BOOKS – Touaregs, l’exil pour patrie par Intagrist el ANSARI

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Intagrist el Ansari, journaliste, écrivain, reporter international, essayiste, poète, présente une description, des analyses et un éclairage justes et opportuns des évènements et de la situation de guerre qui embrase le Sahel depuis 2012.

Il « réactive » la voix confisquée aux civils. Il l’alerte pour tant de morts, d’atteintes aux droits de l’Homme et d’exactions systématiques.

De la débandade à l’éclatement, l’exil se répète pour la énième fois. Se succèdent alors libération, espoir, reconquêtes, exactions, enlisements, désespoir, tractations, incertitudes, résignation, désillusion et toujours des morts, une société déstructurée, cassée, spoliée, une population reléguée et mourante, des civils méprisés.

L’auteur arpente maintenant les camps de refugiés, lieux de mort à petit feu, mais aussi de la résistance, de la fraternité, de la solidarité et de la volonté de survivre.

Intagrist el Ansari porte son regard plus particulièrement sur le calendrier des événements et lève un coin du voile et de l’omerta sur toutes ces conséquences imposées, banalisées, subies par les populations civiles touarègues. Au fil de l’actualité, il affûte l’analyse et livre quelques clés de compréhension, les tenants et les aboutissants d’une crise malienne, désormais muée en crise saharo-sahélienne.

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« La voix des civils est plus importante que celle des armes ».

Il est difficilement concevable de traiter militairement un problème politique sans penser, au préalable, aux conséquences humaines et humanitaires qu’une intervention armée peut engendrer.

En 2011, l’offensive de l’OTAN a anéanti le régime du guide libyen, Kadhafi, au pouvoir depuis 1969. Mais la chute de celui-ci a plongé le pays dans un chaos meurtrier. Les clivages sanglants, entre tribus et factions, se poursuivent encore dans ce pays, totalement déchiqueté.

Bien au-delà̀ de la Libye, cette situation affecte depuis six ans toute la région sahélienne, et particulièrement le Mali.

Fin 2011, le retour des factions armées touarègues qui étaient auparavant intégrées dans l’armée libyenne ranime un nouveau conflit au Nord-Mali. Dotées d’une force de frappe inédite dans l’histoire des rebellions touarègues, ces factions, en coalition avec d’autres groupes (d’obédience jihadiste), mettent en déroute l’armée malienne, à partir de janvier 2012. Les principales régions du nord tombent alors sous le contrôle des indépendantistes et autres groupes alliés à Al-Qaïda. Et, en mars 2012, le putsch militaire, dans la capitale malienne, entérine l’effondrement des institutions du pays, qui est alors mis sous tutelle internationale.

Le 6 avril 2012, le Mouvement national de Libération de l’Azawad (MNLA), figure de proue de l’insurrection, déclare « l’État de l’Azawad, libre et indépendant ». C’est alors que le septentrion malien tombe aux mains des groupes jihadistes qui y appliquent la charia, jusqu’à l’intervention française de janvier 2013…

La nature « intrinsèquement » armée du conflit a fait « oublier » le sort des civils, principales victimes d’une guerre que nombre d’entre eux jugent « insensée » et incompréhensible.

ÀBamako, comme dans les villes du nord, les civils touaregs, bien que loin du terrain militaire, et généralement distants des groupes armés, sont stigmatisés dès janvier 2012. C’est alors la confusion et l’amalgame généralisés. Soupçonnés « d’intelligence » ou « de sympathie » avec les groupes armés, la majorité des populations touarègues des villes du nord s’exile pour la seconde fois en vingt ans, pour fuir les exactions de l’armée malienne et les tensions intercommunautaires.

Les groupes armés utilisent alors cette stigmatisation des Touaregs pour d’une certaine façon manipuler l’opinion, instrumentaliser la souffrance de ces populations pour embrigader et faire des recrues, en majorité chez les jeunes. C’est alors qu’une situation très confuse et complexe s’installe.

La publication par l’auteur d’articles, parus entre 2012 et 2017, répond à l’urgente nécessité de participer, autant qu’il le peut, à faire entendre « ces voix oubliées » : alerter sur les dangers humanitaires, sur les exactions et permettre, par la voix des civils, de nuancer les discours manichéens, officiels, des belligérants. Il fallait également tenter de démêler la profondeur de la complexité des enjeux politique, historique, sociaux et tribaux dans lesquels les Touaregs sont impliqués, parfois malgré eux.

C’est donc la problématique des réfugiés touaregs qui sert de fil conducteur aux textes qui constituent le livre.

Bien que majoritaires, ces exilés n’ont pas toujours eu l’occasion de s’exprimer et d’être entendus, car le bruit des armes occupait tous les espaces.

Cependant, la voix des hommes est bien plus forte, plus profonde, plus touchante que tout. Il fallait donc l’écouter, la recueillir pour la faire entendre.

 

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Sébastien de Beauffort

Technical Manager - Directeur technique

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