EDITORIAL – Version française

0

Y a-t-il des Pokémons à chasser au Mali ?

À Bamako ? Peut-être… Mais à Tombouctou, Gao ou Kidal ?

Ou bien dans les campements des djihadistes réfugiés dans les recoins escarpés et inaccessibles de l’adrar des Ifoghas ?

« Nos véhicules blindés résistent à une mine anti-char. C’est sept ou huit kilos d’explosif… Mais quand ils te mettent deux cent cinquante kilos, ça t’ouvre le blindé comme une boîte de thon… »

Pourquoi le Mali a-t-il (presque) totalement disparu des radars des grands organes de la presse de masse occidentale ?

Pourquoi en va-t-il de même de la Libye, qui s’écroule chaque jour un peu plus dans le fracas des armes ?

Pourquoi les interventions militaires occidentales échouent-elles partout face à un Islam politique déterminé à vaincre et un Monde arabe divisé dont les factions ne lâchent pas prise ?

En 2013, j’étais monté de Bamako à Tombouctou, en jeep, à travers le désert; c’était risqué, mais jouable. Témérité qu’il serait aujourd’hui folie de répéter.

La situation au Mali ne s’est pas améliorée, bien au contraire : à la composante islamiste omniprésente (elle ne tient plus les centres urbains, mais on la rencontre inévitablement dès qu’on s’aventure dans les banlieues), s’est ajouté un banditisme à tout va, à la faveur du désordre; et aussi des mouvements ethniques et claniques divers et nombreux, qui compliquent inextricablement la donne (le pays est au bord de la guerre civile).

Je n’exagère pas en parlant de « somalisation ».

Par ailleurs, le centre du Mali est désormais très sévèrement ébranlé par la révolte des Peuls; le phénomène –la somalisation- ne se limite plus au nord, à l’Azawad, que plus aucune structure d’État ne maîtrise. Il s’étend, et l’insécurité est aussi bien réelle à Bamako, la capitale.

Insistons pour savoir : qui a récemment entendu parler du Mali au journal parlé du soir ?!

Les médias de l’Occident fier de lui-même font silence… Pokémons : une société s’épanouit dans un monde fictif et incapable d’agir dans le réel, une société déconnectée de la réalité, préférant se vautrer dans le faux et le virtuel, et se laissant volontairement manipuler. Mais c’est un tout autre débat… Quoi que…

Et pendant ce temps…

Pendant ce temps, Alep revient (enfin) sur le devant de « l’actualité mainstream ».

Mourir à Alep… Mourir à Alep, c’est comme c’était hier, mourir à Cuba… Seule une chanson peut te dire ce que c’était, mourir à Cuba. C’était comme mourir à Madrid, à Alger ou à Dien Bien Phu. Mais qui s’en souvient ? La rage…

La révolution syrienne, de guerre civile en guerre de civilisation, connaît un nouveau tournant, dont les journaleux de bureau ne percevront probablement l’ampleur qu’une fois le prochain nouvel-an révolu… Trop tard… Une fois encore… S’ils finissent toutefois par l’appréhender…

Incha’Allah.

Share.

About Author

Pierre Piccinin da Prata

Historian and Political Scientist - MOC's Founder - Editorial Team Advisor / Fondateur du CMO - Conseiller du Comité de Rédaction

Leave A Reply