IRAK – Retour à la case départ…

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En 2014, l’invasion du pays et la conquête de Mossoul par les hordes de djihadistes de l’État islamique arrivés de Syrie avaient mis en veilleuse les clivages fondamentaux qui déchiraient l’Irak depuis plus d’un siècle. L’Irak, cette non-nation qui bouillonne sans cesse, depuis que les Accords Sykes-Picot de 1916 avaient découpé le Moyen-Orient sans tenir compte ni des peuples, ni de leur histoire, ni de leur religion.

En 2003, l’agression états-unienne (décidée unilatéralement et sans accord du Conseil de Sécurité de l’ONU) avait inversé la donne sunno-chiite : après avoir évincé du pouvoir Saddam Hussein, qui appuyait son autorité sur la minorité sunnite, Washington a entrepris de contrôler l’Irak en s’appuyant sur la majorité chiite (jusques alors frustrée du pouvoir) et de promouvoir cette fraction de la « nation » qui a progressivement monopolisé tous les leviers de l’État (incarné en la personne du premier ministre Nouri al-Maliki), y compris les hautes fonctions militaires, l’armée ayant été purgée de ses cadres sunnites.

Pour la communauté sunnite d’Irak, commençait alors une situation étrange : les régions sunnites du nord et de l’ouest du pays étaient comme « occupées » par une armée presque entièrement « chiitisée ». Tout comme le fut la capitale, Bagdad, dont les Sunnites furent peu à peu chassés.

Brimades et vexations furent ainsi le lot des Sunnites, soumis à l’autorité des policiers et fonctionnaires chiites qui prenaient leur revanche sur trente années de sunno-baathisme.

Lorsque l’État islamique (EI) étendit son empire sur les régions sunnites d’Irak, il y fut en général assez bien accueilli, même si, après quelques mois, beaucoup ont déchanté.

D’autres avaient tout misé sur l’invasion : les Kurdes (dans le nord de l’Irak) espéraient un affaiblissement suffisant du gouvernement de Bagdad pour réussir à prendre leur indépendance.

Aujourd’hui, au commencement de l’année 2018, la défaite de l’EI, qui avait occulté les problématiques irakiennes, (re)lève le voile qui avait été jeté trois ans durant sur les crises internes qui pourraient mener à la partition d’un pays fracturé.

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Pour le Kurdistan irakien, le réveil est cruel…

Comment a-t-il été possible que les Kurdes aient perdu tous les territoires qu’ils avaient conquis pendant la guerre contre l’EI ? Comment ont-ils été si vite vaincus par l’armée irakienne ? Les fameux Peshmergas étaient-ils un mythe ?

Ce furent les questions qui se bousculèrent dans la tête des observateurs, surpris par la défaite aussi rapide que totale des forces kurdes lorsque, en octobre 2017, l’armée irakienne se lança à la reconquête du Kurdistan irakien, écrasant les célèbres Peshmergas en quelques jours seulement.

Le 25 septembre 2017, le gouvernement de la région autonome du Kurdistan irakien avait pourtant procédé à un référendum pour l’indépendance : 92,7% des votants s’étaient manifestés en faveur de l’indépendance. Ce fut Massoud Barzani (alors président du gouvernement régional kurde – KRG) qui décida de lancer des élections pour l’indépendance de la région du Kurdistan : les terres prises à l’EI et à l’Irak sont riches en pétrole et constituent un bon point de départ pour ce nouvel État. Une situation inacceptable pour Bagdad, alors que la majeure partie des ressources pétrolières du pays sont situées dans le nord de l’Irak, dans la région kurde de Kirkuk notamment.

Cependant, les Kurdes d’Irak étaient persuadés de pouvoir tenir tête militairement à une armée irakienne qui avait été défaite à Mossoul en 2014 dans des conditions hallucinantes : plus de 60.000 hommes avaient abandonné leurs positions face à 800 djihadistes déterminés. Mais Erbil a surestimé le potentiel de ses fameux Peshmergas (qui, en réalité, ont très peu combattu durant la guerre contre l’EI –et on se rappellera que, en 2014, lorsque les djihadistes ont traversé la plaine de Ninive pour attaquer Erbil, la capitale du Kurdistan irakien, les Peshmergas avaient reculé, obligeant alors l’aviation américaine à intervenir pour protéger son allié incapable de résister à l’avancée islamiste) et sous-estimé la capacité militaire des milices chiites, qui se sont constituées à l’appel des religieux chiites d’Irak après la chute de Mossoul. Ces milices, en effet, ont constitué le fer de lance de la guerre contre l’État islamique et leurs nombreux combattants, prêts au martyre, ne se sont pas laissé impressionner par les Peshmergas, qui ont détalé comme des lapins.

