Books – La vague démocratique arabe par Alvaro de Vasconcelos

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La vague démocratique arabeAncien opposant au régime de Salazar, exilé à paris de 1969 à 1974, Alvaro de Vasconcelos a été Directeur de l’Institut d’Etudes de Sécurité de l’UE de 2007 à 2012 ; il s’est beaucoup intéressé aux relations euro-méditerranéennes.

L’auteur définit l’objet de son livre comme un essai pour comprendre la persistance de la volonté démocratique dans le monde arabe, l’évaluation de ses chances de succès, et le désir de savoir ce  que les démocrates du sud de la méditerranée attendent de l’Europe.

Le « printemps arabe », dénomination qu’il conteste, y est envisagé dans le cadre d’une poussée démocratique dont l’origine remonte à 1974.

Une interprétation probablement très optimiste et démentie partout par l’évolution des événements ; mais un livre qui, incontestablement, a le mérite de fournir quelques clefs d’interprétation fort utiles et trop souvent absentes des médias et analyses.

La poussée démocratique dans le monde arabe constituerait, d’après l’auteur, le dernier acte d’une troisième vague démocratique qui commença dans les années 1970, avec la révolution des Œillets au Portugal, la fin du régime de Franco en Espagne, la chute de la dictature des colonels en Grèce…

Les événements du Sud de l’Europe constituant la première phase de cette vague démocratique et les révolutions arabes actuelles sa quatrième phase, culminante.

En fait, le concept de « vague » est repris au politologue controversé Samuel Huntington, pour qui la naissance de la première vague semble se confondre avec les révolutions romantiques du 19ème siècle en Europe ; la deuxième vague, quand à elle, est issue de la fin de la deuxième guerre mondiale.

Il s’agit donc ici d’une présentation des révolutions arabes dans le cadre de vastes mouvements de démocratisation qui ont gagné le monde : Europe, Amérique Latine, Asie… Ce qui implique qu’il n’y a pas d’exception liée au monde musulman mais bien une manière de continuité historique.

Il est à noter que, si l’auteur emprunte des concepts à Huntington, il ne se rallie pas à sa thèse du « Choc des civilisations ».

Au contraire, pour Alvaro de Vasconcelos, l’émergence de la démocratie au sud de la méditerranée devrait pousser l’Union européenne à repenser sa position diplomatique par rapport à de nouveaux États plus libres, plus autonomes et moins pro-européens qu’ils ne l’étaient sous les dictatures.

Il s’agit d’accepter de vivre avec des voisins moins attirés par l’Europe et de renoncer à son influence sur leurs choix politiques, comme de cesser de soutenir de manière inconditionnelle les partis laïques et même de devenir un pont entre l’islamisme démocratique et les courants laïques libéraux.

Pour l’observateur des événements qui ont débuté en 2011, à l’enthousiasme a succédé la crainte qu’une voie démocratique originale mène à l’islamisme… Cette appréhension provient pour l’auteur d’une méconnaissance de la situation réelle.

Celui-ci soutient en effet que la volonté démocratique et le respect des Droit de l’Homme restent l’exigence politique première de la population dans le monde arabe. Le malentendu proviendrait du fait que, contrairement à ce qui semble évident pour l’observateur occidental, démocratisation ne signifie pas forcément européanisation.

Selon lui, la transition démocratique est longue et difficile, parce que de nombreux freins, de fortes résistances s’exercent encore, comme celles liées au nationalisme arabe qui a longtemps justifié les dictatures…

Une vision originale, que les derniers dénouements syriens, égyptiens, yéménites ou encore libyens contredisent de manière évidente ; mais un choix d’approches qui méritent le détour…

Recension par Thibaut WERPIN

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About Author

Lorenzo Lanciers

Political Scientist Co-fondateur du CMO et Directeur de la Publication de 2014 à 2017 (†)

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