URGENT / TURQUIE – Amnesty International sur la liste des organisations terroristes…

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Rien n’arrête le progrès… du totalitarisme, en Turquie.

Depuis l’échec du coup d’État militaire de juillet 2016, qui visait, selon toute vraisemblance (les motivations exacte des putschistes n’ont pas –encore- pu être clairement précisées), à arrêter l’islamisation du pays et la marche de l’AKP vers le pouvoir absolu, l’ancien premier ministre devenu président plénipotentiaire à la faveur d’un référendum remporté de justesse (mais remporté quand même) accélère le pas pour en arriver aujourd’hui à une cadence effrénée dans l’instauration en Turquie de ce qui se présente désormais sans plus aucune ambiguïté comme une dictature sans pitié pour qui s’y opposerait d’une quelconque manière.

Dernière étape en date, l’arrestation d’Idil Eser, directrice de la célèbre ONG de défense des Droits de l’Homme, Amnesty International, et de plusieurs de ses collaborateurs, dont un Allemand et un Suédois qui participaient à un atelier sur les libertés individuelles. En juin déjà, le président d’Amnesty International Turquie, Taner Kiliç, avait été arrêté ; il est actuellement toujours sous les verrous.

L’accusation ne varie pas : liens avec (ou appartenance à) une organisation terroriste. Dans le cas du président d’Amnesty Turquie, l’organisation terroriste en question a été nommée ; il s’agit de l’organisation dirigée par l’ancien allié politique d’Erdogan et dont il est devenu la bête noire,  Fethullah Güllen, que le président turc accuse depuis un an sans en avoir jamais apporté les preuves d’avoir fomenté le coup d’État de 2016. Dans le cas d’Idil Eser et des membres d’Amnesty Turquie, le nom de l’organisation terroriste présumée n’a pas été mentionné lors de l’émission des chefs d’accusation. Mais des rumeurs évoqueraient le PKK… Enfin, concernant les deux citoyens ressortissant de l’Union européenne, tous deux formateurs dans le domaine de « la protection des données informatiques », la presse turque (la presse « officielle ») évoque des soupçons « d’espionnage… et de financement d’une organisation terroriste ».

Comme à l’époque de l’après 11 septembre 2001 et de l’ère Bush, le « terrorisme » est devenu le leitmotiv du régime de l’AKP dans sa traque de l’opposition sous toute ses formes.

Ainsi, après avoir purgé les institutions turques de toute opposition (démission et parfois emprisonnement de dizaines de milliers de fonctionnaires, enseignants, magistrats… et même de parlementaires élus), sous prétexte d’appartenance à ceci ou cela, puis avoir attaqué frontalement les médias et emprisonné ou poussé à l’exil les journalistes qui se montraient critiques à son égard, l’AKP élimine à présent les derniers remparts de la démocratie et des libertés individuelles, à savoir les ONG de défense des Droits de l’Homme.

En s’en prenant à Amnesty International, qui n’est pas la moindre, le parti quasi unique montre qu’il peut dorénavant tout se permettre et que les autres organisations droits-de-l’homiennes n’ont qu’à bien se tenir si leurs membres ne veulent pas goûter à l’inconfort des geôles du régime.

En commençant cette nouvelle purge par Amnesty, le régime donne en effet le ton, en montrant qu’il peut s’attaquer impunément à l’une des plus puissantes et prestigieuses de ces ONG. Le message est clair : absolument plus personne n’est à l’abri ; le pouvoir est omnipotent.

Conséquemment, deux questions se posent d’une manière de plus en plus aiguë…

La première : de quel pouvoir s’agit-il en réalité ? Celui d’un parti, d’un appareil, l’AKP, version turque des Frères musulmans en quête de la réalisation d’un État islamique ? Ou le pouvoir personnel d’un seul homme, Recep Tayyip Erdogan, au-delà de toute idéologie ou principe politique ?

La seconde, probablement plus fondamentale : que veulent donc les Turcs ? La majorité d’entre eux, du moins… Pourquoi ont-ils donné par les urnes une majorité à un parti islamiste affiché ? Pourquoi se sont-ils dressés contre les militaires qui, dans l’histoire de la Turquie, ont toujours garanti l’exercice de la démocratie laïque kémaliste et n’ont jamais pris le pouvoir que pour la défendre et la restaurer ? Et pourquoi, par le référendum sur la réforme de la constitution, ont-ils ensuite donné les quasi pleins pouvoirs à cet homme qui ne cachait pourtant pas ses intentions ?

Autrement posée : les Turcs seraient-ils majoritairement islamistes et opposés au modèle démocratique occidental imposé en Turquie par la révolution kémaliste ?

Peut-être, en effet, la « Turquie moderne » n’est-elle en fin de constat qu’un mythe.

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Pierre Piccinin da Prata

Historian and Political Scientist - MOC's Founder - Editorial Team Advisor / Fondateur du CMO - Conseiller du Comité de Rédaction

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