EDITORIAL – Version française

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L’Islam se sert-il de la violence ?

Né au VIIème siècle dans le contexte belliqueux des tribus bédouines de Péninsule arabique, l’Islam porte-t-il en lui une agressivité intrinsèque à cette civilisation originelle ?

Alors que le Christianisme s’est édifié sur l’abnégation totale des premiers martyrs baignés d’une idéologie de l’absolue non-violence, l’Islam, dès ses tous débuts, s’est imposé par la guerre.

Jamais, le Prophète n’a hésité à engager le combat pour soumettre et faire plier les tribus ou les familles dont l’influence s’opposait à son projet politique et religieux. Jamais le regret de la nécessité n’a été prononcé ; le fait était « normal » et entendu dans le cadre culturel bédouin.

Aussi, la question se pose de l’illégitimité (un peu partout « politiquement correctement » rabâchée) de l’appel au djihad lancé par l’Imam-Calife Ibrahim, le chef de l’État islamique, dont le dessein serait de restaurer l’antique empire arabe et de promouvoir l’Islam à l’échelle planétaire.

Et si, en vérité, la violence du djihad proclamé par l’EI était islamiquement recevable ?

À cette question, on a en effet beaucoup entendu la réponse d’imams bien établis dans les métropoles occidentales, heureux de l’être et désireux d’y rester, ou de dignitaires musulmans soumis aux dictatures arabes laïques, univoques, condamnant l’Islam salafiste. Comme ce fut le cas, assez surprenant, du l’Université al-Azhar, au Caire, l’une des plus prestigieuses autorités islamiques, mais dont la servilité à l’égard du nouveau régime totalitaire imposé en Égypte par le coup d’État militaire a considérablement grevé la crédibilité. Al-Azhar n’avait-elle pas confirmé la validité des condamnations à mort prononcées par un pouvoir judiciaire aux ordres, à l’encontre des Frères musulmans renversés par l’armée ?

Chouchoutés par les médias mainstream, ces voix toutes unies pour dénoncer la violence salafiste et condamner « l’Organisation État islamique » (comme ils disent) ont monopolisé l’espace d’expression publique, sans jamais être confrontées à leurs contradicteurs, dans aucun débat, épreuve (trop risquée ?) toujours soigneusement évitée par ces organes de presse très consensuels.

Il était grand temps, dès lors, de rétablir un tout petit peu l’équilibre et d’en revenir au principe fondamental du journalisme : donner au lecteur l’accès aux différents points de vue, pour qu’il puisse librement se forger une opinion.

Surtout, il était grand temps de se donner le droit d’entendre l’autre discours, celui des « fanatiques » et des « radicalisés », pour se réapproprier un autre droit encore, celui de savoir et, donc, de comprendre.

Un autre discours, pas si incohérent ou infondé que l’univocité médiatique a pu vouloir le laisser croire… Un discours bien ancré dans les enseignements coraniques et d’une logique aussi surprenante qu’implacable… et qu’inquiétante, du point de vue de l’Occident… Bref, un discours qui dérange, perturbe les certitudes et convictions distillées par la presse bienséante et dominante, et qui, une fois écouté, ne laisse plus beaucoup de doute sur les raisons pour lesquelles d’aucuns avaient préféré le passer sous silence.

Une question très conséquente, au moment où se poursuit la reconquête de la Syrie par les forces d’un Bashar al-Assad qui fait désormais figure de héros, rempart de l’Occident (chrétien ?) face aux hordes barbares islamistes encore très loin de s’avouer vaincues.

La combinaison des frappes russes et des offensives terrestres successives de l’armée syrienne continue en effet de restaurer l’autorité du régime sur le pays, sur fond de énièmes négociations improbables relancées à Genève et dont la seule raison d’être serait, semble-t-il, de donner à une opposition en déconfiture totale l’illusion qu’un changement politique est encore possible en Syrie, tandis que le retrait de son armée par Moscou, effet d’annonce qui en a leurré plus d’un, achève de couronner le président Poutine, vainqueur de la partie diplomatique internationale engagée parallèlement au conflit syrien ; sur le terrain, la progression de l’armée syrienne, flanquée par les milices chiites irakiennes et iraniennes et le Hezbollah libanais, au-delà des discours et des éditoriaux de tous poils, suit comme inexorablement son cours, à la faveur de l’appui aérien russe…

Une avancée militaire des troupes de Bashar al-Assad qui dépend aussi de l’accord secret (ou pour le moins tacite) passé entre Damas et les milices kurdes syriennes du YPG, désormais bons alliés de fait contre l’État islamique (et accessoirement contre les reliquats des autres formations rebelles).

Soutenues par le PKK qui les a créées, ces milices kurdes syriennes font enrager Ankara qui est dorénavant engagée dans une guerre ouverte avec les Kurdes de Syrie, mais aussi avec ceux de Turquie.

Une situation très embarrassante pour le président du Gouvernement autonome du Kurdistan irakien, Massoud Barzani, et son parti, le PDK, alliés du président Erdogan et contraints de l’appuyer, y compris contre le PKK et son principal supporteur, l’UPK, l’autre grand parti des Kurdes d’Irak. Une situation embarrassante, mais aussi très dangereuse, qui multiplie les tensions internes à l’union kurde et ravive les souvenirs des années 1990’, une époque où les peshmergas du PDK, juchés sur les chars de Saddam Hussein, assassinaient leurs frères de l’UPK…

Pendant ce temps, l’opinion publique internationale s’habitue à l’état de siège.

L’attaque djihadiste lancée depuis la Libye sur la ville frontière de Ben Guerdane, en Tunisie, n’a plus fait les gros titres ; pas davantage que la dernière bataille de rue en date, à Bruxelles, qui a opposé les forces de police belges et les combattants d’une nouvelle cellule de l’État islamique…

Et les dernières attaques à la bombe à l’aéroport international et dans le métro de la capitale belge n’ont étonné personne.

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Pierre Piccinin da Prata

Historian and Political Scientist - MOC's Founder - Editorial Team Advisor / Fondateur du CMO - Conseiller du Comité de Rédaction

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