URGENT / MALI – Victoire djihadiste sur l’ONU

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L’assaut mené sur le quartier général de la MINUSMA (Mission multidimensionnelle intégrée pour la stabilisation du Mali – ONU) dans le centre de Tombouctou par un groupe armé, ce 14 août 2017, constitue peut-être un tournant significatif dans la guerre qui se prépare au Sahel.

Le choc subi par les forces onusiennes -et la non-intervention des forces françaises de l’opération Barkhane pourtant situées à 5 kms de la zone des combats- montrent clairement que l’Occident ne peut pas maîtriser les insurrections qui se pérennisent dans le nord et le centre du Mali, menaçant la capitale Bamako, et qui s’étendent à toute l’Afrique de l’Ouest, un mouvement de révoltes qui animent plusieurs ethnies et présentent un fort ancrage islamiste, comme dénominateur commun et qui n’entre pas en conflit avec les traditions locales.

Curieusement, la presse occidentale (française, en particulier) semble minimiser les événements.

Mais le fait que les djihadistes aient eu à la fois le nombre de combattants nécessaire et les informations utiles pour pénétrer jusqu’au centre du camp des forces onusiennes et provoquer l’évacuation de la mission civile à Tombouctou démontre que la situation échappe désormais à tout contrôle.

En outre, cette importante attaque sur le QG de la MINUSMA à Tombouctou aurait été coordonnée avec celle qui a eu lieu le même jour à Douentza (Mopti), dans le centre du Mali, contre une autre base onusienne. Le bataillon du Togo y a subi des pertes, dont un officier….

À Tombouctou, les djihadistes ont apparemment choisi le moment du déjeuner pour attaquer, lorsque le personnel originaire de la ville avait quitté la base et que le personnel étranger était rassemblé dans le réfectoire, de sorte à tuer un maximum de personnes et à frapper le plus grand nombre de nationalités possible.

L’attaque a été menée par deux commandos et a mobilisé une dizaine de djihadistes, qui ont investi le centre de Tombouctou : ils sont descendus de deux véhicules, un tout-terrain blanc et un pick-up, en provenance de l’est. Le premier commando était constitué de quatre hommes : ils ont approché avec beaucoup de calme l’entrée de la base de l’ONU, une zone fortifiée autour de l’hôtel Hendrina Khan, réquisitionné pour loger le personnel onusien, avant de soudainement découvrir leurs armes et d’ouvrir le feu sur les agents contrôleurs du check-point ; les assaillants se sont ensuite précipités en direction des blocs préfabriqués qui abritent les bureaux de l’administration en arrosant les installations de balles qui ont traversé les parois de tôle, criblant le mobilier par-dessus les têtes des agents de l’ONU couchés au sol.

Un second commando suivait le premier ; il s’est immédiatement dirigé vers l’hôtel, où une grande partie du personnel était réunie dans le réfectoire, au cœur de la base. Un des djihadistes a détruit le centre des communications par un tir de roquette, isolant dès lors la base du « super-camp » où sont stationnées les troupes de la MINUSMA et des forces françaises de l’opération Barkhane, situés en dehors de Tombouctou, à côté de l’aéroport.

L’armée française avait toutefois été informée des événements dès le début de l’attaque et avant la coupure des communications. Selon des militaires français interrogés, « les véhicules et les hommes ont été très rapidement mis en ordre de marche, mais il fallait le feu vert de l’état-major qui a mis plus d’une heure pour parvenir à l’unité » ; c’est donc une heure et quarante cinq minutes après le début de l’attaque que les blindés français sont arrivés sur les lieux.

Tandis que le premier commando occupait les casques bleus, un des hommes du second commando s’est rué en direction du réfectoire et a jeté une grenade dans la pièce, avant d’être abattu par un des membres de la sécurité onusienne ; l’engin n’a pas explosé : lorsque le djhadiste a dégoupillé la grenade, l’anneau s’est détaché de la goupille qui, par chance, est restée en place…

Il apparaît ainsi que les djihadistes connaissaient parfaitement la configuration des lieux ; et certains enquêteurs en concluent qu’ils disposaient d’informateurs au sein du personnel auxiliaire engagé localement.

L’échange de tirs entre les assaillants et les casques bleus burkinabés qui gardaient la base a duré près de deux  heures. Sept djihadistes ont été tués et des militaires maliens en ont capturé un, lequel avait tenté de fuir après avoir jeté son arme ; toutefois, selon certaines rumeurs persistantes (et non démenties), l’individu aurait été exécuté et ne pourrait donc plus être questionné.

Des corps gisent sur le sol, des filets de sangs coulent dans le sable… Le bilan est de six morts, dont un gendarme malien, et plusieurs casques bleus grièvement blessés.

Le groupe armé qui a organisé l’attaque a peut-être commis une erreur, en mitraillant les cinq agents contrôleurs du premier check-point : « Ils étaient tous des enfants du pays ; et beaucoup de familles de Tombouctou sont très choquées », s’indigne un habitant interrogé. « Et en plus, ils n’étaient même pas armés. »

Comme l’explique un représentant de l’administration locale, « la population de Tombouctou est partiellement ‘maillée’ avec certains groupes djihadistes ; les collusions locales existent : liens familiaux, trafics divers, etc. Mais le deal, c’est que les habitants ne doivent pas pâtir des combats. »

Ce massacre ne laissera pas la population indifférente… Et probablement l’attaque ne sera-t-elle dès lors pas revendiquée.

Selon plusieurs sources au sein de la MINUSMA et de la population de Tombouctou, l’attaque a été commanditée par le mouvement peul d’Amadou Koufa, le Front de Libération du Macina (FLM), depuis peu rebaptisé Ansar ed-Dine Macina et allié d’AQMI (al-Qaeda au Maghreb islamique). Le FLM aurait donc dépassé ses revendications originelles, essentiellement liées à l’amélioration de la condition des Peuls au Mali, pour dorénavant partager les objectifs djihadistes d’AQMI.

Ainsi, le Mali, depuis 2012, s’enfonce un peu plus chaque mois dans le chaos et se révèle de moins en moins gérable par l’État dont le territoire se réduit comme peau de chagrin.

Monsieur Macron pouvait bien fanfaronner lors de sa dernière visite à Bamako, il y a quelques semaines…

L’opération Barkhane est un échec de grande ampleur.

Et le Sahel explose.

 

– de notre envoyé spécial à Tombouctou

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Pierre Piccinin da Prata

Historian and Political Scientist - MOC's Founder - Editorial Team Advisor / Fondateur du CMO - Conseiller du Comité de Rédaction

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