Toute la Tunisie retenait son souffle depuis presque un mois. Les premières élections démocratiques présidentielles en Tunisie ont été disputées jusqu’au bout.
Un deuxième tour opposant Beji Caid Essebsi (BCE), candidat du parti Nidaa Tounes (« l’Appel de la Tunisie »), au président sortant Moncef Marzouki, candidat du CPR (le Congrès pour la République), a eu lieu ce dimanche 21 décembre 2014.
Rappelons que le premier tour s’était tenu le 23 novembre 2014 et que 23 candidats s’étaient présentés. Cinq candidats se sont distingués : BCE (39,46%), Marzouki (33,43%), Hamma Hammai du Front Populaire (7,82%), Hechmi Hamdi du Courant de L’amour (5,75%) et Slim Riahi de l’UPL (l’Union patriotique libre) (5,55%).
Au-delà du processus électoral on sentait en Tunisie une volonté du peuple d’en découdre une fois pour toute avec le terme « provisoire ».
Quelles que soient l’obédience et l’appartenance politique des votants, un objectif commun a été moralement instauré, celui de confier la direction du pays à un président démocratiquement élu et à un gouvernement légitime pour les prochaines cinq années. Un gouvernement capable de prendre les bonnes décisions pour sortir le pays du marasme économique et de la menace terroriste qu’il supporte depuis la fuite de Ben Ali.
L’écart serré (6%) entre les deux finalistes a laissé planer le doute sur l’issue des résultats du deuxième tour en confirmant la bipolarisation que le pays a découverte après les législatives et tout en affirmant que Moncef Marzouki était bel et bien le candidat non déclaré du Parti Ennahdha.
Le parti islamiste avait choisi de ne pas présenter de candidat officiel aux présidentielles, laissant ainsi le choix à ses sympathisants… Une décision apparemment saugrenue, mais surtout intelligente, puisqu’elle évitait à Ennahdah, dans tous les cas, une deuxième défaite, après celle essuyée le 26 octobre, lors des législatives….
Une fois le premier tour passé, chaque clan a compris que la route qui menait au palais de Carthage passerait certainement par des alliances politiques…
Sur ce point, BCE n’a pas perdu beaucoup de temps, puisqu’il s’est assuré le soutien d’Afek Tounes et de l’UPL, avec en plus la garantie que les frontistes barreraient la route à Moncef Marzouki ! Un vrai coup de maître qui lui évitait de manger dans la main de Rached Ghanouchi, le leader islamiste d’Ennahdha….
Quant à Marzouki, en sus des sympathisants d’Ennahdha, il a eu le soutien de ceux du Courant de l’Amour de Hechmi Hamdi et de certains prédicateurs religieux connus, comme Bechir Belhassen à Msaken (centre de la Tunisie) ; un comble, pour le représentant du centre-gauche…
C’est donc en fins stratèges que les deux clans se sont opposés, ce dimanche 21 décembre 2014, donnant ainsi la possibilité au peuple de choisir entre le « social-libéralisme » (BCE) et le socialisme démocratique (Marzouki).
Finalement, c’est le premier courant qui a triomphé : selon le cabinet Sigma Conseil, en attendant les résultats officiels de l’ISIE, les résultats du deuxième tour donnent BCE vainqueur à 55,5 %, contre 45,5% pour Marzouki…
Un résultat surprenant et qui pose question, pour le président sortant, dont la rue se moquait ouvertement il y a quelques semaines encore et que l’on ne créditait que de quelques points au plus…