Les temps seraient-ils devenus difficiles pour le Califat ? L’État islamique, attaqué de toutes parts par une coalition hétéroclite de gouvernements, factions et milices, a déserté plusieurs territoires qu’il avait conquis à une époque où il semblait invincible. Mais son recul, dans un certain nombre de zones de Syrie et d’Irak, ne doit toutefois pas faire oublier qu’il a conservé une forte capacité opérationnelle, qui se traduit par une résilience étonnante, et aussi par des avancées inattendues dans d’autres zones peut-être stratégiquement plus utiles.
Le front nord-ouest syrien
Dans le nord-ouest de la Syrie, l’État islamique (EI) fait face aux rebelles syriens, au nord d’Alep, et aux loyalistes de Bachar al-Assad, dans le sud-est du gouvernorat. L’entrée en guerre de la Turquie, qui bombarde les positions kurdes et islamistes depuis ses frontières, a permis aux brigades turkmènes alliées d’Ankara de s’emparer de quelques villages à l’est d’Azaz, par une progression lente et laborieuse. Plus au sud, les rebelles syriens, affaiblis par leurs fronts multiples, ont dû céder quelques villages au nord et au sud de Mare, permettant à l’EI de maintenir des positions fortes dans cette zone.
Au sud-est d’Alep, où l’EI assiégeait la base militaire de Kweires depuis deux ans, une offensive loyaliste démarrée en octobre 2015 avec l’aide de l’aviation russe a réussi à lever le siège de la base et à regagner de nombreux villages dans les plaines de Deir Hafir, une ville qui demeure toutefois sous le contrôle de l’EI, point de passage stratégique sur l’axe routier Alep – Raqqah.
Au sud d’Alep enfin, la seule route qui permet à l’armée syrienne d’approvisionner les quartiers de la ville tenus par le régime (la route qui traverse Khanasser) a été coupée deux fois par l’EI en moins de cinq mois ; les djihadistes de l’EI n’ont toutefois pas pu conserver le contrôle de cet axe stratégiquement déterminant, mais leurs attaques ont obligé les loyalistes à allouer des moyens militaires importants à ce front.
Le front nord syrien
Des offensives successives des Forces démocratiques syriennes (FDS/SDF) ont fait reculer l’EI sur la rive est de l’Euphrate, au sud de Kobané, où les FDS, appuyées par les frappes aériennes de la coalition menée par Washington, ont pu atteindre le barrage stratégique de Tishrin et traverser l’Euphrate pour s’implanter sur la rive occidentale du fleuve, où ils contrôlent à ce jour des positions à moins de 10 km du bastion djihadiste de Manbij.
Dans le gouvernorat d’Hasakké, les FDS ont pu reprendre le contrôle d’al-Hawl, coupant ainsi l’approvisionnement de l’EI en direction de Sinjar, en Irak ; plus récemment, elles ont capturé la ville stratégique de Shaddadeh, un bastion important de l’EI.
L’avancée rapide de l’alliance kurdo-arabo-assyrienne (SDF) a été préparée par des bombardements intenses de la coalition internationale, poussant l’EI à des retraits successifs, malgré quelques contre-attaques foudroyantes.
L’une de ces contre-offensives, fin février, a même permis aux djihadistes de prendre temporairement le contrôle de la ville de Tall Abyad, coupant ainsi en deux les zones conquises par les Kurdes.
L’ouest syrien
Près de Hama et Samamiyah, l’EI a pu garder et consolider ses positions, qui constituent maintenant une menace constante sur la route Salamiyah – Alep. À Palmyre, l’armée loyaliste a pu gagner quelques positions et se rapprocher de la ville antique, toujours fermement contrôlée par l’EI ; tandis qu’à Qaryatayn, l’EI a progressé au détriment des loyalistes et des rebelles anti-Assad.
Deir ezzor
À Deir Ezzor, où la moitié de la ville forme une enclave contrôlée par les loyalistes et assiégée par l’EI, de nombreuses offensives de l’EI lui ont permis de réduire cette poche de résistance, sans parvenir toutefois à prendre intégralement la ville, bien défendue par une garnison retranchée dans l’aéroport.
Le nord irakien
L’offensive des FDS dans le gouvernorat d’Hassakké, en Syrie, a permis aux Kurdes irakiens de reprendre l’offensive et de libérer la ville yézidie de Sinjar, en novembre 2015. Ailleurs, toutefois, et près de Mosul en particulier, les positions des différents belligérants n’ont pas connu d’évolution sensible.
Baiji et Ramadi
Les principaux succès des forces irakiennes ont été enregistrés dans les villes de Baiji, reprise en novembre 2015, et Ramadi, fin décembre 2015. Mais ces victoires sont le résultat de plusieurs mois de combats et n’ont repoussé les brigades de l’EI qu’à quelques kilomètres seulement des centres urbains.
S’il est exact que l’État islamique a reculé et perdu du terrain, durant la période allant de juin 2015 à février 2016, il faut toutefois remarquer que, d’une part, le recul est très limité et n’a pas provoqué l’écroulement des positions djihadistes et, d’autre part, que la reconquête sur l’EI n’a pu se faire que grâce à des bombardements préparatoires intensifs menés par les Russes, les Américains ou les Irakiens sur les lignes de fronts.
En outre, l’EI a continue de faire preuve d’une capacité opérationnelle impressionnante, sous la forme d’attaques éclair à grands renforts d’opérations suicides (bombes sur voitures ou camions), désorganisant et retardant énormément ses ennemis.