EDITORIAL – Version française

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L’Islam en questions ! Nombreuses…

Les attentats de Bruxelles, qui se sont enchaînés après ceux de Paris et de Tunisie, suivis de la disparition de l’avion d’Egyptair en mer Égée, ont relancé la vive polémique qui gronde sur les réseaux sociaux à propos de la violence de l’Islam.

Passé sous licence dans le discours très policé des médias « grand-public », ce débat a été porté sur le devant de la scène par Le Courrier du Maghreb et de l’Orient, qui a consacré plusieurs focus à cette problématique éminemment présente dans les esprits, et ce en Orient comme en Occident.

La rédaction a donné la parole aux salafistes fondamentalistes tout comme aux partisans d’un Islam « modéré », souvent dénommé « Islam de France », de ce pays où le débat semble plus vif qu’ailleurs, en Allemagne, au Royaume-Uni ou en Italie, où la communauté musulmane est pourtant très ancrée là aussi.

La toile ose dorénavant poser crûment et sans détour certaines questions qui fâchent et auxquelles les réponses franches et directes parfois fournies dérangent plus encore…

« Pourquoi les Musulmans ‘modérés’ opposent-ils le Coran à la Sunna ; et la Sunna au Coran, pour décider comment se comporter dans tel ou tel cas ? Ne faudrait-il pas choisir une bonne fois pour toute lequel des deux textes a plus de valeur que l’autre ? À moins que… À moins que faire tantôt annuler la Sunna par le Coran et tantôt le Coran par la Sunna ne révèle une attitude d’accommodements techniques qui permettraient à chacun de s’arranger en fonction des besoins du moment… »

« Pourquoi ‘l’Islam d’Europe’ remet-il en question par l’exégèse tout ce qui déplaît en Occident ? Pourquoi, quand le Coran dit qu’il n’y a qu’un seul Dieu, les Musulmans d’Europe l’admettent-ils sans entreprendre une longue réflexion d’interprétation à ce propos ? Et pourquoi, en revanche, se lancent-ils dans de tortueux exercices de contournement de la règle quand le même Coran dit qu’il est permis à un mari de battre sa femme ? Ah, ben… Oui, évidemment ! C’est parce que cette règle coranique est en opposition avec les lois en vigueur en Europe ! Alors, là, forcément, il faut… ‘interpréter’… »

« Les Salafistes n’appliquent-ils pas l’Islam véritable ? N’y a-t-il pas une grande part d’hypocrisie dans ce qu’on qualifie ‘l’Islam modéré’, et une foule de petits arrangements personnels ? »

La réponse peut choquer, heurter, déranger, parce qu’il est souvent désagréable de lever le voile. Mais la parole est aussi à ceux qui prennent les risques d’écrire !

L’autre grande question du moment, c’est bien sûr l’évolution de la guerre qui, selon certains analystes, pourrait tourner court pour l’État islamique, combattu avec succès tant par l’armée régulière syrienne, appuyée par la force aérienne russe, que par les milices chiites d’Irak, qui ont fait plus que suppléer à la faiblesse de l’armée irakienne et repoussent sur tous les fronts les djihadistes du Calife Ibrahim.

Mais, plus immédiatement, c’est l’avenir de la nation kurde qui attire l’attention des observateurs, à un moment où Bagdad a complètement perdu le contrôle du Kurdistan irakien, dont le président, Massoud Barzani, appelle à la tenue d’un nouveau referendum sur l’indépendance, et où achève de capoter le petit jeu turc qui visait à l’écrasement des Kurdes de Syrie par un soutien logistique et militaire aux combattants de l’État islamique.

Les Kurdes ont le vent en poupe et rien ne les empêche plus, désormais, d’imposer leurs règles à ce jeu régional qui captive le Monde entier.

En Syrie, les forces kurdes semblent avoir passé des accords avec le régime de Bashar al-Assad, avec lequel elles combattent désormais aussi bien les troupes de l’État islamique et d’al-Qaeda en Syrie (Jabhet al-Nosra, qui tient encore une importante partie du gouvernorat d’Idlib et a remplacé à Alep les révolutionnaires de la première heure), que les reliquats de cette révolution perdue, les dernières brigades de l’Armée syrienne libre (l’ASL), assaillies de toutes parts et réduites à la portion congrue, une poche devenue indéfendable, dans le nord-ouest du gouvernorat d’Alep. La récente offensive des forces kurdes (YPG) en direction d’ar-Raqqa, la capitale de l’État islamique, pourrait ainsi inaugurer le début d’une fédéralisation forcée de la Syrie…

En Irak, les Peshmergas semblent avoir atteint presque tous leurs objectifs territoriaux… et renoncé à poursuivre plus avant la lutte contre l’État islamique.

Tout le long du front, commence à se dresser, sur des centaines de kilomètres, un impressionnant limes, réseau ininterrompu de fortifications édifiées par les combattants kurdes, qui matérialise ainsi la frontière d’un Kurdistan dont une partie des responsables politiques en Irak promettent de plus en plus ouvertement l’indépendance avant la fin de l’année 2016 ; avec la bénédiction de leurs alliés d’Ankara, qui seraient trop heureux de voir se figer les frontières d’un Kurdistan en Irak, excluant de facto les territoires kurdes de Syrie et de Turquie.

C’est à ce stade des événements que l’imbroglio kurdo-kurde devient passionnant : si le Parti démocratique du Kurdistan (PDK), le jouet politique du vieux filou Barzani, s’accommode parfaitement des plans de son principal soutien régional, le Sultan Erdogan, et s’apprête à sacrifier ses frères de Syrie et de Turquie, l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), l’autre grand parti des Kurdes d’Irak, ne l’entend pas de cette oreille et appuie de tout son poids les efforts du PKK qui a créé et promeut en Syrie le YPG, les forces kurdes de Syrie, que les Peshmergas du PDK isolent honteusement en fermant la frontière irakienne à tout ravitaillement et renfort leur étant destiné… Des tensions qu’aggravent encore l’effondrement des prix du pétrole que se disputent aujourd’hui plus âprement qu’hier les factions kurdes, aux allures, parfois, de clans mafieux irréductibles… Quelle sera l’issue de ce bras-de-fer qui dresse à nouveau les Kurdes les uns contre les autres et rappelle la guerre civile que s’était livré le peuple kurde dans les années 1990 ?

Une issue et une détermination kurde unilatérale qui, à n’en pas douter, surviendront au nez et à la barbe des Occidentaux engagés dans la partie, de Washington tout particulièrement, pour  précipitamment décider de tout l’avenir de la région, de la Syrie, d’un Sunnistan séparé d’un État irakien dès lors amputé et de la géostratégie locale élargie aux enjeux essentiels qui prévalent sur toute autre considération, à Riyad et à Téhéran, dont les repositionnements apporteront très certainement leur lot de (mauvaises) surprises, comme on le sait bien au Yémen déjà, au cœur de ces populations désillusionnées et accablées du Moyen-Orient, ravagé par de trop longues années d’un vaste et incessant conflit qui ne laissera bientôt plus rien à détruire.

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Pierre Piccinin da Prata

Historian and Political Scientist - MOC's Founder - Editorial Team Advisor / Fondateur du CMO - Conseiller du Comité de Rédaction

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