MAROC – La torture au Maroc et au Sahara occidental : Amnesty en campagne…

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Logo AmnestyLa situation des droits humains au Maroc et au Sahara Occidental s’est indiscutablement améliorée depuis l’accession au trône du roi Mohammed VI. La violente répression de la dissidence politique, la disparition forcée de centaines de personnes, la détention arbitraire de plusieurs milliers d’autres, et l’usage systématique de la torture caractéristiques des années de plomb ne connaissent plus l’ampleur et les proportions qui furent la leur dans le passé. Toutefois, la torture et les autres mauvais traitements en détention sont loin d’avoir disparu, comme en témoignent les signalements que continue à recevoir Amnesty International. Les victimes sont d’origine diverses : elles incluent notamment des étudiants de la gauche radicale, des militants de tendance islamiste, des partisans de l’auto-détermination du Sahara occidental, des manifestants, des personnes soupçonnées de terrorisme ou d’infractions liées à la sécurité nationale, ainsi que des détenus de droit commun.

Amnesty International MarocL’Appel d’Amnesty International Maroc

La persistance de ce fléau s’explique entre autres raisons par les défaillances du système judiciaire. En premier lieu, juges et procureurs enquêtent rarement sur les allégations de torture et d’autres mauvais traitements de la part des prévenus, et le climat d’impunité qui en découle annule le pouvoir dissuasif de la législation du Maroc contre la torture : la loi n° 43-04 du 14 février 2006 a érigé la torture en infraction à l’article 231 du Code pénal. Le champ d’application limité prévu dans la définition, qui exclut la complicité et le consentement tacite des représentants de l’État et membres des forces de sécurité, est toutefois contraire à la Convention contre la torture (Comité contre la torture, CAT/C/MAR/CO/4, § 5). La nouvelle Constitution adoptée par le pays en 2011 interdit également la torture et les mauvais traitements (article 22). Enfin, l’article 293 du Code de procédure pénale annule la valeur légale des aveux obtenus sous la contrainte. Mais cette legislation demeure très théorique…

De plus, les procès-verbaux d’interrogatoires policiers, qui peuvent contenir des « aveux » forcés, ont toujours force de loi dans les procès, au détriment de preuves matérielles et de la comparution de témoins.

Enfin, l’absence d’avocats, pendant les interrogatoires en garde à vue, et le manque d’accès des observateurs des droits humains au milieu carcéral isolent les détenus et créent des conditions propices à la torture et autres mauvais traitements.

L’actuel projet de refonte de l’appareil judiciaire marocain et la finalisation de la ratification par le Maroc du Protocole facultatif à la Convention contre la torture constituent une occasion sans précédent pour mettre définitivement fin à la torture.

Aussi, dans le cadre de la campagne mondiale Stop Torture, Amnesty International appelle les autorités marocaines à prendre ce fléau à bras-le-corps.

À offrir des garanties en détention, dont la présence d’avocats pendant les interrogatoires en garde à vue et l’enregistrement vidéo de ces interrogatoires, mais aussi un meilleur accès aux prisons pour les observateurs des droits humains marocains et internationaux.

À mettre fin à la détention secrète en établissant un registre de détenus centralisé, consultable à tout moment, sur demande et sans délai, par les avocats et les proches des personnes détenues.

À diligenter des enquêtesimpartiales et indépendantes face aux allégations de torture et d’autres mauvais traitements, incluant des examens médicolégaux réalisés par des médecins indépendants, et juger équitablement les responsables présumés de ces abus.

À exclure les « aveux » forcés de toute procédure légale, sauf comme preuve contre la personne accusée d’avoir obtenu ces « aveux » en pratiquant la torture ou d’autres mauvais traitements.

À garantir la pleine indemnisation et la réhabilitation des victimes de torture et d’autres mauvais traitements ainsi que de leurs ayants droit, sans négliger la prise en charge des séquelles psychologiques.

Les limites de l’espoir d’être entendu

La section marocaine d’Amnesty International s’en pleinement engagée dans le lancement de la campagne Stop Torture, le 13 mai 2014, car le Maroc/Sahara occidental est l’un des cinq pays au monde prioritaires désignés par Amnesty International. La campagne, au niveau du Maroc, a été axée sur le cas du prisonnier Ali Aarrass, un des cas symbolique des violations des Droits de l’Homme au Maroc.

