BAHREÏN – « Ce qui se passe, c’est une tentative de coup d’État ! » Lettre ouverte du Consul général du Royaume de Bahreïn en France

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Dans une lettre ouverte adressée au Rédacteur en chef du Courrier du Maghreb et de l’Orient, Jassim Mohammed Biljeek, Consul général du Royaume de Bahreïn en France, réagit à l’article « Bahreïn – Retour sur une révolution trahie », publié dans notre édition du mois d’août.

Monsieur le Rédacteur en chef,

À la lecture de l’article publié dans Le Courrier du Maghreb et de l’Orient de ce mois d’août 2014, sous le titre « Bahreïn – Retour sur une révolution trahie », il m’a paru nécessaire de vous écrire.

Tout d’abord, je tiens à souligner que ce qui se passe à Bahreïn n’a pas de lien avec les revendications démocratiques comme veulent le faire croire ceux qui se disent de l’opposition nationale.

L’article soulève la question de savoir ce qu’est l’appartenance à une nation dans un système politique libéral.

Est-ce la gouvernance d’hommes religieux d’une seule communauté ou la création d’une république islamique à l’image du régime iranien, comme l’a déclaré l’ancien secrétaire général adjoint de l’association chiite al-Wefaaq, Hussein Mushaima ?

Votre revue est-elle partisane de la création d’un État de velayat al-faqih [ndlr : système politique, prôné en Iran par l’Ayatollah Khomeyni, qui soumet le gouvernement de l’État à l’autorité religieuse] ?

Savez-vous que ceux que cet article appuie ont refusé de façon catégorique l’adoption d’un code de la famille qui protège les droits de la femme, quelle que soit la communauté dont elle est issue ?

Malheureusement, les Chiites ont refusé toute législation en la matière pour laisser les religieux -et non pas les magistrats- seuls compétents sur les questions qui relèvent de la famille.

Ce refus laisse la situation de la femme dépendante du contenu de fatwas discriminatoires.

Face à ce refus, les autorités ont promulgué le code de la famille dans sa partie sunnite.

Cette année, nous avons connu une recrudescence de la violence, avec des fatwas et des discours religieux incitatifs à la violence, telle que la fatwa de l’Ayatollah Sheikh Isa Ahmed Qassim : « Éliminez les pour leur appartenance ! » Il s’adressait aux Chiites et leur intimait l’ordre d’éliminer les Sunnites ainsi que les forces de l’ordre du Royaume.

La violence est montée d’un cran : de manifestations violentes à la fabrication de bombes et d’engins artisanaux, jusqu’à la possession d’armes et de munitions par des milices radicales qui sévissent dans les villages.

Vous êtes sans aucun doute au courant, d’autant plus que les réseaux sociaux en ont relayé l’information, de l’existence à Bahreïn des groupes armés terroristes Saraya al-Ashtar et Saraya al-Mokhtar, qui ont revendiqué les attentats ayant ciblé les forces de l’ordre et l’explosion de voitures piégées dans des espaces publics. Ils ont aussi revendiqué les attentats qui ont ciblé la main d’œuvre étrangère à Bahreïn, dans le but de paralyser l’économie du pays.

La plupart de ces actes criminels sont survenus après la promulgation des fatwas du leader spirituel Issa al-Qassim. Nous avons dénombré, entre décès et blessés, près de mille personnes parmi les forces de l’ordre, frappées alors qu’elles accomplissaient leur devoir.

Un ressortissant britannique a été victime d’agression, en février 2012, attaqué par une de ces milices armées, et il a eu le doigt coupé avec une épée.

Le muezzin d’une mosquée sunnite a eu la langue coupée, parce qu’il n’était pas chiite…

Je tiens à préciser que le Royaume de Bahreïn est, par tradition, un pays tolérant sur le plan des libertés religieuses.

Je peux vous assurer qu’il est le plus tolérant dans la région du Moyen-Orient : diverses communautés, toutes religions confondues, vivent en paix dans le pays, depuis des millénaires. À côté des mosquées, nous avons des églises et des temples, en plus des lieux de cultes pour les Hindouistes.

En votre qualité de reporter spécialisé dans le Moyen-Orient, vous ne pouvez ignorer la dernière visite de Sa Majesté le Roi au Vatican et sa rencontre avec sa Sainteté le Pape, pour la construction de la plus grande cathédrale catholique dans la région.

La communauté chiite dans le Royaume a ses propres rites ; la célébration de la fête de l’Achoura, commémorant la mort de l’Imam Hussein, s’accompagne de rites violents. Les chiites s’auto flagellent dans les rues et certains se frappent le crâne avec des sabres jusqu’à ce que le sang coule. Les autorités ne peuvent pas intervenir pour empêcher ces scènes de violences et les laissent se dérouler, car cela fait partie de la croyance chiite, même si ces scènes de violence choquent l’opinion publique.

C’est dire la liberté dont la communauté chiite bénéficie dans le pays. Bien plus : le gouvernement met à leur disposition des médecins et des ambulances dans des lieux où ils célèbrent l’Achoura.

Imaginez un seul instant si ces faits se déroulaient sur la voie publique dans un pays occidental : quelle serait la réaction des autorités ?

Par ailleurs, s’agissant des derniers événements, Sa Majesté le Roi a mis en place une commission d’enquête, composée d’experts internationaux, afin de faire la lumière sur ces événements et sur les cas d’abus rapportés. Des dispositions ont été prises, afin de garantir les droits des personnes arrêtées. Les auteurs des exactions ont été traduits en justice et des procès se sont tenus, conformément à nos lois et à notre législation pénale.

De nombreuses recommandations du rapport Bassiouni ont été appliquées et la main tendue des autorités pour un dialogue national est toujours d’actualité.

Ce qui se passe actuellement à Bahreïn, c’est une tentative de déstabilisation. Le scénario du coup d’État de Khomeiny contre le Shah se répète.

Khomeiny, qui se trouvait à Neauphle-le-Château, en France, appelait à l’instauration d’une démocratie dans le but d’avoir plus de soutiens à l’extérieur et à l’intérieur de l’Iran; mais, une fois au pouvoir, il a instauré une république islamique avec obéissance à Dieu et soumission au guide spirituel en la personne de Khomeiny lui-même.

Depuis les événements de 2011 et 2012, le Bahreïn a connu des avancées significatives en ce qui concerne les Droits de l’Homme.

Depuis l’arrivée au pouvoir de Sa Majesté le Roi en 1999, des réformes ont été accomplies dans les domaines politique, économique et social.

C’était bien avant le « Printemps arabe » ! Cela fait plus d’une quinzaine d’années.

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Jassim Mohammed Biljeek

Consul général du royaume du Bahreïn en France

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