MONDE ARABE – Le hijab en France : une histoire de foulard à l’heure de la victoire du Front National

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L’épidémie de port du foulard qui s’est emparée de la Tunisie, comme de l’Algérie et du Maroc, a désormais atteint les émigrées de France.

Mais qu’est ce qui pousse les Tunisiennes de France à porter le foulard ?

Seules les nahdhaouistes ont été voter

Je vais jeter un pavé dans la marre, n’en déplaise aux Tunisiens de Tunisie ; mais, si les émigrées ont décidé de porter le foulard, c’est en partie à cause d’eux !

Je ne parle pas du nikab, qui procède d’un mouvement à part et qui est plus politique que sociétal, partie d’un processus d’endoctrinement. Je parle uniquement du « foulard » (ou hijab).

Depuis le printemps dit « arabe », en France -et ailleurs en Europe-, le port du foulard, chez les émigrées de deuxième et de troisième générations (donc des filles et des femmes nées en France), a pris les mêmes proportions qu’en Tunisie postrévolutionnaire. Aussi, taxe-t-on souvent les émigrés d’avoir voté en 2011, en masse, pour Ennahdha.

Précisons qu’à cette période seuls ceux qui ont voté pour Ennahdda s’étaient déplacés en masse.

Car, tout comme les jeunes en Tunisie n’ont pas pris la peine d’aller voter, les jeunes émigrés, déconnectés de la politique tunisienne, ne se sont pas déplacés pour aller aux urnes, ayant l’habitude des élections truquées de Zine Ben Ali. Et comment le leur reprocher ?

Les résultats des législatives de 2014 ont été différents : le parti islamiste avait déçu ceux qui avaient voté pour Ennahdha par défaut.

Le snobisme des Tunisiens de Tunisie envers les Tunisiens de l’immigration

En France, les émigrés, même de nationalité française et bien qu’ils soient nés en Europe, ne sont consciemment ou inconsciemment pas considérés comme « réellement français » par une partie de la population ; ils sont parfois qualifiés de « beurs ». En Tunisie, ils sont considérés comme des « sous-citoyens » que les Tunisiens appellent péjorativement les « Chez nous là-bas ».

Assis entre deux chaises, les Tunisiens de l’étranger se retrouvent dans une position bien inconfortable, ce que confirmeront tous ceux qui se sont essayés à cet exercice acrobatique.

Suite à la politique quasiment raciste mise en œuvre par l’ex-président français, le destructeur de la Libye, Nicolas Sarkozy, et confrontés aux appels xénophobes de Marine et de ses Lepénistes de plus en plus nombreux, ces émigrés ne savent plus à quel saint de la république il leur faut se vouer.

Ils sont tuniso-français… et musulmans

Pour être assimilés comme français par ceux qui prêchent la xénophobie dans le pays des Droits de l’Homme, même si ceux-là même sont issus eux aussi de l’immigration, il faut être en adéquation avec le « mode européen » : avoir un faciès européen, une culture européenne, une façon de vivre à l’européenne, et surtout être chrétien ou, mieux encore, athée, mais surtout pas musulmans ; les xénophobes ne connaissent les immigrés que comme des musulmans et ne connaissent de l’islam que ce que prônent les islamistes, ce qui ne représente qu’une infime part de la civilisation et de la culture arabe.

Malgré tout, la gauche française -qui n’est plus tout à fait à gauche…-, reconnait (essaie de reconnaitre) le droit à la différence, que ce soit dans les orientations sexuelles, la religion, ou simplement les origines des citoyens ; contrairement à la droite actuelle, à l’extrême-droite et à tous les ultranationalistes, qui avancent de pseudo-références historiques pour fonder leur vision du pays.

Pour se fondre dans la masse et être assimilés comme français, certains Tunisiens changent dès lors leurs nom et prénom. En s’appelant Michel Dupond, ils pensent qu’ils auront plus de chances de réussite qu’un Ali Mohamed ; rayant ainsi le passé de leur famille, et allant parfois jusqu’à adhérer au Front national… le comble pour un Arabe.

Mais, n’en déplaise à Ali « Michel Dupond » Mohamed, il sera quand même traité de « sale Arabe » à la première occasion ; car, s’l peut changer son nom et sa religion, il ne peut changer de tête, et il peut difficilement cacher quand il parle l’accent qui trahit ses origines.

C’est cette dissimulation que mis en œuvre le Sarkozy, issu d’une famille d’immigrés hongrois et d’une mère juive séfarade ; des racines qu’il s’est empressé d’oublier pour se complaire à fustiger les immigrés. Un psychiatre déterminerait cela comme un complexe lattant poussant le patient à renier ce qu’il est. Mais l’histoire, une fois encore, regorge de ce type d’exemples.

Si l’immigré maghrébin est continuellement perçu comme quelqu’un venu profiter des bienfaits de la France, bien qu’il soit né dans ce pays et ne connaît que lui -et bien que, très souvent, ce soit la France qui ait demandé à ses ancêtres de venir refaire ses routes ou creuser ses mines-, il n’est pas mieux accueilli en Tunisie.

