DEBATE / LIBYE – Une troisième voix – voie ?

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La monarchie pourrait-elle renaître de ses cendres, en Libye ?

A première vue, l’idée est incongrue…

Et pourtant, la nouvelle voix qui se fait entendre par-dessus le chaos général n’est autre que celle d’Idriss bin Abdullah el-Senoussi, petit-fils d’un cousin du roi Idriss Ier, dont le règne avait été abrégé suite au coup d’État de Mouammar Kadhafi en 1969.

Malgré cette ascendance historique, Idriss Senoussi a opté pour la position résolument centriste du « ni-ni » : une initiative hybride donc, ni monarchiste, ni républicaine, ni fédéraliste, ni centralisatrice. Selon lui, l’unité de la Libye pourrait être rétablie sur les bases la constitution de 1951 qui régissait alors une fédération de provinces. Cette constitution n’a d’ailleurs jamais été officiellement abolie par Kadhafi, qui s’était contenté de la suspendre par une déclaration constitutionnelle, en 2011.

Il n’est bien entendu pas question ici de pur altruisme ni de se cantonner à un rôle de conseiller politique. L’homme propose de devenir chef d’État par intérim pendant une période transitionnelle, se basant sur des exemples existants, tels celui du Cambodge (1960) ou de l’Espagne (1978).

Si Idriss Senoussi n’occupe pas le premier rang dans la descendance du roi Idriss Ier (le prince héritier est en effet son cousin, Mohamed el-Senoussi, exilé à Londres), il estime pourtant qu’il détient une certaine légitimité : « Je ne veux pas être roi et je ne suis d’aucun parti. C’est pour cela que je suis disponible pour assurer ce poste qui est avant tout symbolique de l’unité du pays. », indique-t-il. Ayant vécu en exil en Italie, en Espagne et au Royaume-Uni, il compte aussi sur ses relations internationales et sur sa neutralité politique et tribale.

Cette proposition nouvelle intervient alors même que les deux hommes forts du pays, le premier ministre du gouvernement d’union nationale (basé à Tripoli et reconnu par l’ONU), Fayez el-Sarraj, et le chef militaire qui tient en sa main tout l’est du pays, Khalifa Haftar, se sont entendus pour la tenue d’élections générales en mars 2018 lors d’une rencontre qui s’est tenue à Paris le 25 juillet 2017. Selon Idriss Senoussi, cette annonce est en effet de la poudre aux yeux : « Pour qu’il y ait un scrutin, il faut une loi électorale, une logistique. Il n’y a rien de tel et nous sommes en septembre. Je ne parle même pas des conditions de sécurité. Je tiens à préciser que mon projet est très différent de la rencontre organisée par Mr. Macron. Le président français a réussi à réunir les parties belligérantes et à obtenir un cessez-le-feu. C’est très bien. Mais ça ne résout pas le problème de fond, contrairement à ce que je propose. En tant que membre de la famille Senoussi, je me sens une responsabilité historique et sociale. »

Cette initiative, bien que parfaitement légaliste, a probablement peu d’avenir. Pourtant, l’idée d’un retour à la constitution de 1951 apparaît de plus en plus évidemment comme la seule solution qui permettrait la survie de ce non-État-nation d’Afrique du Nord, en proie à la corruption, aux luttes d’influence et au retour fulgurant de la prégnance tribale qui a débouché sur la quasi-partition du pays.

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Simon-Marin GHYS

Historian and Political Scientist - Managing Editor for French

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