ISLAM – L’Occident, l’autruche et le djihadiste

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Comprendre le phénomène des attentats et du djihadisme, pour y mettre un terme ? C’est possible ! Mais il faudra  tout d’abord en finir avec les explications simplistes… L’Occident refuse en effet d’aborder le fond de la question et, comme l’autruche, garde la tête dans le sable.

Pourquoi des attentats islamistes un peu partout dans le monde se produisent-ils à notre époque ? Des sociologues, des politologues, des psychologues, mais aussi des criminologues ont donné leur avis. Si certaines nuances sont apportées par les uns, dans la plupart des cas, l’explication proposée de ce phénomène de violence est monocausale et procède plus de certitudes affirmées que d’une analyse de la multiplicité des réalités.

Le phénomène de l’attentat terroriste est-il nouveau ?

Très antérieurement à la vague d’attentats « islamistes » à laquelle le monde est confronté aujourd’hui, d’autres organisations ont pratiqué le terrorisme : les mouvements anarchistes ou nationalistes, les mouvements totalitaristes ou encore des mouvements idéologiques comme des organisations socialistes. Le recul historique qui nous sépare des périodes auxquelles ces mouvements étaient actifs a permis de saisir les motivations de ceux que l’on appelait alors déjà des « terroristes ».

Certes, on notera que les objectifs des attentats ont changé : si, autrefois, il s’agissait de cibler le pouvoir et d’assassiner des personnalités politiques, aujourd’hui, les attentats ciblent principalement les citoyens, en masse, et moins les autorités.

Cependant, une constante demeure : on ne saurait systématiser les motivations du « terroriste type », ni ramener les différents acteurs du terrorisme à un « profile type ».

C’est ce qu’Albert Camus décrit magistralement dans Les Justes, pièce de théâtre qui met en scène les membres d’une organisation socialiste préparant un attentat terroriste dirigé contre le grand-duc de Russie. Camus y dépeint merveilleusement les différentes motivations et la complexité des approches qui animent les terroristes et les poussent à agir, jusqu’à faire le choix de sacrifier leur propre vie… Une œuvre de toute actualité, qui souligne l’importance de ne pas limiter l’analyse du phénomène terroriste à un « profil type ». Ce que la lecture de la pièce de Camus rappelle à l’observateur, c’est que, pas moins aujourd’hui qu’hier, le phénomène des attentats terroristes prend sa source dans un large panel de motivations et que ceux qui décident de passer à l’acte ne partagent pas nécessairement les mêmes marqueurs sociologiques.

Quelques motivations de personnes qui s’impliquent dans les groupes terroristes…

Il est important de se rendre compte qu’en fonction des événements, les motivations des personnes à s’impliquer dans ces organisations terroristes sont différentes. Notons également qu’il est possible que pendant le processus de leur intégration à ces mouvements, les personnes impliquées décident à un moment donné de ne plus adhérer aux objectifs et pratiques de ces mouvements. Il est également intéressant d’observer que l’intégration actuelle de ces personnes à ces organisations terroristes en lien avec l’Islam ne font pas forcément de toutes ces dernières des Musulmans « radicalisés », ce profil n’étant qu’un profil parmi d’autres présents au sein des organisations en question.

L’humanitaire – L’accès à l’information a permis de savoir ce qui se passait en Syrie ; les images des blessés et des morts en boucle sur les chaînes télévisées donnent envie d’aller aider. Ce type de profil avait plus de sens avant l’apparition de l’État islamique (EI) ; d’ailleurs, des personnalités politiques ont considérer, à l’époque, que cette démarche avait un caractère altruiste…

Le politique – Avertis des enjeux dans cette région, des personnes vont s’impliquer dans ce conflit en fonction des causes qu’elles soutiennent. Un exemple est celui de Kurdes, qui ont rejoint les Peshmergas dans le Kurdistan irakien ou en Syrie, qui se battent contre l’EI…

L’identitaire – Les discriminations et les différents types de racismes que peuvent subir certains individus ont motivé ces derniers à tenter une autre vie ailleurs, dans cette aspiration à s’approprier une identité et à la voir reconnaître et considérée.

La violence – Certains individus sont passé à l’acte moins sous l’influence de la religion que par attrait pour la violence en elle-même, provenant d’une tout autre sphère que celle des textes religieux, à savoir celle des jeux vidéos ou encore du cinéma actuel, avec le désir de vivre en situation réelle ce qu’ils vivaient par procuration.

La radicalité – Utilisant ou connaissant des textes provenant principalement des traditions musulmanes, des individus vont extrapoler des messages qui intègrent ces textes afin d’accomplir ce qui semble être la voie à suivre : mourir en martyr et la sacralité de la mort. Puisque le contexte est guerrier, le sens des textes, souvent mis de coté par les Musulmans eux-mêmes, devient clair, en fonction de la violence qui existe déjà dans ces pays.

Le mariage – Une motivation qui concerne majoritairement des femmes, qui vont être mariées à des jihadistes ; mais elles peuvent également adhérer à certaines motivations identitaires ou politiques. Il y a également une tendance à vouloir créer une nouvelle société avec l’EI, ce qui a participé à la volonté de ces femmes de quitter leur pays pour vivre dans une société islamique.

L’étude des motivations des groupes terroristes, qu’ils se développent au Moyen-Orient, en Afrique ou en Asie, met en évidence une même structure, des personnes qui désirent le changement, mais qui passent à l’acte sur base de motivations ou d’ensembles de motivations divers et donc de profils très différents.

Il est à noter également que la proximité et la disponibilité des transports a augmenté le phénomène des départs pour la Syrie, en particulier.

Quelles solutions pour l’avenir de tous ?

Pour appréhender ce qui se passe dans les différents pays où il y a eu des attentats ces dernières années, il est utile que les motivations évoquées plus haut soient mises en perspectives par rapport aux lacunes sociales et aux problèmes sociétaux spécifiques à ces États. En effet, c’est dans ces lacunes et problématique que se situe l’origine des motivations que nous avons épinglées plus haut et, si des solutions concrètes y étaient apportées, l’insécurité liée à l’activité terroriste diminuerait certainement.

Tant qu’il y aura des crises avec implication d’acteurs multiples, le climat d’insécurité et d’instabilité se développera dans les différentes sociétés impliquées dans ces crises et donc responsables.

Tant que les gouvernements de ces États ne s’attelleront pas à créer les conditions d’un avenir satisfaisant à proposer aux jeunes, d’autres le feront : ces alternatifs sont aussi les plus violents qui proposeront ce futur à ces jeunes.

Tant que perdurera ce rejet de l’autre et de ses identités dans ces sociétés, il existera toujours un terreau propice à exploiter ceux qui vivent en marge de la société.

Tant qu’un travail de fond n’aura pas été réalisé sur les textes religieux ou de traditions religieuses susceptibles d’être utilisés à des fins de violence, il y aura toujours une porte ouverte à un extrémisme au nom de la religion.

La liste est longue encore…

Ainsi, on le voit bien : tant que les responsables gouvernementaux et les médias des États concernés pratiqueront la politique de l’autruche, inconsciemment ou à dessein, et n’accepteront ni d’admettre cette complexité des motivations propres aux acteurs du terrorisme, ni d’en parler ouvertement, les solutions ne pourront pas être élaborées, ni, par le fait, mises en œuvre.

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Ikram BEN AISSA

Politologue - Chercheur en Sociologie des Religions (Iran et Chiisme) à l'Université Libre de Bruxelles (BELGIQUE)

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