DEBATE / LIBAN – Hariri, de prisonnier de Ryad à allié de Téhéran

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Le Sire de la Révolution du Cèdre est-il en passe de devenir un triste sire ?

Depuis la saga de la « démission forcée » de Saad Hariri à Riyad, le 4 novembre 2017, à l’épilogue encore plus mystérieux que le prologue, le héros de ce feuilleton fait désormais figure d’anti-héros dans la mesure où il a renié les motifs de ladite démission et les conditions de sa volte-face dès son retour, destinée à lui sauver la face.

C’est en effet a posteriori, avec un peu de temps et de recul, que l’on se rend compte qu’il y avait effectivement anguille sous roche à Riyad…

Et que la vérité – toute la vérité, rien que la vérité – n’a pas été révélée au public.

Il est même fort à craindre que ce sont des contre-vérités que le Sire a servies aux Libanais durant sa fameuse entrevue à l’antenne de sa propre chaîne depuis Riyad, dans l’émission intitulée inter-views, que l’animatrice a « désertée » récemment.

Au cours de l’entretien, l’interviewé avait balayé du revers de la main les « rumeurs » qui couraient à propos de sa « détention » et la coïncidence de son affaire avec la purge anti-corruption dont l’Arabie saoudite avait été le théâtre. Il avait tout nié en bloc et vanté ses excellentes relations avec le roi Salmane d’Arabie Saoudite et le prince héritier Mohammad ben Salmane.

Pourtant, force est de constater aujourd’hui une sorte de « froid », entre le royaume wahhabite et Hariri, et un regain de « chaleur », en revanche, avec ceux qu’il avait accusés de « mainmise » sur le Liban (comprendre le Hezbollah…).

C’est comme s’il avait été effectivement détenu, et que c’était le président français Macron, par ses bons et loyaux services de médiation, qui l’avait sorti des griffes de son « ravisseur », sans que l’on sache selon quelle entente ou en contrepartie de quelle « rançon ». C’est comme si la banqueroute de sa compagnie, Saudi Oger, y était pour quelque chose, dans cette saga ; autant que sa politique de complaisance envers le parti dit de Dieu [ndlr : le Hezbollah]. C’est comme si, à cause de ses déboires financiers et de sa mièvrerie politique, il avait été lâché par ses « protecteurs » ; ce qui l’a poussé à chercher refuge et sécurité auprès de l’organisation qu’il avait accusée de tous les maux et dont quatre membres sont jugés in absentia par le Tribunal spécial de l’ONU pour le Liban (TSL) pour avoir assassiné son père et ses compagnons.

Saad Hariri donne désormais la fâcheuse impression d’avoir, non seulement, renié les principes de la Révolution du Cèdre et ses alliés naturels, mais aussi la mémoire de son propre paternel, et celle de tous les martyrs de ladite Révolution, sans compter la perte du désir de les venger.

Enfin… Ce n’est qu’une impression, j’espère ! D’ailleurs, il ne parle plus du TSL, et la part budgétaire du Liban a été versée, cette fois-ci, en catimini, sans grand bruit ; comme pour faire oublier aux contribuables libanais cet embarrassant (et compromettant) tribunal.

On remarque, de surcroît, que la « politique de distanciation » adoptée en conseil des ministres, sur la base de laquelle Hariri est revenu sur sa démission (et qui oblige le Hezbollah à cesser ses ingérences miliciennes et sécuritaires dans les pays du Golfe) est creuse, sans contenu, sans programme de désengagement et de retrait effectifs de ladite milice de Syrie, du Yémen et d’ailleurs, laquelle continue de guerroyer et de s’ingérer à l’extérieur jusqu’à ce jour, sans que le principal concerné ne trouve à redire.

De plus, et depuis la promulgation officielle des principes de distanciation par rapport aux conflits régionaux, on a noté des tournées de chefs de guerre étrangers, pro-iraniens et syriens, à la frontière sud du Liban avec Israël, qui avaient tout l’air de faire le pied de nez, telle la visite, le 11 décembre 2017, de Kaïss el-Khazaali, chef de la milice irakienne Assaïb Ahl al-Haq (la Ligue des Vertueux), parrainée par l’Iran ; suivie de celle, environ deux semaines plus tard, de Hajj Hamza, alias Abou Abbas, commandant de la brigade chiite de l’imam al-Baqer.

Outre l’entorse à la politique de distanciation, ces visites constituent -il convient de le rappeler- une violation de la résolution 1701 du Conseil de Sécurité de l’ONU, qui stipule, entre autres choses, le maintien de cette zone sous le contrôle exclusif de l’armée libanaise et de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul).