Pour ne pas être un « Chez nous là-bas », il faut habiter Neuilly

Le côté snobinard qu’affichent certains Tunisiens à l’égard de leurs frères résidants à l’étranger est tout aussi désastreux sur le moral de ces francs-beurs que le racisme de Madame Lepen et la xénophobie de Monsieur Sarkozy, un couple politiquement marié ; car, au Maghreb aussi, nous aussi nous avons nos « fachos ».

Pour être bien perçus par ses concitoyens, l’émigré doit résider dans les arrondissements huppés de Paris, avoir une profession libérale ou être cadre avec un titre pompeux dans une entreprise de renommée mondiale, avoir une résidence secondaire en Tunisie, dans la banlieue nord de Tunis ou dans une station balnéaire à la mode, et surtout ne pas avoir d’accent, ni en arabe, ni en français ; il doit maitriser parfaitement les deux langues.

Ce Tunisien doit s’être installé en France à la suite d’études supérieures et, tant qu’à faire, être sorti major des grandes écoles, ce qui expliquerait, aux yeux de tous, qu’il a décidé de rester en France.

En Tunisie, on adore dire « ENA », « Centrale », « Prépa »…

La « fac », c’est trop fréquenté par les émigrés qui se lancent, à leur tour, dans les études supérieures, au grand dam des fachos qui préfèrent considérer tous les émigrés maghrébins que comme une « race » de voleurs, de dealers ou, au plus prosaïquement, comme « des profiteurs de la France », alors que ces derniers, par leur travail, contribuent à payer les retraites des Français « de souche » vieillissants.

Ça, c’est du coté des snobinards.

Du coté plus populaire, le rejet est dû à la jalousie, de celui qui vit en France et bénéficie des avantages sociaux, et qui peut s’acheter une automobile et voyager, alors que, dans le bled, on bosse dur pour pas grand-chose.

Dans ces milieux sociaux peu favorisés, l’image de l’émigré, c’est celle du type qui achète une belle voiture à crédit, pour venir frimer l’été au pays. C’est la mentalité de nos « beaufs » à nous.

Le beur, Français et Tunisien, mais de deuxième catégorie

Les beurs travaillent et, depuis le renversement de Ben Ali, ils se saignent souvent pour aider les leurs, restés au pays, un pays déserté par les touristes.

Pour les Tunisiens restés au pays comme pour les Sarko-Marine, rejoints par une Morano qui pensent qu’il y a plusieurs races dans l’Humanité, l’immigré n’est en France que pour profiter alors que, comme le Français « de souche », il fait partie de toutes les couches sociales.

Si l’on entend davantage parler des jeunes immigrés délinquants, c’est parce qu’une partie de cette population vit encore dans des citées ghetto, propices à la délinquance.

Ces immigrés n’ont jamais réussis à trouver une place d’un coté comme de l’autre, de la Méditerranée.

Les « Chez nous là-bas » au secours de la Tunisie

Après le 14 janvier [ndlr : 2011, révolution en Tunisie et renversement de Ben Ali], les émigrés sont revenus en masse pour aider leurs proches face à l’effondrement de l’économie, dû, à cette époque, non pas à l’insécurité, mais à la mauvaise publicité produite par plusieurs médias occidentaux et notamment français, les investisseurs étrangers préférant dès lors favoriser le Maroc, tandis que l’on décrivait la Tunisie comme un nouvel Afghanistan.

Consciente du nouveau pouvoir reconnu dans son pays et voulant être considérée comme Tunisienne à part entière, la fille « émigrée » se voile alors pour suivre la tendance qui se développe dans le pays et se fondre dans la masse. Ainsi, elle n’était plus la « beurette » venue de France, mais une Tunisienne parmi les autres.

Le voile ne cache pas que les cheveux, il voile aussi certaines inégalités sociales et il prend, dans ce contexte, le rôle d’uniforme qui ne différencie pas les émigrées des autochtones.

En France, elle trouve le foulard plus logique pour elle

En France, la société ne la percevant pas autrement que comme une immigrée et une musulmane, elle se dit, dans ce cas : « Autant affirmer totalement mes origines et vivre en adéquation avec mes racines, dans un pays qui se prétend tolérant ; au lieu de faire comme Michel Ali Dupond Mohamed, qui vit dans le mensonge et le déni de lui-même… »

Il y a bien sûr une minorité complètement endoctrinée pour laquelle c’est un devoir de se voiler ; et il y a celles qui habitent dans les cités ghettos, qui trouvent dans le voile une armure contre le harcèlement et un habit pour se faire respecter.

Mais, avec la guerre en Syrie, avec l’État islamique et les attentats, l’islamophobie est montée de plusieurs crans, en France. Les Maghrébines de France ne veulent pas se cantonner dans une position de victimes et préfèrent affirmer tout haut : « Nous sommes musulmanes et non islamistes. »

Un concept encore flou pour beaucoup de Français qui confondraient volontiers Allemands et nazis.

En bref, les Tunisiennes de France se voilent pour être acceptées par les Tunisiens de Tunisie et, en France, pour s’affirmer sans complexes et ne pas sombrer dans la schizophrénie d’un dédoublement de personnalité.

Le foulard, en France et ailleurs, n’a souvent pas beaucoup à voir avec une revendication religieuse…

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Mounira BOUZID

Écrivain (Bizerte - TUNISIE)

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