SYRIE – Menace djihadiste en France : le recrutement s’intensifie et se banalise

0

Alors que la révolution syrienne s’est muée en guerre sainte de plus en plus contrôlée par les mouvements djihadistes divers qui se sont invités sur le terrain, au détriment de l’Armée syrienne libre, et tandis que le « Printemps arabe » accouche d’une hydre islamiste active tous azimuts, les filières de recrutement dans les métropoles européennes se multiplient et les réseaux islamistes y accroissent leur implantation. Particulièrement touchée, la France se réveille de ses illusions…

La mère explique avec peine que, depuis fin décembre, elle remue ciel et terre pour retrouver son gosse.

Fred est un gamin, un petit blond, qui n’avait d’autre intérêt qu’internet et quelques copains de son quartier. Il a eu dix-huit ans un peu avant Noël et a passé le réveillon avec maman et toute la famille… Trois jours plus tard, il avait disparu…

En rentrant le soir du travail, sa mère ne l’a pas trouvé à la maison. Elle s’est inquiétée. Elle a appelé son autre fils… Rien… Puis les copains… Et, là, elle a entendu l’incroyable : son gosse est parti se battre en Syrie… Parti, faire le djihad…

Après quelques jours, elle a réussi à enfin rentrer en contact avec Fred : ils se parlent par Skype ou échangent des courriers électroniques. Les propos qu’elle entend lui paraissent incompréhensibles… Son fils lui explique qu’il est prêt à mourir pour l’Islam, qu’elle ne doit pas s’inquiéter ; grâce à lui, elle aura sa place au Paradis.

Stupéfaite, elle a mené son enquête : depuis septembre, dans la seule cité située le long de la route qui mène de Turin à Nice, ils sont une dizaine à avoir décidé de partir pour la Syrie. S’il s’agit majoritairement de jeunes gens issus de l’immigration maghrébine, certains, tout comme Fred, sont des « Français de souche », que rien ne prédisposait à s’embarquer pour le Moyen-Orient et moins encore comme candidat au martyr.

Les parents n’ont souvent rien vu venir. Les « facilitateurs », la mère de Fred pense les avoir identifiés : « Ils font les beaux dans la cité ; eux, ils ne partent pas : ils se contentent de trouver des gosses et de les envoyer là-bas. »

Il ne reste plus à cette mère célibataire qu’à espérer que son garçon se défera de l’endoctrinement qui l’a conduit à la guerre et sera de ceux qui reviennent vivants au pays. Elle a de l’espoir : l’un d’entre eux est revenu sain et sauf. Mais il a été interpellé par la Direction générale de la Sécurité intérieure (DCRI)…

C’est l’effet pervers des lois promulguées pour enrayer les départs pour le djihad, de promettre la prison à ceux qui sont déjà partis. Ainsi, Fred ne lui cache pas son inquiétude, d’être interpellé et incarcéré s’il revenait en France : via internet, il sait tout ce qui se passe en France ; lui et ses camarades ont appris que les sept Alsaciens du quartier de la Meynau, à Strasbourg, qui sont rentrés chez eux, ont tous été arrêtés et écroués pour « association de malfaiteurs ».

Selon les services de police, ils ne seraient pas loin de quatre cents jeunes hommes français à s’être engagés en Syrie (ou en voie de le faire) ; une centaine d’entre eux seraient déjà revenus en France ; une trentaine auraient payé de leur vie l’aventure.

La plupart n’ont pas de casier judiciaire ; et leur profil reste difficile à établir, compte tenu de la soudaineté de ces départs, qui prennent la plupart du temps les familles au dépourvu.

Le parallèle est fait, parfois, avec les militants socialistes et démocrates qui avaient rejoint les Brigades internationales en Espagne, pour aller combattre le coup d’État militaire et les troupes de Franco, entre 1936 et 1939, à une époque où l’endoctrinement était politique et non spirituel.

Mais cette comparaison est bien saugrenue : pas de Malraux, ni d’Hemingway, dans ces combattants issus des banlieues pauvres…

Certains intellectuels ont leur part de responsabilité dans cette affaire, eux qui, bien à l’abri derrière des micros tendus par des journalistes dont l’opinion était forgée avant même que commencent les événements, ont désigné sans nuance Bachar el-Assad comme « le méchant » à abattre, sans réfléchir aux conséquences.

Comment, en effet, les démocraties occidentales pourraient-elles se réjouir de l’arrivée au pouvoir de factions qui n’ont d’autre légitimité que celle des armes et sont prêtes à se livrer aux pires atrocités ? Une fois de plus, l’opinion occidentale se retrouve prisonnière de bons sentiments, bien éloignés de la réalité du terrain…

La montée en Europe d’un islamisme radical, qui recrute des mercenaires pour les champs de bataille moyen-orientaux, africains ou afghans, constitue une menace aux répercussions conséquentes pour la sécurité de nos démocraties.

Ces jeunes hommes, qui auront sinon commis eux-mêmes, au moins assisté à des atrocités sans nom, ne réintégreront pas la vie en société comme si rien ne s’était passé.

La police française et la Direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE) en ont pleine conscience ; elles craignent que ces jeunes gens, transformés en islamistes radicaux, ne se lancent sur le chemin du terrorisme.

Plate-forme internet et numéros verts destinés aux familles devraient permettre d’identifier de futurs combattants. Mais il est peu probable que cela suffise à décourager les candidats au départ ou à prémunir les États européens concernés des actions que les djihadistes pourraient avoir reçu l’ordre de mettre en oeuvre à leur retour…

Share.

About Author

Pierre Pouchairet

Commandant de la Police judiciaire (France) - Chargé de la coopération française en Afghanistan (2006 à 2010) - Résident à Jérusalem (Israël / Palestine)

Leave A Reply