AFRIQUE – Imaginer l’industrialisation de l’Afrique

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Le taux de croissance démographique de la population africaine équivaut au double de la moyenne mondiale. Si le continent africain n’engage pas un processus de développement déterminé, l’aggravation de ses difficultés économiques est inéluctable et se révélera exponentiel.

L’Afrique subsaharienne, qui compte 1,2 milliard d’habitants en ce début de XXIème siècle, verra sa population doublée en 2050, pour atteindre plus de 4 milliards d’individu en 2100.

Des pays actuellement producteurs et exportateurs de matières premières ou de pétrole et de gaz vont devenir importateurs. Malgré des taux de croissance entre 3 et 5%, les pays africains accusent un retard par rapport au reste du monde et ne créent pas suffisamment d’emplois pour endiguer le flot de jeunes actifs qui arrivent sur le marché du travail.

Le continent dépend des marchés internationaux qui fixent les prix des ressources naturelles, qui en plus sont exportées sans transformation selon des conditions contractuelles défavorables et des pratiques douteuses de la part des hauts responsables opérationnels.

Le secteur tertiaire reste dominant, avec une part du PIB dépassant les 44,7% ; vient en seconde position l’industrie, soit 41,5% du PIB. Mais ce dernier chiffre, sensiblement élevé, masque un sous-développement industriel des branches autres que celles du secteur minier.

La faiblesse du secteur agricole (13,8%) est la résultante de l’aridité des terres africaines, au faible niveau de pluviométrie, et de l’absence de toute politique agricole digne de ce nom.

Le produit intérieur brut de l’Afrique

En 2013, le PIB global de l’Afrique s’établissait à 2.513 milliards de dollars américains, soit seulement 4,45 % du PIB mondial (contre 2,62 % en 2008). Cela correspond grosso modo au PIB de la France ou du Brésil pour la même année.

Bien entendu ce chiffre exprimé en grandeur constante par référence à 2004, doit tenir compte des imprécisions statistiques de pays ne disposant pas d’outils fiables et performants en la matière…

La création de valeurs ajoutées est concentrée sur l’Afrique du Nord, le Nigéria (dont le PIB s’élevait à 594,257 milliards de dollars en 2013) et l’Afrique du Sud, qui totalisaient en 2015 plus de la moitié du PIB africain. Compte tenu de sa faible population et de ses richesses minières, la Guinée équatoriale dispose du PIB par habitant le plus élevé.

Le PIB par habitant moyen est l’un des plus faibles au monde, avec seulement 3.513 dollars (ajusté pour assurer la parité des pouvoirs d’achat), alors que la moyenne mondiale se situe à 14.956 dollars.

Ces chiffres sont à mettre en parallèle avec le taux de croissance de la population africaine, le plus élevé au monde et qui dépasse 2,42 % en moyenne en 2015, surtout dans les pays les moins développés, en Afrique de l’Est, de l’Ouest et Centrale. La démographie peut être une chance eu égard au rajeunissement de la population, à l’expansion de la consommation et au renouvellement des personnes en activité.

Cependant le faible niveau de production de biens et services et l’insuffisance de l’industrialisation empêchent l’émergence d’activités productives créatrices d’emplois.

Croissance économique de l’Afrique

Si la croissance économique africaine a été de 3,79% par an en moyenne sur la période 2008-2014 et fut supérieure à la croissance mondiale, cela ne doit pas faire illusion.

Les niveaux des PIB de départ sont très bas. En outre, ce sont les pays exportateurs d’hydrocarbures et des autres matières premières qui ont tiré vers le haut les valeurs ajoutées. Les pays exportateurs de pétrole ont enregistré un excédent budgétaire de 5,3 % du PIB, tandis que les pays importateurs affichent un déficit de 1,2 %, la moyenne continentale étant de 1,7 %.

L’inflation fut de 7 % en moyenne entre 2002 et 2007. En 2007, 60 % des pays d’Afrique ont connu un taux d’inflation égal ou supérieur à 5 %.

