ARAB WORLD MAPS – Le G5 Sahel, une force antiterroriste en construction

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Fondé en février 2014 par cinq États du Sahel et ratifié en décembre de la même année à Nouakchott (Mauritanie), le G5S est né dans le contexte d’instabilité croissante qui s’est développé dans cette région située au sud du Sahara dès après l’effondrement du régime du Colonel Mouammar Kadhafi en Libye (2011) et le début de l’insurrection touarègue et arabe qui a ébranlé le Mali (2012) et fait le lit dans ce pays de plusieurs organisations islamistes liées à Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI).

Face à la dégradation rapide de la situation sécuritaire au Sahel et à l’incapacité manifeste de l’armée française à rétablir le statu quo, déployée dans la région (en particulier au Mali) par le président François Hollande dès janvier 2013 (opération Serval, à laquelle a succédé l’actuelle opération Barkhane), mais aussi à l’inefficacité du dispositif onusien, la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali), la France (principal État occidental concerné, ancienne puissance coloniale dont les intérêts économiques et stratégiques demeurent considérables en Afrique équatoriale) a enjoint les pays africains subsahariens menacés par le développement du phénomène djihadiste en pleine expansion d’unir leurs forces.

Le Mali, la Mauritanie, le Bourkina Faso, le Niger et le Tchad se sont ainsi associés au sein de cette organisation baptisée « G5 Sahel », dont l’objectif est double : créer une force commune face au djihadisme et favoriser entre eux la coopération économique, dans la mesure où l’amélioration des conditions de vie des populations pourrait constituer un élément majeur de résistance à l’islamisme.

La théorie se heurte cependant durement aux réalités de la pratique ; plusieurs facteurs grèvent en effet les bonnes intentions énoncées à Nouakchott, à commencer par le manque de moyens opérationnels dont disposent les armées des pays concernés et la corruption endémique qui se traduit par l’évaporation d’une partie non négligeables des financements finalement octroyés aux gouvernements sahéliens face au risque majeur que représente le déplacement au Sahel de l’épicentre du djihadisme international, désormais que le potentiel de nuisance de l’État islamique a été considérablement diminué au Moyen-Orient (Syrie et Irak).

Pour répondre à cette menace, Paris a entrepris de redynamiser cette organisation jusqu’alors très peu active, en provoquant en juillet 2017 un sommet extraordinaire qui s’est tenu à Bamako sous l’égide du président Emmanuel Macron, Paris ayant réussi à convaincre Washington et le Conseil de Sécurité de l’ONU de contribuer au financement de la force antiterroriste commune créée par les pays du G5S (l’ONU n’apportera pas de fonds, mais autorise la Minusma a mettre sa logistique au service du G5S lorsque nécessaire). L’objectif du sommet était de lancer les opérations de la force militaire conjointe transfrontalière finalement constituée (FC-G5S), qui rassemble un contingent total de 3.500 hommes environ et dont le centre de commandement a été implanté à Mopti-Sévaré (centre du Mali). La mainmise du président français sur le sommet a cependant fait apparaître le G5S revitalisé comme l’équivalent d’une force auxiliaire de l’opération française Barkhane, une force d’appoint voulue par Emmanuel Macron dans le but d’appuyer les manœuvres des 4.000 militaires français stationnés au Mali et dans les pays voisins.

À l’invitation de la diplomatie française, d’autres États ont accepté de parier sur cette nouvelle organisation africaine et d’en financer le développement : l’Union européenne a débloqué 50 millions d’euros qui s’ajoutent aux 60 millions de dollars versés par les États-Unis ; un budget très en deçà des besoin estimés nécessaires dans l’immédiat. Mais ce sont curieusement l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis qui se sont portés au secours du projet, apportant, respectivement, 100 et 30 millions de dollars…

Les résultats se font nénamoins attendre, d’autant plus que le G5 Sahel semble avoir inclus en son sein un maillon faible, la Mauritanie (dont la capitale, Nouakchott est précisément –ironie du sort- le siège du G5S), qui jouerait secrètement cavalier seul en pactisant avec les organisations djihadistes actives dans la région et leur servirait même de base-arrière. De même, la position de l’Algérie (qui contrôle pourtant  une large portion du territoire saharien où se déplacent une partie des mouvements djihadistes et partage de longues frontières avec le Mali et la Libye) apparaît ambiguë, Alger ayant d’abord marqué son opposition à la création de cette force antiterroriste avant de refuser catégoriquement de participer à son financement.

Le 13 décembre 2017, le président Macron a à nouveau tenté de remotiver les troupes, en convoquant à Paris les chefs des États concernés : le Malien Ibrahim Boubakar Keïta, le Nigérien Mahamadou Issoufou, le Burkinabé Roch Marc Christian Kaboré, le Tchadien Idriss Déby et le Mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz se sont fait tirer l’oreille. Le but était aussi pour Macron, qui fait des pieds et des mains pour sauver son projet de force commune au Sahel, de solliciter l’aide financière d’autres États européens également invités au sommet. Au total, en effet, seulement 250 des 400 millions d’euros nécessaires à l’exercice de la FC-G5S ont pu être collectés. Le président tchadien, qui estime que le sous-financement de la force rend inopportuns les efforts de son pays, a exprimé son hésitation à maintenir ses militaires sur le sol malien, pourtant le plus exposé aux attaques djihadistes.

C’est que la première opération d’envergure entreprise par la FC-G5S, l’opération Hawbi, menée en novembre 2017, en collaboration avec les forces françaises, contre divers mouvements armés qui se livrent au trafic d’êtres humains, de drogue et d’armes dans la région de Gao (Mali), s’était achevée sans que les objectifs eussent été atteints. Le général malien Didier Dacko, en charge du commandement de la FC-G5S, s’est dédouané de l’absence de résultats probants en accusant un manque de coordination de la part de ses partenaires, mais aussi des faiblesses logistiques, dans le domaine des communications et de la mobilité notamment…

Un premier galop d’essai au bilan plus que mitigé et qui n’augure rien de très prometteur, alors que, en face, les organisations djihadistes progressent partout, au Mali plus encore qu’ailleurs, et s’allient quant à elles avec une indéniable efficacité.

Un nouveau sommet avec toujours pour objectif de supporter le projet d’une force africaine commune contre le djihadisme a déjà été annoncé ; il aura lieu à Bruxelles, en février 2018…

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Emmanuel Pène

Cartographer, Historian and Economist, Founder of the website agathocledesyracuse.com Director of Consulting Services

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