Ainsi s’est achevé le rêve kurde d’une indépendance réclamée depuis des décennies et que d’aucuns croyaient pourtant toute proche. Un rêve que l’État islamique semblait avoir rendu possible : depuis 2014, les Kurdes avaient profité des difficultés auxquelles l’armée irakienne était confrontée pour progressivement s’emparer de Kirkuk et de toute la plaine de Ninive, de tous les territoires qu’ils revendiquaient ; ils avaient ensuite édifié un véritable « mur d’Hadrien » pour matérialiser leur nouvelle frontière, ensemble de fossés, tranchées, fortins et rempart de terre poussée au bulldozer, du haut duquel les Peshmergas observaient, narquois, l’armée irakienne aux prises avec les forces islamistes. La lutte contre l’EI, ce n’était plus leur problème ; l’EI, au contraire, était dans les faits leur allié contre les « Irakiens ».

Les Peshmergas dynamitèrent même plusieurs villages arabes qu’ils estimaient « trop proches » de leur frontière, question de bien marquer le territoire par la création d’un no man’s land.

Un vaste plan qui fut efficacement mené, tant qu’aucune force d’envergure ne s’opposait aux Peshmergas, et qui fut balayé en moins d’une semaine.

Le gouvernement régional du Kurdistan fut ainsi contraint de reconnaître la défaite et de suspendre la déclaration d’indépendance. De son côté, Bagdad reprit  le contrôle des aéroports d’Erbil et de Suleymaniah, et bien sûr du pétrole de Kirkuk.

Et maintenant, que projettent les Kurdes pour leur avenir ?

Il est évident que les tensions ont augmenté entre les Peshmergas kurdes et les forces chiites en Irak, qui ont fini par s’affronter pour le contrôle territorial à la suite de la guerre contre l’État islamique.

Les Peshmergas étaient soutenus par la coalition menée par les États-Unis. Ce soutien international s’est manifesté par de nombreuses opérations, qui comprenaient des frappes aériennes américaines contre l’EI, dont les forces kurdes ont profité. Ainsi, les Kurdes ont commencé à étendre leur territoire, tandis qu’ils recevaient des armes encore plus sophistiquées de leurs alliés américains et européens. Ce qui a rendu l’incursion kurde possible dans certains territoires, principalement arabes.

La motivation des États-Unis était de soutenir les Peshmergas et de repousser l’EI vers Mossoul et le sud-ouest du Kurdistan. Dans le même temps, la coalition internationale a apporté son aide aux forces armées irakiennes, qui combattaient l’EI depuis les fronts central et occidental autour de Mossoul. Les Peshmergas et les forces armées irakiennes ont donc tous deux bénéficié de l’aide de la coalition dirigée par les États-Unis.

Cependant, le gouvernement régional kurde a revendiqué le contrôle de la majeure partie du territoire qu’il a gagné et a rejeté les demandes du gouvernement central de Bagdad de se retirer sur ses anciennes frontières.

Le gouvernement américain n’a pas été satisfait de l’initiative de Barzani et a essayé de le convaincre de faire marche arrière, ce qu’il a refusé. En réponse, la plupart des membres de la communauté internationale se sont rangés du côté de la Maison blanche et se sont opposés au mouvement indépendantiste kurde. Ensuite, le premier ministre irakien a utilisé son droit de recourir à la force militaire pour maintenir l’unité du pays, conformément à la constitution irakienne.

