Sans doute Saddam Hussein a-t-il été un dictateur sans pitié. Intrinsèquement liées, la violence engendrée sous son règne, dont la mentalité irakienne s’est imprégnée, et la culture anti-Droit de l’Homme qui prévaut dans cette région du Moyen-Orient semblent pouvoir expliquer, aujourd’hui, le phénomène de « l’État islamique » (EI – Daesh)…
Sans aucun doute, la répression promue par les dictatures dans les pays peu développés est l’instrument principal de mise sous contrôle des oppositions.
Durant mon séjour en Syrie en 2011, j’ai rencontré un dénommé Ebn-Zaidoun. C’était un réfugié irakien. Il m’a expliqué comment son frère avait été tué par le régime de Saddam Hussein. Il a raconté cet événement d’une manière très calme et sereine : il m’a décrit la manière dont son frère avait été horriblement écrasé sous une chenille d’un char d’assaut.
J’ai compris que la violence était devenue monnaie courante dans son esprit : la violence généralisée est ancrée dans le quotidien des Irakiens.
D’une part, les dictatures sont responsables des violations des Droits de l’Homme auxquels elles s’opposent. D’autre part, les effets psychologiques de la violence des répressions constituent un facteur non négligeable dans le développement des groupes extrémistes, relativement au recrutement notamment.
En d’autres termes, les violations des Droits de l’Homme et la question du développement des groupes extrémistes pratiquant le terrorisme ont une relation directe et inverse. On pourrait donc conclure, comme l’énonçait déjà C. T. Munger (The psychology of human misjudgment, 1995) que, pour parvenir à un développement durable de la planète, la protection des droits de l’homme à l’échelle mondiale est inévitable.
Avant de développer cette simple assertion, il convient de poser quelques questions :
Peut-on penser les problématiques de sécurité sans prêter attention aux conséquences d’une politique hautement sécuritaire à tous les niveaux, notamment en ce qui concerne la liberté de pensée ? Peut-on aborder les questions de santé, sans prêter attention à la santé mentale de la population ? Peut-on définir la liberté de religion, mais sans admettre la création d’associations ou de communautés religieuses minoritaires ?
Ces trois questions, à elles seules déjà, impliquent plusieurs indicateurs majeurs du respect des Droits de l’Homme.
Or, les libertés individuelles, les libertés sociales et aussi les libertés des collectivités ont une relation dynamique les unes avec les autres. Porter atteinte à l’une entraîne des impacts sur les autres ; c’est ainsi que se reproduit la violence en Irak.
Parmi les autres déterminants relatifs aux Droits de l’Homme en Irak, il faut également faire état de la question de la culture.
Les cultures ont un rôle assez important (voire principal) dans la protection ou la violation des Droits de l’Homme : si une culture a une nature anti-Droits de l’Homme, il est clair que, quelle que soit la législation que l’État adoptera en la matière, les Droits de l’Homme resteront sur le papier et ne seront pas réalisés dans la société.
Or, en Irak comme dans d’autres régions du Moyen-Orient, les populations sont idéologiquement, voire intellectuellement, opposées à certaines dispositions et principes des Droits de l’Homme qui entrent en conflit avec les règles et normes idéologiques auxquelles elles adhèrent, par croyance religieuse notamment. C’est le cas en Irak, où certaines pratiquent religieuses et croyances idéologiques renforcent les aspects anti-Droits de l’Homme de la culture régionale.
La psychologie de la population, qui révèle le cœur et l’essence de la société, est l’autre paramètre qui présente une relation directe avec la question des droits de l’homme.
Si l’on suit les travaux de T. Elbert et M. Schauer, les impacts de la violence sur la société créent le risque dans la vie personnelle, menacent la santé publique, menacent la santé mentale globale de la communauté, et ce de manière inattendue, généralement insupportable et irrépressible.
En Irak, ces conséquences constatées ont eu des effets qui ont pu influer sur la perception de la question des Droits de l’Homme, dans le sens qu’elles ont permis une violation accrue des Droits de l’Homme.
C’est exactement le même phénomène qui se répète aujourd’hui en Irak.
Comme l’ont démontré J. L. Herman et J. Breslau, la violation des droits (dans toutes leurs dimensions) devient un élément permanent de la vie du peuple, qui adopte une attitude négative et inactive par rapport à cette problématique.
Compte tenu de ce qui précède, en tenant compte aussi des éléments politiques, culturels, idéologique, religieux et psychologiques, on peut avoir une meilleure compréhension de l’apparition de l’État islamique et de son développement.
La question de l’émergence des groupes extrémistes est l’une des préoccupations majeures des États-Unis en rapport avec l’intervention en cours en Irak. Ce combat, plus généralement contre les groupes extrémistes au Moyen-Orient, est bien perçu dans les opinions des leaders des États-Unis et des organisations internationales.
À cet égard, Obama a déclaré dans une interview à CNN que le soutien militaire accru de l’Amérique au gouvernement de l’Irak a été conditionnée à la formation d’un gouvernement inclusif en Irak, c’est-à-dire au partage de la puissance politique avec toutes les minorités du pays.
C’est en effet là une des conditions fondamentales du la promotion des Droits de l’Homme, seule façon d’avancer pour trouver une solution aux conflits et établir une paix internationale durable au Moyen-Orient et en particulier en Irak.
Dans le cas contraire, on assistera au développement continuel du djihadisme : les bombardements de la coalition qui s’est formée contre Daech ont leurs limites, dans le temps et dans l’espace ; et le changement de perspective psychologique et culturel en Irak et, plus largement, au Moyen-Orient, peut seul empêcher la formation des groupes extrémistes et vaincre l’actuelle offensive de l’État islamique.