inculpé. Il est actuellement détenu à la prison de Tora, au Caire.
Sa détention, pour une durée de 45 jours supplémentaires, a été renouvelée le 11 juillet 2015. Trois jours plus tard, le 14 juillet, il a été passé à tabac par deux de ses gardiens, qui lui ont donné des coups de poing dans le ventre et l’ont frappé au visage, lorsqu’il a insisté pour récupérer ses effets personnels, ayant appris qu’il allait être transféré dans une autre prison.
Que lui reproche la « Justice » égyptienne ?
Mahmoud Hussein a été arrêté le 25 janvier 2014, jour du troisième anniversaire de la révolution… Il participait alors à une manifestation dans le centre-ville du Caire et, tandis qu’il rentrait ensuite chez lui en autobus, il a été arrêté lorsque les forces de sécurité ont intercepté le véhicule au poste de contrôle d’El-Marg, dans le nord-est du Caire. Les agents de la sécurité l’on fait sortir du bus et se sont saisi de lui, car il portait un t-shirt orné de logo de « l’Action en faveur d’une nation sans torture » et un foulard imprimé du symbole de la révolution du 25 janvier.
La nouvelle loi égyptienne prévoit qu’une personne puisse être maintenue en détention provisoire pendant deux ans entiers, si elle est accusée d’une infraction passible de la réclusion à perpétuité ou de la peine de mort. Or, Mahmoud Hussein est notamment accusé d’avoir contribué à soutenir une organisation terroriste, des accusations fondées uniquement sur des « aveux » enregistrés en vidéo, qui lui ont été extorqués sous la torture après son arrestation le 25 janvier 2014.
Dans une lettre ouverte publiée le 8 juin 2015 sur le site Open Democracy, le frère de Mamhoud Hussein, Tarik, demandait à sa libération :
« Cher Mahmoud, tu as déjà passé près de 500 jours en prison, et mon cœur est lourd face à l’injustice que toi-même et tant d’autres subissez. Le président Abdel Fattah al-Sissi vient d’achever sa première année au pouvoir. Un grand nombre des promesses qu’il a faites n’ont toujours pas été tenues. Il a fait l’éloge des jeunes de ce pays, pourtant beaucoup d’entre eux languissent en prison. En février, lors d’une allocution devant la nation, le président a dit : ‘Tous les jeunes innocents doivent être libérés’. Aujourd’hui, je demande : ‘Et mon frère alors, qui a été arrêté quand il n’avait que 18 ans ? Il est en prison parce qu’il portait un t-shirt réclamant une nation sans torture et une écharpe célébrant la révolution du 25 janvier. Il n’a pas été officiellement inculpé de la moindre infraction ni jugé. Alors pourquoi n’a-t-il pas été libéré ?’ (…) Je n’ose imaginer tes conditions de détention. Tu es incarcéré à la prison de la Cour d’Appel, derrière la Direction de la Sécurité, au Caire. Il est notoire qu’il s’agit d’une des pires prisons qui soient. C’est là que les condamnés à mort attendent d’être exécutés. »
Le cas de Mahmoud Hussein est loin d’être exceptionnel, dans l’Égypte du maréchal al-Sissi… Accusés, le plus souvent, d’avoir violé la loi anti-manifestation décrétée durant la présidence d’Adli Mansour [ndlr : président de la Haute Cour constitutionnelle, qui assura la présidence de la république par intérim, du l4 juillet 2013 au 8 juin 2014, après la destitution du président Morsi par les militaires et jusqu’à l’élection du maréchal al-Sissi], un bon nombre de détenus ont lancé la campagne Gibna Akhirna (« On n’en peut plus »).
Sur le site Ici votre voix (Huna Sawtok), le militant des Droits de l’Homme Malek Moustafa a appelé les Égyptiens et le monde à soutenir cette campagne, qui est « une bataille pour la vie et la liberté, pour que tous les citoyens puissent exprimer librement leurs opinions, un droit qui leur est garanti par la constitution, mais qui leur est retiré par les matraques de la Sécurité centrale et les décisions de la Sécurité nationale.
De nouveau, leurs décisions gouvernent la scène égyptienne, nous rappelant ainsi les dernières années de pouvoir de Moubarak qui a laissé les mains libres à cet organe répressif pour contrôler la vie de millions d’Égyptiens. »