La conséquence est que le KRG se retrouve désormais sans plus aucun moyen de financer son administration, ni de payer les Peshmergas. Par ailleurs, les dissensions se sont accrues entre les différentes factions kurdes, principalement entre le Parti démocratique du Kurdistan (KDP – le parti de Barzani, basé à Erbil et soutenu par la Turquie) et le l’Union patriotique du Kurdistan (PUK – basé à Suleymaniah et proche de l’Iran et du PKK), lesquelles se rejettent la faute du monumental échec du projet kurde en Irak et, probablement plus encore, se disputent sans relâche pour le partage de ce que leur classe politique corrompue peut encore espérer tirer des maigres ressources et fonds publics qu’elles gèrent encore.

Quant à Barzani, complètement discrédité et dépité, il a remis sa démission au parlement régional.

On voit mal, dès lors, par quel biais le projet d’indépendance du Kurdistan pourrait être relancé, dans le contexte constitutionnel irakien du moins. Aussi, soit ce projet peut être considéré comme enterré pour les prochaines années ; soit c’est le contexte de crise entre Chiites et Sunnites qui pourrait lui redonner vie, si la crise devait dégénérer et évoluer vers la partition du pays.

L’État irakien est-il politiquement « reconstructible » ?

De nombreux témoignages ont révélé que les villes sunnites irakiennes qui ont été libérées de l’EI par l’armée irakienne avec le soutien des milices chiites se sentent occupées par leurs « libérateurs », comme à Mossoul, Falloujah, Tikrit…

En effet, les exactions et « vengeances » furent nombreuses, de la part des Chiites (aussi bien des miliciens que des militaires, les Chiites étant largement majoritaires dans l’armée irakienne depuis 2003) à l’encontre des Sunnites, accusés d’avoir accueilli favorablement l’EI et ensuite soutenu les djihadistes dans la guerre qui les opposait à l’armée irakienne.

Les témoignages se multiplient, qui dénoncent les exécutions sommaires, les tortures, les arrestations, les disparitions dont sont victimes les Sunnites. Les Sunnites craignent ainsi d’être à nouveau sous « occupation » des Chiites, comme ce fut le cas entre 2003 et 2014 ; mais une « occupation » plus dure encore, non seulement pour les raisons évoquées, mais aussi parce que l’Iran (chiite) a aidé les milices chiites d’Irak en envoyant des combattants iraniens en Irak et a donc augmenté considérablement son influence sur le pays. Les Sunnites se retrouvent donc dans une situation de minorité très affaiblie et sont probablement les grands perdants de la guerre qui s’achève.

Quelle sera la réaction des Sunnites ? Certains groupes préparent-ils la résistance contre la domination chiite en Irak ?

En dépit de la situation décrite, il semble qu’une partie de la population sunnite, satisfaite de la disparition de l’EI, espère trouver un compromis avec Bagdad pour que la confiance puisse être restaurée entre les deux communautés. C’est le sentiment qui émerge lorsque l’on discute de cette problématique avec les responsables de la société civile sunnite.

Cependant, certaines personnalités politiques sunnites tentent de promouvoir l’idée d’un « Sunnistan », et peut-être pour des objectifs tribaux.

Il faut également se méfier des discours « officiels » que les personnes interrogées (sunnites) prononcent, face à des journalistes et en public. Beaucoup craignent en effet les représailles de la part des vainqueurs qui contrôlent à présent tout le pays. Ainsi, lorsque l’on peut avoir une conversation privée avec des représentants de la population sunnite, dans les villes et villages « libérés » par l’armée irakienne, les propos prennent une tournure très différente de la version officielle : les personnes rencontrées égrainent la litanie des exactions commises par les Chiites et la haine s’exprime sans retenue.

Une « réconciliation nationale »… Est-ce réellement l’objectif du gouvernement irakien ?

Le gouvernement irakien a-t-il entrepris une véritable réforme pour associer concrètement au pouvoir la communauté sunnite ou bien la communauté chiite dominera-t-elle définitivement l’État et la vie politique et économique ?

C’est la question essentielle qui se pose, car seule une réelle volonté d’associer la communauté sunnite au processus décisionnel gouvernemental pourrait laisser entrevoir la possibilité d’une réconciliation nationale et un avenir plus stable pour l’Irak.