Les actions de la Section marocaine d’Amnesty International ont démarré par l’organisation d’une conférence de presse, accompagnée d’une exposition de photos qui dénoncent les différentes méthodes de torture auxquelles le prisonnier Ali Aarraas et beaucoup d’autres ont été soumis durant leur interrogatoire. Ces photos, sorties clandestinement des prisons, ont été remises à Amnesty international.

Le lancement de la campagne a bénéficié d’une importante couverture médiatique, nationale et internationale.

Mais La première réaction du gouvernement marocain ne s’est pas fait attendre. Nerveux, le pouvoir a mis en doute la fiabilité des informations fournies par Amnesty International et l’impartialité de l’organisation de la campagne, qui a fait partie de l’ordre du jour du gouvernement et a été discutée au parlement lors d’une séance de questions posées au ministre de la Justice…

Les moyens mis en œuvre par Amnesty International Maroc

Nos principales actions de plaidoyer et de lobbying entreprises à ce jour ont commencé par une rencontre avec le délégué interministériel chargé des droits de l’homme, en présence de la représentante d’Amnesty International pour la région Maghreb.

Plusieurs autres tables rondes et réunions ont suivi : Navi Pillay, Haut Commissaire des Droits de l’Homme auprès des Nations Unies, a été reçue par le Roi du Maroc, qui lui a déclaré que « la torture ne doit plus être tolérée au Maroc » ; et une rencontre du ministre de la Justice et des Libertés avec les représentants de la société civile, dont le thème a été celui de l’amélioration des comportements des magistrats vis-à-vis des plaintes pour actes de torture et un appel à proposition de médecins indépendants pour vérifier les cas de torture déclarés.

Par ailleurs, le programme de nos actions d’activisme et de visibilité va continuer tout au long de la période 2014-2015, tout en ciblant des dates-clefs ; et notamment le 21ème anniversaire de l’adhésion du Maroc à la Convention internationale contre la Torture (21 juin ), la journée internationale de soutien aux victimes de la torture (26 juin), et la célébration par les Nations Unies du 30ème anniversaire de la Convention internationale contre la torture, qui aura lieu en septembre.

En septembre également, Amnesty International accompagnera la remise des pétitions collectées au niveau international concernant le cas d’ Ali Aarraas, au ministre de la Justice du Maroc.

Autre date importante, en novembre, Amnesty International manifestera dans le cadre du 11ème anniversaire de l’adoption et validation du rapport de l’Instance Equité et Réconciliation (IER) ; et, en décembre lors du Marathon des Lettres, centré également sur le cas d’Ali Aarrass.

Le point d’orgue aura lieu en mai 2015, avec la remise du rapport d’Amnesty International sur la torture au Maroc.

La Section marocaine d’Amnesty International participera aussi au programme d’Éducation aux Droits Humains en formant les membres du réseau EDH au sujet des objectifs et dimension de sa campagne Stop Torture, en insistant sur les manières d’intégrer la thématique de la torture dans les programmes scolaires en utilisant de nouvelles méthodes pédagogiques ;

Le grand défit pour Amnesty International, c’est en effet, surtout, de sensibiliser la majorité de la population marocaine à l’égard de la torture et de pratiques souvent considérées comme « normales ». Amnesty International Maroc va donc organiser des activités de sensibilisation au sein des instituts supérieurs et des activités de formation au sein des maisons de la jeunesse et présider un séminaire sur la thématique des « procès équitables » et du « protocole facultatif contre la torture », au profit d’un groupe de juristes et de magistrats.

En interne, la Section marocaine d’Amnesty International lancera plusieurs activités : des ateliers de formation au profit des activistes sur la thématique de la torture et les techniques de plaidoyer ; des activités de sensibilisation au profit de la société civile ; des campagnes de collecte de signatures en faveur d’Ali Aarrass et des campagnes de mobilisation des victimes de torture et de leurs familles, dont les mères et les épouses en particulier, afin de les amener à intégrer les actions d’Amnesty sur la torture.

Dans ce contexte, les médias marocains auront une responsabilité non négligeable à assumer, celle de répercuter auprès du grand public les rapports de recherches, les communiqués de presse et le matériel concernant les cas individuels répertoriés.

Amnesty International communiquera aussi via les réseaux sociaux, dont Twitter (#StopTorture) et le site officiel de la campagne : www.amnesty.org/stoptorture.

Car, seul l’appui massif des Marocains eux-mêmes à notre campagane peut amener les autorités concernées (le chef du gouvernement, le ministère de la Justice et des Libertés, le Conseil national des Droits de l’Homme du Royaume du Maroc, les partis politiques…) à se positionner en faveur du changement.

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