TERRORISME ISLAMISTE – Sauvons nos démocraties !

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Le 24 mai 2014, le Musée juif de Belgique fut la cible d’un attentat terroriste. Il y eut quatre victimes innocentes. Deux touristes israéliens qui célébraient le dix-huitième anniversaire de leur mariage. Une bénévole française et un jeune homme de 24 ans qui travaillaient au musée depuis quelques mois. Avec un professionnalisme incroyable et un calme remarquable, le tueur a fauché ses victimes. Il a ensuite rangé son matériel et est repartit calmement, comme si de rien n’était…

Un attentat terroriste et antisémite. Pourquoi ? Comment est-on arrivé là ?

Le Musée juif de Bruxelles est certainement une cible intéressante. En s’attaquant à ce lieu, le tueur a cherché à atteindre plusieurs buts.

Il a cherché en premier lieu à toucher le cœur du judaïsme. Le Musée juif de Belgique est la vitrine du judaïsme belge. C’est le lieu de la protection de la mémoire. C’est le lieu où l’on trouve les plus belles pièces du culte israélite. C’est là où l’histoire juive de la Belgique est conservée et enrichie au quotidien. Le musée est par ailleurs un lieu de rencontre, un lieu de découverte de l’autre, un lieu où les ponts se jettent entre différentes catégories de personnes. Le président du musée m’a expliqué qu’il a toujours refusé de mettre un service de sécurité aux portes du musée, car il voulait que ce lieu reste un espace ouvert. Il refusait que l’on procède à l’entrée à la fouille des visiteurs et s’opposait à ce que ces derniers s’identifient en exhibant une carte d’identité. Et c’est aussi ce rapprochement que le tueur a voulu détruire. Cette ouverture vers l’autre.

On a dit et répété que le tueur a été combattre en Syrie et que, à son retour, il a commis son forfait. En effet, environ 2.000 ressortissants européens ont participé à la guerre civile en Syrie aux côtés de djihadistes ; et le retour dans leur pays d’origine n’est plus « une menace abstraite » mais un « danger mortel » pour l’Europe, estime le ministre allemand de l’Intérieur, Thomas de Maiziere.

Ce n’est pas la première fois que des jeunes vont combattre sur le front. On a toujours vu partir des jeunes gens, plus ou moins décidés, plus ou moins structurés et plus ou moins convertis. Ils se sont lancés dans la bataille pour s’affirmer, se trouver une identité, exprimer leur solidarité, défendre des valeurs dont ils pensent que ce sont des valeurs. I1 n’y a absolument rien de nouveau à cela. Par contre, ce qui est nouveau, c’est l’accélération du processus par 1’usage d’Internet.

Internet a donné un coup de fouet à la radicalisation. Il fournit les moyens, éventuellement les méthodes, donne des éléments d’information, permet de trouver des passages. Avant, tout ceci nécessitait des organisations plus lourdes, structurées et complexes. Aujourd’hui, tout s’est accéléré.

Qu’est ce qui a changé ?

Ce qui a changé, c’est que, jadis, la victime donnait elle-même un nombre d’informations. On recevait souvent un courriel indiquant que l’on pourrait recevoir un don personnalisé de un million de dollars d’une vieille dame au Nigeria, qui a choisi de nous léguer sa fortune. En répondant à ce genre de mails falsifiés, on communiquait une série d’informations indispensables aux malfaiteurs. Or, depuis quelques temps, on assiste à des opérations de pillage généralisé. Nous rentrons progressivement dans l’ère de l’industrialisation du cyber crime. Le cyber n’a pas bouleversé les choses mais il tend à devenir plus efficace et à gagner des secteurs de plus en plus nombreux et de plus en plus variés.

Ce qui a changé c’est que grâce aux réseaux sociaux les messages de haine et de violence sont maintenant diffusés de façon exponentielle. Une fois un message posté sur Facebook ou Twitter, nous n’avons plus de moyens de l’arrêter.

