MONDE ARABE – Un nouveau président pour le Moyen-Orient…

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Durant la campagne électorale aux États-Unis, les médias dominants se sont focalisés sur les petites phrases, les anecdotes, les aspects sordides et médiocres de cette confrontation. En revanche, peu ont pris soin de relever les éléments de fond des programmes de l’un et l’autre candidat, en particulier les éléments qui relèvent de la politique étrangère (sauf à répéter que Donald Trump était le candidat du Kremlin).

Or, en affirmant vouloir recentrer la politique globale américaine sur le redressement de la situation intérieure des États-Unis (ré-industrialisation, remise à niveau des infrastructures, etc.) Donald Trump, en pragmatique qu’il est, affirme logiquement que Washington devra renoncer à son rêve de domination sur le monde du XXIe siècle, rêve qui lui coûte très cher et qui s’est d’ores et déjà transformé en chimère. Zbigniew Brzezinski, le théoricien de la stratégie de domination états-unienne sur le monde au XXIe siècle vient d’en prendre acte dans un article adressé à The American Interest et intitulé « Vers une réorientation globale ».

La réorientation politique annoncée par Trump signifie explicitement la fin de la manœuvre d’encerclement de la Russie par les États-Unis et leurs vassaux européens, singulièrement leurs suiveurs français et anglais. Si le futur président Trump applique les orientations du candidat Trump, cela aura des conséquences sur l’Union européenne et l’OTAN, sur la situation en Asie du sud-est et surtout sur le Moyen-Orient.

En quelques mots, Donald Trump dit vouloir combattre réellement Daesh, dont le général Michael Flynn, ancien patron du renseignement militaire états-unien disait qu’il était une création des États-Unis et d’Israël, et dont des documents publiés par le groupe Wikileaks affirment qu’il est soutenu par une quarantaine de pays dont la France. Du reste, la nomination du général Flynn au poste de futur conseiller à la Sécurité nationale, poste stratégique s’il en est, confirme les orientations du candidat Trump.

Logiquement, Trump dit vouloir se rapprocher de la Russie dans ce combat contre le terrorisme, puisque la Russie est aujourd’hui à la tête de cette entreprise en Syrie.

Et la récente décision du chef d’État égyptien, le général Sissi, prudent jusque-là, de soutenir le régime de Damas, est un premier indicateur concret du changement en train de s’opérer.

Pour le reste, on ne peut que constater que l’élection de Trump (ou le rejet de « Killary ») a été plutôt bien accueillie dans la région, de la Turquie à Israël (Donald Trump est proche de Benjamin Netanyahu, qu’il avait soutenu aux dernières élections législatives en Israël) en passant par les pays du Golfe, à des degrés divers et avec des inquiétudes toutefois, en particulier de la part des Palestiniens et de l’Iran et, paradoxalement, des Saoudiens désormais attentistes…

Au moment où la Russie affirme une présence stratégique au Moyen-Orient, en modernisant le port de Tartous (Syrie) et la base aérienne d’Hmeimim (au sud de Lattaquié – Syrie), au moment où le président Poutine tente de maintenir des relations équilibrées entre toutes les parties, l’entente qui pourrait naître entre les États-Unis et la Russie sur cette base constitue une source d’optimisme, toutefois modéré (tant les imbrications sont nombreuses et souvent contradictoires dans la région).

Bien sûr, il faut rester prudent : entre les paroles d’un candidat et les actes d’un président, il y a souvent des écarts… Par exemple, on attend toujours qu’Obama ferme la prison de Guantánamo.

La réalité de la situation impose parfois des changements de cap, voire des marches arrière. De plus, Donald Trump est élu mais pas encore président. Qui plus est, en tant que président, il n’aura pas le pouvoir de tout faire. L’administration Obama peut encore lui savonner la planche par des manœuvres tactiques dilatoires.

Malgré tout, dans une perspective de long terme, c’est la première fois que les États-Unis et la Russie pourront associer leurs efforts afin de stabiliser une région trop longtemps soumise à leurs intérêts divergents.

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Régis Chamagne

Colonel de l'Armée de l'Air (France) Expert en stratégie et en géopolitique du Moyen-Orient

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