ISLAM – Le concept de « communauté musulmane », une notion erronée

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Les attentats à Paris et plus récemment à Bruxelles ont mis en avant un concept particulier, celui de la « communauté musulmane ». Cette notion est pour plusieurs raisons biaisée et l’analyse de cette notion permettra probablement de saisir au mieux la réalité complexe des Musulmans, au-delà de ce concept généralisant.

La notion de « communauté » met en avant certains aspects communs à plusieurs individus. Concernant la « communauté musulmane », il s’agit donc essentiellement de l’Islam et de certains des valeurs et principes de cette religion. Cependant, plusieurs éléments qui intègrent ce dénominateur commun qu’est l’Islam ne sont pas partagés par tous les individus au sein de cette « communauté ».

En effet, bien qu’il y ait des principes communs aux Musulmans, il n’existe pas à proprement parler de clergé en Islam, exception faite du Chiisme ; mais, là encore, il existe plusieurs autorités religieuses, qui ne sont pas systématiquement obéies, et une reconnaissance du bas vers le haut et l’inverse n’est pas sine qua non. S’il n’y a pas d’autorité religieuse en Islam, il est donc possible pour tout  Musulman d’écouter et d’adhérer à des points de vue spirituels différents.

Cette possibilité d’entendre plusieurs avis et interprétations n’est en soi pas négative, bien au contraire puisque cela évite de figer la religion et l’expression que l’on en fait. Il faut donc comprendre qu’il n’y a pas qu’une seule manière de vivre et d’expliquer la religion musulmane. Évidemment, cette religion monothéiste pourrait être définie similairement et avec une unanimité internationale, d’Indonésie en passant par la Mauritanie pour arriver au Canada… Mais, l’expérience de la foi ne peut être définie en soi puisque chaque individu vivra ce mode de vie spirituel d’une certaine manière qui lui sera propre.

Et le hallal ? Et le port du voile ?

Effectivement, il existe certains sujets émanant des citoyens de confession musulmane qui peuvent donner l’apparence de faire écho commun. Mais, en réalité, il ne s’agit pas dans ces caslà non plus de l’expression de la « communauté musulmane » en tant que groupe homogène qui serait d’accord et demanderait la même chose. Tout les Musulmans ne mangent pas hallal et toutes les Musulmanes ne portent pas le voile ; et là encore, sur ces questions, différentes expressions se manifestent.

En restant sur cette même idée, l’usage de violence par certaines personnes ayant comme l’une de leurs identités l’Islam n’est pas non plus un aspect commun à l’ensemble de cette « communauté » ; et l’interprétation des textes coraniques dans ce sens ou les prêches de certains religieux invitant à la violence ne seront pas suivis par tous les membres de la « communauté », puisque le croyant musulman n’est pas soumis à une autorité religieuse et qu’il lui est possible de choisir sa voie…

Rappelons également que le terme « Islam » ne désigne  pas une région du monde ou une ethnie en particulier, mais bien une religion, une spiritualité qui concerne des populations très différentes un peu partout sur la planète et qui, bien qu’apparue en Arabie, compte plus de fidèles en Asie centrale et orientale…

Si le débat est limité à la France et à la Belgique, il est alors question de Musulmans majoritairement issus de l’immigration, mais nés en Europe et qui pratiques les us et coutumes européens.

Ils sont originaires de pays différents, de plusieurs cultures, et adhèrent à des interprétations de l’Islam qui présentent des points communs mais aussi des divergences. Ce n’est pas de cette pluralité spirituelle au sein d’un même territoire qu’a émergé le problème de la violence, mais de la seule diffusion sur ce territoire, à un moment donné, de la vision wahhabite de l’Islam (« made in Arabie Saoudite ») par le biais de prêches et d’ouvrages aux propos et thèses anti-démocratiques, qui ont attiré l’attention des jeunes surtout, dans un contexte propice à suscité l’intérêt pour la violence, un contexte de guerres internationales impliquant des pays musulmans, un contexte de désordres, d’inégalités sociales et encore de crises dans le monde.

Mais cette vision-là de l’Islam procède de plusieurs écrits provenant de sources anciennes parlant de violence et déconnectés de leur contexte historique, voire, parfois, dont la fiabilité est à remettre en question.

La question que l’on doit se poser est de savoir pourquoi ces textes sont aujourd’hui devenus intéressants pour certains, alors qu’ils étaient négligés il y a trente ans encore ? Existerait-il des facteurs, générationnels notamment, qui expliqueraient l’intérêt pour ces textes à notre époque et leur instrumentalisation par certains ?

Outre les origines et les cultures géographiques, la pluralité au sein de la « communauté musulmane » procède également des différents courants historiques qui se sont constitués au cours de l’histoire de l’Islam et qui ont généré des tendances et des écoles juridiques diverses pour traiter des questions islamiques. Ces courants n’ont pas tous abouti à une vision violente de l’Islam. Plusieurs écoles combattent même cette interprétation et la violence. Comme par exemple le Chiisme, également présent en France et en Belgique, qui, bien que partie intégrante de cette « communauté », est resté totalement étranger à ce phénomène de violence et ne reconnaît pas certains des textes traditionnels qui le fondent…

Cette complexité d’identités et de points de vue doit être prise en compte afin que l’on puisse comprendre ce que sont l’Islam de Belgique ou l’Islam de France ou encore un Islam européen, dont les interprétations, majoritairement, ne promeuvent pas la violence, mais au contraire l’importance du respect de la vie et des autres communautés.

Des messages qui doivent être affirmés avec plus de force et de pédagogie, probablement avant tout auprès des jeunes musulmans (et aussi des non-musulmans), pour que les problèmes politiques et sociaux qui s’immiscent dans le domaine du religieux puissent en être complètement dissociés et que, par ailleurs, la question du religieux ne détourne pas les citoyens musulmans de ses autres responsabilités, non religieuses, un phénomène qui est lui aussi à l’origine de ce désordre mondial.

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Ikram BEN AISSA

Politologue - Chercheur en Sociologie des Religions (Iran et Chiisme) à l'Université Libre de Bruxelles (BELGIQUE)

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