Le fait, pour le principal intéressé, d’avoir fermé l’œil sur ces provocations, en se contentant de timides condamnations de pure forme, crève les yeux (ceux des Libanais), plus que les siens, bien entendu, puisqu’ils ont tout l’air de regarder ailleurs… Vers l’autre camp, par calculs électoraux, par intérêt économique, politique, par intimidation, par vexation… Qui sait ?

Sur ces entrefaites, on en arrive à se demander si le forcing saoudien qui a justement forcé Hariri à la démission à cause de sa complaisance envers cette organisation taxée de terroriste par les Arabes, les Américains et les Européens (pour sa branche armée… le Hezbollah), et ceci dans le but de changer la donne, n’a pas produit l’effet inverse – un effet boomerang, en quelque sorte… – pour se retourner contre le royaume wahhabite, lui-même, en brisant au passage ce qui restait de l’Alliance du 14 mars [ndlr : mouvement libanais anti-Hezbollah], pour la plus grande satisfaction des forces obscures de l’Axe syro-iranien.

En effet, voici notre héros (ou anti-héros) revenu de Riyad « redevable » au président Michel Aoun (chrétien) et à son allié politique Hassan Nasrallah [ndlr : leader du Hezbollah] pour leur « secours » diplomatique durant sa « détention » et plein de ressentiment envers son allié Samir Geagea, chef des Forces libanaises (chrétien), pour d’obscures raisons de « mouchardage », ce dernier étant soupçonné d’avoir été l’incitateur du mécontentement saoudien envers Hariri.

Le voici à présent qui se prépare à faire campagne, pour les législatives de mai 2018, avec le parti fondé par le président Aoun, le Courant patriotique libre (CPL), lequel est l’allié stratégique, organique et électoral du Hezbollah. Le voici donc allié, par transitivité, au Hezbollah et indirectement à Téhéran. Ce qui a fait dire à son ancien allié, ex-ministre de la Justice, et aujourd’hui rival, Achraf Rifi, que « Saad Hariri est revenu à la prison du Hezbollah ».

Pour conclure, le Liban est en droit de s’interroger sur ce « silence » saoudien depuis le retour de Hariri à Beyrouth, après tant de véhémence diplomatique et médiatique à l’encontre du Liban officiel pour sa sujétion au Hezbollah, sur les motifs qui conduisent le royaume à tolérer les violations de la politique de distanciation, le revirement et le glissement de son ex-protégé dans le giron du Hezbollah, à fermer l’œil sur le reniement de ses engagements et son entrée, lentement mais sûrement, dans l’antre de la bête.

Pourquoi ce mutisme, ce laisser-faire saoudien, après tous ces hauts cris et toutes ces gesticulations ? Serait-ce un retour de balancier ?

Sinon, quel piège, s’il y en a un, dissimule-t-il ? Quelle surprise, quelle secousse, l’imprévisible prince héritier de Ryad réserve-t-il au Pays du Cèdre ? Quel genre de chat va sortir du sac ? Un tigre, par hasard ? À son image ? Est-ce le calme qui précède la tempête ? Une tempête bien plus violente, à laquelle fera face une contre-tempête iranienne, qui prendront le pays en sandwich et déracineront son Cèdre déjà assez déplumé ? Que réserve au Liban l’avenir proche ?

La suite… bientôt.

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Ronald Barakat

Sociologue et Journaliste (Beyrouth – LIBAN)

3 Comments

  1. La seule question qui compte est de savoir qui représente au Liban le parti de l’indépendance face à Tel Aviv et le parti du soutien à la lutte de libération des Palestiniens et à l’indépendance et l’unité de la Syrie. Les combines de pétroprincipautées de pacotille créées à l’époque coloniale n’intéressent plus personnes car ils sont en train de tomber dans la poubelle de l’histoire avec leur maître. Ladite révolution du cèdre était une révolution colorée avant l’heure et plus personne ne croit dans leur ancrage populaire avec le triste spectacle qu’elles ont offert en Libye, en Syrie ou en Ukraine.

  2. Ce n’est pas un article , c’est un discours de propagande et de diffamation. On ne peut pas descendre plus bas dans la désinformation mais ce n’est guère étonnant de la part de ce prétendu chercheur. Le tribunal international pour le Liban , n’importe quel libanais saint d’esprit sait qu’elle n’a rien à avoir avec la justice et encore moins la recherche de la vérité. Cette Cour nage dans l’incompétence et la corruption et que toutes les accusations qu’elle a lancé sont infondées et que ses témoins sont de faux témoins qui ont été soudoyés. En tant que libanais nous devons que nous féliciter de la gaffe des wahhabites saoudiens, ils ont consolidé sans le vouloir la cohésion sociale et politique du Liban et c’est tant mieux. Si vous avez un autre agenda monsieur Thabet , il n’est pas celui du Liban

  3. Voilà un chercheur qui ne cherche apparemment que des dollars d ou ces courbettes pour Israël et les monarchies rétrogrades du golf.

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