MONDE ARABE – Faut-il parler de l’Islam sans comprendre la «démocratie»?

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Quand le concept de démocratie est évoqué, il fait obligatoirement  référence au système de gouvernance né, au cours du XVIIIème siècle, des révolutions bourgeoises occidentales contre les absolutismes des rois et contre… le pouvoir liberticide de la religion.

Une « démocratie » dont il faut rappeler qu’elle a mis longtemps, et après des fleuves de sang, à reconnaître les maigres besoins des multitudes, qui n’avaient que leur force de travail à vendre.

Ce qui ne fut que lorsque la prospérité a permis aux puissances de l’argent de laisser tomber des miettes de leurs tables, afin d’acheter la paix sociale et de juguler les mouvements révolutionnaires populaires. Cette prospérité s’est faite, rappelons-le, grâce à la mise en coupe réglée de la planète, grâce aux entreprises colonialistes, qui ont relégué au rang de sous-hommes  les habitants de continents entiers.

Ne cherchons donc  pas à trouver une définition de la « démocratie » du côté de ceux qui en parlent le plus et qui en ont fait leur leitmotiv. Ils ne vous en diront rien. Ils se suffiront de vous servir des généralités sur le droit à la liberté d’expression et sur celui du libre choix des dirigeants. Quant aux conditions qui permettraient à de tels droits de s’exercer, dans leur plénitude, elles ne figurent nulle part dans le discours.

Ceci étant, de nos jours, les concessions faites aux populations connaissent de sévères remises en cause, à travers les plans d’austérité, le démantèlement des dispositifs sociaux et les atteintes de plus en plus féroces contre les libertés publiques.  Mais ceci est une autre histoire.

Il faut rappeler aussi, comme il est nécessaire, ce paradoxe que l’histoire récente a enregistré, où les Etats-Unis et leurs satellites préféraient les Augusto Pinochet, Jorge Rafael Videla et autre Alfredo Stroessner, comme dirigeants, chez les indigènes. Des décennies plus tard, les Sud-Américains, qui n’avaient pas du tout apprécié ce choix, ont fini par décider, par eux-mêmes, de leur destin, contre le grand voisin du nord.

Vint le tour des Arabes et assimilés… qui devaient, bien au contraire des Sud-Américains, se débarrasser de leurs  dictateurs.

On sait ce qu’il en fut, en Afghanistan,  en Irak, en Libye, et ce qui est en cours en Syrie. Là, a surgi le débat sur l’Islam, lorsque, en lieu et place des « démocrates » pressentis ce sont les mouvements religieux qui ont fait irruption, en tant que candidats au pouvoir.

L’histoire récente, toujours, nous raconte le soutien états-unien à ces mouvements et leur instrumentalisation dans le « containment » du communisme et des nationalismes arabes et leur amitié particulière avec la dictature wahhabite des Al-Saoud. Ce fut le temps où Hollywood glorifiait le djihad afghan et où était exigé des dictatures arabes l’intégration des « islamistes modérés » dans leurs gouvernements.

Les peuples arabes et assimilés devaient trouver un autre drapeau que celui qui pouvait remettre en cause l’ordre libéral mondial.  Ce drapeau s’est mis à flotter.

Ainsi, a peut-être été détruit, pour un temps, les champs fertiles de la pensée et de l’intelligence, et s’est mis à  pousser le stupre et les germes du désespoir et… le djihad comme réponse à la mal-vie, une sublimation de l’instinct de vie face aux murailles qui l’enferment, une recherche de l’infini, dans la fuite intérieure, plus forte que la peur et porteuse de mort.

La « démocratie », quant à elle, autant qu’elle peut garantir la seule liberté de conscience, faute de  loger, de donner à manger, de vêtir, de soigner, d’éduquer et de libérer de la misère, aura bien de la peine à se trouver une place dans les décrets divins par essence imprescriptibles et indiscutables.

En fait, la démocratie n’existe pas dans l’absolu de son étymologie, mais dans la relativité des systèmes qu’elle doit servir.

C’est dans cet esprit qu’il faut saisir toute l’hypocrisie des « démocratiseurs », qui feignent de croire que la religion peut respecter les libertés et celle des Islamistes « modérés » qui font croire que cela est vrai.

 

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Ahmed Halfaoui

Chroniqueur de presse (Alger)

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