Les bédouins, si seuls, face aux intérêts des uns et des autres… Une fois de plus, la volonté occidentale « d’imposer la définition de ce qui se passe » et d’en simplifier les termes est en train d’aller plus vite que la réalité elle-même, au mépris de toute recherche de la vérité. Les Bédouins en sont actuellement les victimes ensanglantées, oubliés de cette triste farce.
Pour « expliquer » la formation de ce monstre protéiforme au nom discutable « d’État islamique » (EI), on nous a rabattu les oreilles avec la « grande exaspération sunnite » face aux Chiites.
C’est en effet un conflit qui ne date pas d’hier et qui a sûrement un rôle, à évaluer, dans l’installation radicale de l’EI sur une large partie de la Mésopotamie.
Par contre le mensonge est total si l’on suggère que les Bédouins, qui sont sunnites en majorité, participent à cette horreur.
Les Bédouins sont les premières victimes de l’EI et nous aurions absolument tous les éléments pour le comprendre, si tant était que les médias occidentaux considéraient qu’il y aurait là « quelqu’intérêt ». À ce titre, rappelons le massacre de la tribu des Shefaat, qui vivait en Syrie (si l’on considère les frontières officielles de la région).
Voilà maintenant que l’on découvre, en Irak, deux nouvelles terrifiantes et qui en disent long sur les contre-vérités entendues sur les marionnettistes de l’EI.
D’une part, un charnier de 80 à 220 corps d’hommes de la tribu des Albu Nimr a été mis au jour dans la province d’Anbar, près du village de Hit, à l’Ouest de Bagdad. Des survivants ont expliqué que ces hommes avaient refusé de combattre du côté de l’EI et désiraient rejoindre l’armée irakienne.
Les Bédouins vivant dans des villages dispersés, il a été difficile de mesurer l’étendue des massacres (même si des corps étaient régulièrement jetés dans les rues de Hit à titre d’exemple) jusqu’à ce que cet énorme charnier soit découvert. Il ne s’agit que d’hommes, habillés du vêtement traditionnel ou à l’occidentale. C’est dans la logique des exactions de l’EI, qui a clairement déclaré partout dans la région que le fait de ne pas lui prêter allégeance serait puni de mort.
La tribu des Albu Nimr avait résisté à l’EI depuis le début d’octobre ; et l’EI a déjà diffusé une première vidéo montrant l’exécution de 46 membres de cette tribu. Peu de temps après, 30 autres membres de la tribu furent faits prisonniers et montrés dans les rues de la ville, avant d’être assassinés par balle.
Il est essentiel pour l’EI de développer au maximum des communiqués de ce type, qui participent à sa « stratégie de la terreur » ; une stratégie qui concerne aussi les tribus bédouines, car la province d’Anbar est d’une part limitrophe de la Syrie et d’autre part habitée en majorité par des tribus fort respectées et réparties dans une multitude de petits villages qui quadrillent le territoire. Les chefs bédouins sont en effet toujours obéis au doigt et à l’œil par les membres de leurs tribus et, si consigne a été donnée (ce qui semble être le cas) de ne céder en aucun cas à l’EI, la résistance bédouine représente un réel barrage à l’avancée djihadiste et à l’extension de son emprise en Syrie et en Irak.
Toutefois, il faut appréhender ces informations tout en gardant à l’esprit l’histoire de la pensée bédouine dans cette région.
Souvenons-nous des paroles du Sheik Rafaa Aakla al-Raju, de la tribu des Shefaat : il appelait les tribus de toute la région à se regrouper et à s’opposer à l’EI.
Une attitude dans laquelle s’inscrit le choix de la tribu des Albu Nimr, d’autant plus si l’on considère que les deux tribus sont « cousines » par leurs ancêtres communs, les Tay, qui furent les fidèles et infortunés frères de combat de Sir Lawrence d’Arabie.
Ainsi, sous l’œil des puissances occidentales gesticulant et manipulatrices, qui ont abandonné à son sort la ville kurde de Kobanê (nord de la Syrie), les tribus bédouines sunnites de toute cette région de la Mésopotamie sont, elles aussi sans secours, peu à peu décimées dans leur combat de résistance à l’EI.