« Des jeunes gens partagent heure par heure sur internet l’expérience qu’ils sont en train de vivre. Ils postent des photos horribles d’exécutions, de corps décapités. Il est stupéfiant de voir le nombre de liens. » Il n’y a pas de doute que bon nombre de jeunes resteront très longtemps « fascinés » par les groupes terroristes côtoyés en Syrie et imprégnés par la propagande djihadiste diffusée à satiété sur Internet.

Ce qui est changé, c’est qu’aujourd’hui nous assistons à la libération de la parole. Après la seconde guerre mondiale, être antisémite était une chose honteuse. Aujourd’hui, on assiste à un déferlement de haine et de violence sur tous les réseaux sociaux et ailleurs. Et la libération de la parole facilite le passage à l’acte. Car, l’antisémitisme malheureusement ressemble à une maladie incurable qui resurgit après une période plus ou moins longue d’incubation. Le virus peut rester inactif de longues années ; mais, lorsqu’il se réveille, il semble à chaque fois plus violent, plus résistant aux antidotes, aux réactions. Une maladie, contagieuse de surcroît, dont il semble que la société occidentale ne puisse guérir et qui peut prendre des formes diverses. C’est pourquoi, dès que le malaise paraît, il faut le soigner ! Car lorsque l’antisémitisme prend un nouveau visage, il est difficile de le distinguer.

Comment sauver nos démocraties ?

D’abord, ne pas avoir peur. Ne jamais baisser les bras, ni désespérer. Continuer à mener une vie juive normale. Les écoles juives doivent fonctionner normalement. Les institutions communautaires aussi. Rester vigilants et unis.

Sensibiliser les démocrates aux dangers potentiels que recèle la haine de l’autre. L’histoire récente nous a malheureusement enseigné où mène le racisme et l’antisémitisme.

Les terroristes, les antisémites qui s’attaquent à nos institutions ne visent pas seulement les communautés juives. Ils cherchent à déstabiliser nos démocraties. Ils s’attaquent à nos valeurs démocratiques qu’ils tentent d’affaiblir, voire d’annihiler.

La Belgique est dotée d’un arsenal législatif faisant de l’antisémitisme un délit. Il en est de même en France. Et c’est une excellente chose. C’est ce qui a permis au juge belge d’interdire il y a quelques semaines une réunion de leaders racistes et antisémites qui devait avoir lieu à Bruxelles [ndlr : à l’initiative du député belge Laurent Louis, un meeting devait réunir à Bruxelles des personnalités controversées comme Dieudonné ou Alain Soral ; le bourgmestre Vincent De Wolf a fait interdire la manifestation]. C’est aussi cette même loi qui a permis au juge français d’interdire à Dieudonné de déverser son venin dans une des salles de spectacle en France. Cette loi qui fait du racisme et de l’antisémitisme un délit doit être généralisée en Europe. Ce n’est qu’ainsi que l’on pourrait limiter les effets destructeurs des discours haineux qui prônent la violence. Il faut aussi appliquer efficacement ces lois chaque fois qu’une dérive est commise et exiger la tolérance zéro.

Mais toutes ces mesures ne serviront à rien, si nous ne faisons rien pour rapprocher les cœurs.

Une grande partie du problème vient du fait que de l’autre, on ne connaît que des préjugés. Il faut jeter des ponts entre les communautés qui composent le tissu social. Il faut non seulement « vivre ensemble », mais surtout « construire ensemble ». Ce n’est qu’en relevant les défis en commun que nous apprenons à apprécier l’            autre à sa juste valeur. Et ce travail de rapprochement des cœurs doit se faire depuis la plus tendre enfance.

L’école doit être ce creuset qui doit forger cette génération d’hommes et de femmes qui devront ensemble lutter pour faire rayonner les valeurs démocratiques, mais surtout assurer bien-être et confort à tout un chacun.

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Albert Guigui

Grand-Rabbin de Belgique

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