Le multipartisme, pour lequel s’étaient soulevés les peuples du nord du Mali en 1991 déjà, s’est transformé en un théâtre de boulevard. Il a accouché d’un État affairiste, dirigé par une élite corrompue et divisé en factions pour le contrôle des ressources au détriment des populations les plus défavorisées du pays. Et la dernière rébellion, en 2012, n’y a rien changé.
Le « patrimonialisme », le favoritisme, la médiocrité et l’ignorance au carré caractérisent à merveille la gouvernance de l’État dans le Mali démocratique.
In fine, une crise de confiance s’est instaurée entre cette élite et les populations désabusées par la classe politique.
Une culture de la violence a pris place à tous les niveaux. La corruption politique a eu pour corolaire la délégitimation des institutions et l’effritement de l’État, qui se sont traduits par des rébellions et des putschs successifs.
Le Mali profond a beaucoup souffert de cinquante ans de marginalisation de ses populations rurales, de ses aires socioculturelles, de la répression des élites qui se sont accaparées les commandes à travers un État policier. La gestion affairiste de l’État par des « kleptocrates » a fragilisé le tissu social et ruiné les efforts de construction d’une conscience nationale.
Le Mali a trop souffert du parti unique et, ensuite, d’une démocratie multipartiste folklorique basée sur le clientélisme et l’achat des consciences par la prime à la médiocrité.
Dans ce contexte, le nord du Mali, longtemps considéré comme le Mali utile, n’a connu que le détournement des fonds destinés à son développement, la répression de ses populations et leur marginalisation systématique, et ce avec la complicité de certains de ses cadres, qui ont choisi de s’enfermer dans un nationalisme de bon aloi… En fait, ils voulaient préserver leurs intérêts personnels, familiaux, liés aux différents régimes.
Cinquante ans après l’indépendance, le nord ne dispose pas d’infrastructures routières, ni sanitaires ou socio-éducatives dignes de ce nom. En cinquante ans, le Mali n’a offert aucune perspective de développement ou de progrès aux populations du nord, surtout aux jeunes, qui n’ont reçu en partage que l’invasion, la guerre, l’occupation, l’insécurité et l’exil économique forcé, dans le sud ou dans les pays limitrophes.
Bref, tout porte à croire que le nord n’a pas d’avenir dans le Mali tel qu’il est gouverné aujourd’hui.
La nécessité s’impose donc de réformer l’État et de redistribuer le pouvoir politique, pour permettre aux populations de prendre localement le contrôle des leviers de leur développement et de protéger leurs cultures et leurs identités.
Les Kel Tamasheq, comme les Songhoi, les Arabes et les Peuls partagent ce sentiment d’injustice et d’abandon des régions du nord, avec la complicité de certains ressortissants de ces mêmes régions.
Le nord du Mali a besoin d’une autonomie véritable pour adopter ses propres institutions et réaliser des projets structurants pour l’avenir de ses populations et surtout de sa jeunesse.
Dans cette mouvance, la refondation ne saurait se résumer à une décentralisation administrative mal maîtrisée, qui n’a engendré que la multiplication des réseaux clientélistes et affairistes à travers le pays. Une décentralisation qui ne s’est pas accompagnée d’un transfert de compétences et de ressources au profit des collectivités ainsi créées.
Les Touaregs et les Arabes, bien qu’ils constituent des minorités, ont des droits, comme tous les citoyens du Mali ; et ceux-ci doivent être reconnus, respectés et garantis par une Constitution fédérale. Ceux qui prônent leur extermination du fait qu’ils constituent une minorité « dérangeante » ignorent le sens de l’histoire.
Au lieu de plonger le pays dans une aventure guerrière, nous devons plutôt chercher à retrouver le sens du vivre-ensemble séculaire.
Pour ce faire, nous devons avoir le courage politique de renouveler le pacte fondateur de la République malienne, dans le cadre d’une république fédérale et démocratique.