Bien évidemment, au sein des pays africains, les disparités sont substantielles. Certains d’entre eux, comme la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Ghana, l’Afrique du sud, le Nigéria, le Cameroun, le Tchad, le Sénégal, la Guinée équatoriale, l’Angola et le Mozambique peuvent accéder au statut de pays en développement. D’autres, comme le Mali, le Libéria, la République centrafricaine, le Congo (Brazzaville) ou la Somalie peuvent prétendre au statut de pays pauvres.

La Banque Mondial estime que la plupart des économies africaines sont candidates à rejoindre la catégorie des pays à revenus intermédiaires avant 2025. C’est possible, mais ce n’est pas acquis d’avance.

L’Afrique doit surmonter ses propres écueils ; en premier lieu la corruption, une gouvernance en dessous des standards internationaux, une démographie non maîtrisée avec tout ce qui s’en suit : l’exode vers les grandes villes devenues des métropoles ingérables et l’incapacité des États à dégager des ressources financières et humaines afin de construire les infrastructures appropriées en matière d’éducation, de formation, de santé et d’insertion par l’économie.

Les guerres civiles et/ou entre des pays voisins ont ruiné la stabilité du continent et ont fait perdre la confiance des investisseurs y compris de la part de la diaspora africaine.

Le changement de modèles économiques basés sur l’exportation de matières premières brutes constitue un axe majeur d’analyse.

Imaginer l’industrialisation de l’Afrique

Les colonialismes européens ont imposé un modèle de développement basé sur le pillage des matières premières et l’exportation de biens et services. Ainsi, les États africains, une fois indépendants, sont devenus des marchés récipiendaires de produits finis et des exportateurs de richesses du sous-sol brutes transformées à l’étranger et revendus au continent à des prix élevés.

L’élite africaine s’est accaparée les bénéfices de ce commerce inégal et aux gains faciles et a délaissé les activités productives.

L’évolution démographique, l’émigration des jeunes et des cerveaux, la montée des aspirations des populations à une vie meilleure imposent des choix futuristes préparant le XXIème siècle.

Tout d’abord : essayer tant soit peu de transformer les produits de base en biens semi-finis ou finis ; développer l’agro-alimentaire et développer une chaîne de valeurs intégrées ; avancer dans l’intégration économique régionale ; développer des partenariats gagnant-gagnant avec des groupes privés africains et étrangers ; créer des champions africains dans l’industrie et les services afin de pallier l’étroitesse des marchés ; et s’insérer dans un processus productif international équilibré.

C’est seulement ainsi que la pauvreté sera éradiquée et des emplois massifs créé. C’est l’intérêt de l’Afrique.

Seulement 1,1%, tel est le poids de l’Afrique tout entière dans la production manufacturière mondiale. Ce chiffre marquant est l’un des enseignements du rapport Promouvoir le développement industriel en Afrique dans le nouveau contexte mondial que viennent de publier deux organisations des Nations Unies, la CNUCED (développement) et l’ONUDI (industrie).

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L’industrie n’a jusqu’ici contribué que de manière modeste à la croissance africaine. L’Afrique ne représente donc encore qu’un très faible pourcentage de la valeur ajoutée manufacturière mondiale (VAM) et des exportations manufacturières mondiales : 1,1% et 1,3% respectivement, pour 2008.

De 1980 à 2013, le poids de l’industrie dans l’économie du continent a régressé de 12 % à 11 %, se maintenant ainsi au plus bas niveau de toutes les régions en développement.

Sans processus de démocratisation concret et tant que les élites africaines continueront de tirer personnellement profit du jeu de dupe actuel, l’industrialisation de l’Afrique sera… à imaginer.

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About Author

Camille Sari

Économiste - Chercheur-associé à l'Université du Québec de Montréal - Président de l'Institut euro-maghrébin d'Études et de Prospectives

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