Mais il semble qu’il ne soit pas dans les intentions du gouvernement irakien actuel et de la majorité chiite de céder une seule parcelle de ce pouvoir durement reconquis. Au contraire, même, on a vu comment l’union nationale proclamée durant la guerre contre l’EI n’a été qu’une illusion, créée à la demande des États-Unis. Le président Obama avait en effet exigé la démission du premier ministre al-Maliki : son attitude pro-chiite excessive, depuis 2003, ne laissait aucune chance à un processus de réconciliation entre Chiites et Sunnites, pour que ces derniers se rebellent contre l’EI. Un nouveau premier ministre avait donc été désigné, Haïder al-Abadi, qui devait remanier le gouvernement en y intégrant davantage de figures sunnites. Mais il s’est finalement avéré que ce remodelage de façade, qui ne trompait personne dans la communauté sunnite, ne changeait rien à la réalité du pouvoir et, surtout, à la domination chiite dans le secteur militaire. On rappellera notamment que les milices chiites, officiellement intégrées à l’armée irakienne, dépendent donc du ministère de la Défense et que les miliciens reçoivent un salaire de l’État, mesure qui a considérablement accru le poids de la communauté chiite dans ce secteur clef.

Cependant, le pays va maintenant aux élections générales. Le parlement a déjà annoncé la tenue d’élections législatives, le 12 mai 2018. C’est le résultat de ces élections, mais plus encore la manière dont elles se dérouleront, qui donnera la réponse à la question posée : si le processus se déroule plus ou moins démocratiquement et si la victoire des partis chiites ne mène pas à une coalition qui continuerait de monopoliser le pouvoir au détriment des formations sunnites, l’Irak aurait une chance de se reconstruire en tant qu’État-nation. Dans le cas contraire, une réaction séparatiste n’est pas à exclure de la part de plusieurs mouvements sunnites qui réclament déjà une forme de fédéralisme et la révision de la constitution.

La corruption endémique de la classe politique irakienne constitue un autre facteur du désenchantement national.

Les principaux partis politiques devraient se rendre compte que le peuple irakien est insatisfait de l’absence de progrès en faveur de la population depuis les quinze dernières années. En outre, il n’y a aucune chance que les candidats qu’ils réélisent ne soient pas aussi corrompus que par le passé.

Les grands partis politiques, qui ont le pouvoir, ont tenté de tromper les électeurs irakiens. Notamment en changeant de nom et en enrôlant de nouvelles figures dans leur liste électorale pour convaincre les électeurs irakiens de voter pour eux. Des mesures qui ne changeront bien évidemment pas les pratiques. Le peuple irakien hésite dès lors à participer à ces élections dont les résultats sont déjà prédéterminés. Les principaux partis politiques corrompus s’accrocheront au pouvoir et se partageront les richesses du pays.

Le premier ministre irakien Al-Abadi a quant à lui formé une alliance politique qui comprend des personnalités représentant l’ensemble des Irakiens, ce qui englobe l’ensemble du spectre politique. Al-Abadi est coincé dans une position critique, pris entre l’influence croissante de l’Iran en Irak et le rejet par l’Amérique de cette influence.

Cependant, Al-Abadi essaie de construire une relation avec tous les pays de la région, affirmant que c’est la clé de la stabilité sécuritaire de l’Irak.

Bagdad, mal assis… Entre Washington et Téhéran

Entre Washington et Téhéran, le cœur de Bagdad balance.

La collaboration entre Bagdad et Washington a été essentielle pour l’élimination de l’État islamique en Irak : sans l’aviation de la coalition internationale menée par Washington, l’armée irakienne n’aurait pas pu vaincre l’EI.

Toutefois, cette relation est sur le point de prendre fin. Téhéran, qui a profondément implanté son influence en Irak, sur fond de guerre de proximité irano-saoudienne, n’a pas l’intention de renoncer à cette avancée majeure en péninsule arabique et ancre l’Irak à l’Iran.

Or, depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison blanche, les rapports entre Téhéran et Washington, qui s’étaient quelque peu détendus sous la présidence de Barak Obama (à la faveur à la fois de l’élection du président « modéré » Hassan Rohani et de l’accord sur le nucléaire iranien), se sont brusquement à nouveau envenimés.

Bagdad devra donc choisir entre ces deux partenaires ennemis.

