ALGÉRIE – « Non au gaz de schiste ! »

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Le gouvernement algérien est désormais confronté à des manifestations nationales de masse contre l’exploitation du gaz de schiste, une contestation populaire qui englobe des enjeux sécuritaires, économiques et énergétiques. Sous l’impulsion du gouvernement du président Abdelaziz Bouteflika, qui a pris la décision de faire exploiter le gaz de schiste par la compagnie pétrolière nationale Sonatrach, les premiers essais exploratoires ont commencé à In Salah, au cœur du Sahara, où a été localisé l’un des plus prometteurs gisements de gaz non conventionnel. Mais ce feu vert gouvernemental a été très mal accepté par les habitants d’In Salah, qui ont manifesté leur refus du projet industriel.

ALGERIE - Mars 2015 - Abderrezak BOUNESSAH'Le gouvernement algérien a cru pouvoir étouffer la contestation en déployant les forces de police contre les manifestants ; mais c’était sous-estimer l’ampleur de l’opposition, qui s’est soudainement étendue dans tout le pays, avec plusieurs démonstrations populaires qui ont touché les 48 wilaya [ndlr : le territoire algérien est organisé en 48 circonscriptions (provinces ou départements) appelées « wilaya »]. Les foules exigeaient l’arrêt des exploitations, qui risquent de mettre en danger la santé des populations locales et de détruire l’environnement, principalement par la pollution de la source essentielle de vie dans le Sahara : l’eau.

La chute des prix du pétrole et du gaz, provoquée par l’augmentation de l’offre sur les marchés par les pays grands exportateurs, comme les monarchies du Golfe et l’Arabie Saoudite en particulier, conjuguée au recul des réserves de change de l’Algérie du fait de la hausse des importations et l’effondrement des rentrées, qui ont chuté de 10 milliards de dollars entre fin mars et fin septembre 2014, est l’un des facteurs essentiels qui ont poussé le gouvernement d’Abdelaziz Bouteflika a s’engager dans l’aventure du pétrole de schiste.

Ainsi, comme l’a indiqué le ministre algérien de l’Énergie, Yousef Yousfi, lesrevenus nationaux des exportations de pétrole ont chuté mensuellement de près 2 milliards de dollars. C’est un coup très dur et d’une conséquence encore mal définie, qui menace la stabilité du pays et sa sécurité économique, qui est dépendant à plus de 90% de l’exportation des hydrocarbures ; pour l’État algérien, l’année 2015 commence sur cette question fondamentale des enjeux économiques et de la menace sécuritaire que lui imposent, respectivement, l’Arabie Saoudite, qui mène une véritable « guerre du pétrole » visant à briser ses nouveaux concurrents, et l’état de délabrement politique de la Libye voisine, où s’est d’ores et déjà implanté l’État islamique, qui menace toute la zone saharienne.

Classée troisième dans le palmarès des dix pays potentiellement producteurs de gaz de schiste, l’Algérie vise donc à augmenter sa production pour satisfaire à ses propres besoins énergétiques et, surtout, à développer ses exportations vers les pays de l’Union européenne, profitant du contexte actuel de crise entre l’Union européenne et la Russie à propos de l’Ukraine et des menaces de la Russie de stopper ses exportations du gaz vers l’Europe, pour prendre des parts de marché.

ALGERIE - Mars 2015 - Abderrezak BOUNESSAH''

C’est là tout le dilemme qui se présente aujourd’hui pour le gouvernement Bouteflika : soit profiter de l’opportunité d’accroître sa clientèle européenne, non sans l’espoir d’une remontée progressive des cours du pétrole d’ici la fin de l’année 2015, à savoir une opération juteuse et bénéfique, à long terme, pour le trésor algérien, mais qui reposerait sur le développement de l’exploitation du pétrole de schiste et, dès lors, l’obligerait à faire face à la contestation populaire ; soit renoncer à ce projet et calmer la crise politique majeure qui menace le gouvernement et que ses adversaires politiques ne manqueront pas d’attiser et d’utiliser à leur avantage…

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Abderrezak Bounessah

Politologue (Alger – ALGÉRIE)

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