La question pourrait être vite réglée : Trump donne un appui  total à Riyad, notamment dans le contexte de la guerre au Yémen, où l’US Navy a bombardé les Houthistes, chiites, soutenus par l’Iran et attaqués par une coalition sunnite menée par l’Arabie saoudite, mais aussi en Syrie, où les forces spéciales américaines combattent les intérêts du gouvernement de Bashar al-Assad, allié de Téhéran. Trump a également montré qu’il se rangeait pleinement aux côtés d’Israël, et l’affaire du transfert de l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem a fait grand bruit.

Il y a donc à parier que Bagdad s’éloignera rapidement de son allié de circonstances, et que l’Irak rejoindra la Syrie et le Hezbollah libanais dans le camp iranien, et donc, indirectement, dans celui de la Russie.

Reconstruire l’Irak : qui va payer ?

L’Irak dispose de nombreuses ressources naturelles qui lui permettraient de rapidement se développer économiquement, mais la corruption qui règne dans le pays doit d’abord être éliminée. Le premier ministre a annoncé que l’éradication de la corruption sera sa priorité s’il est réélu.

S’il ne s’agit pas de mots en l’air, simple stratégie électoraliste qui sera ensuite oubliée une fois les élections passées, le chantier sera rude et les oppositions nombreuses : al-Abadi devra faire face à une résistance importante et, de toute façon, l’épuration politique et le redressement économique de l’État qui pourrait en découler prendront inévitablement de nombreuses années.

Or, c’est aujourd’hui que l’Irak a besoin des moyens nécessaires à sa reconstruction. Plusieurs années de guerre ont détruit une grande partie des infrastructures du pays, mais aussi de nombreux logements ; et la population attend une aide immédiate de l’État. Surtout dans les zones sunnites, là où se sont déroulés la plupart des combats contre l’EI.

Si l’État répondait rapidement à cette attente, la communauté sunnite pourrait recevoir l’aide déployée par Bagdad comme un signe de réconciliation et la preuve d’un réel souci de restaurer le bien-être de toutes les composantes de la nation. En revanche, si la reconstruction devait tarder pendant des années, le ressentiment de la population sunnite envers les Chiites de Bagdad ne ferait que s’accroître et les tensions entre les deux communautés, s’intensifier.

Or, c’est le risque que semblent vouloir prendre les bailleurs de fonds internationaux auxquels Bagdad s’est adressé pour présenter la facture de la guerre contre l’État islamique : alors que l’ONU estime à près de 90 milliards de dollars, au minimum, le coût de la reconstruction, la conférence qui s’est tenue au Koweït en février 2018 pour rassembler les fonds nécessaires n’a réussi à mobiliser qu’une trentaine de milliards ; et les gouvernements occidentaux se sont montrés plutôt pingres, seuls la Turquie et, pour tenter de recouvrer un peu d’influence en Irak, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ayant fait montre d’un peu plus de générosité. Une aide qui, par ailleurs, ne s’exprime pas en termes de dons, mais essentiellement par le biais de crédits à bas taux… des sommes que l’Irak, actuellement, n’est pas en état de rembourser.

Il est donc à craindre que, si la guerre civile et l’éclatement du pays est peut-être un « scénario catastrophe » qui ne se réalisera pas, l’appauvrissement et la ségrégation de la communauté sunnite n’entraîne la résurgence sous d’autres formes de l’État islamique et aussi d’un danger un peu oublié mais toujours présent : al-Qaeda…

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Un siècle après les Accords Sykes-Picot, l’Irak n’a jamais été aussi proche de l’éclatement.

Le tragique épisode de l’État islamique n’aura été qu’une parenthèse dans le drame qui se joue en Mésopotamie et 2018 commence par un « retour à la case départ » ; un retour à la situation post-2003.

L’État semble s’effacer devant la force de conviction des leaders chiites et, sans le volontarisme des organisations paramilitaires chiites, peut-être l’État islamique aurait-il pu conserver ses bastions et la région kurde du nord serait-elle aujourd’hui indépendante.

Mais jusques à quand les Chiites de Bagdad pourront-ils maintenir par la force le statu quo ?

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Zeyad AYED

Philologist (Erbil – IRAQ)

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