IRAN – Un regard conceptuel vers la liberté

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Signé le 14 juillet 2015 à Vienne, le « Plan d’action conjoint » redonne espoir à un pays économiquement isolé depuis des décennies. Après des années de tergiversation, l’accord a été accepté dans la capitale autrichienne par les cinq membres du Conseil de Sécurité des Nations Unies et l’Allemagne (P5+1), par le haut représentant de l’Union européenne et par la République islamique d’Iran… Un accord qui aboutit à la levée des sanctions économiques que l’UE, les États-Unis et une large partie de la Communauté internationale faisaient peser sur Téhéran, en échange de quoi l’Iran réduira son programme de développement nucléaire. Mais un accord qui procède aussi de l’espoir nourri par l’Occident de régler avec l’aide de l’Iran les problèmes de sécurité éminemment préoccupants qui enlisent le Moyen-Orient.

Mais quelles sont désormais les perspectives d’évolution démocratique pour la population iranienne ? L’accord, d’ordre éminemment économique, ne néglige-t-il pas les libertés individuelles ?

Si nous reconnaissons le Plan d’Action Conjoint comme un accord international entre l’Iran et les pays occidentaux, nous trouverons deux approches humanitaires dans ce domaine : les supporters et les opposants. À cet égard, en prétextant du concept de « liberté », nous on peut lire cette problématique dans le cadre conceptuel et philosophique de la théorie d’Isiah Berlin…

Définissons ainsi les Droits de l’Homme comme un ensemble de libertés faisant face à la souveraineté étatique ; deux approches sont alors pertinentes, la définition des droits fondamentaux et la question de la liberté.

Berlin présentait deux définitions différentes de la liberté : la liberté positive et la liberté négative.

La première désigne les libertés politiques dans une société. Cette liberté est particulièrement remarquable à des périodes historiques précises ; et son approche répond strictement à la question suivante : dans quelle mesure le gouvernement pourra-t-il intervenir sur les dimensions privées des individus ?

En général, les libéraux classiques, comme Benjamin Constant, ont reconnu la liberté politique comme un élément très critique et important de la vie quotidienne. Par exemple, Hannah Arendt croit que les personnes sans liberté politique sont exactement comme « des cadavres sans âmes ». Elle ajoute qu’ils sont soumis à un niveau élevé d’aliénation.

La plupart des opposants du Plan d’action conjoint mettent l’accent sur cette dimension : ils estiment que l’esprit du Plan a pour base des intérêts économiques bilatéraux. C’est-à-dire que, en Iran, il ne s’agira pas de promouvoir la dimension des Droits de l’Homme, qui pourront être sacrifiés. Ils insistent donc sur la critique des politiques internes, et persistent à croire qu’il y aura toujours de nombreuses entorses aux droits politiques, notamment sur la question de la femme. En fait, ils considèrent toujours que tout accord avec l’Iran doit inclure la dimension humanitaire.

En formulant ces critiques, la première approche s’oppose au Plan d’action conjoint.

La deuxième définition de la liberté met en réflexion une autre question plus essentielle et fondamentale que la première : qui peut régner sur les citoyens ?

Il s’agit d’une définition plus spirituelle, selon les avis des philosophes et théoriciens contemporains. Cette définition considère le niveau collectif des droits. En d’autres termes, il s’agit de savoir dans quelle mesure il est possible d’accorder confiance aux gouvernants, en tant que personnes qui seront capables ou auront la volonté de trouver des solutions aux origines des problèmes.

Si l’on accepte cette définition de la liberté, il fait considérer les dimensions collectives des Droits de l’Homme, comme les questions de l’environnement, des politiques économiques, de la pauvreté, des stratégies internationales…

Sur base de ces arguments, les défenseurs du Plan croient que, si le Plan ne mettra pas nécessairement fin aux violations individuelles des Droits de l’Homme en Iran, par contre, il mettre fin aux sanctions internationales qui violaient les droits de population iranienne dans son ensemble.

Ainsi, il est un fait que les sanctions économiques jouaient un rôle majeur sur l’accès aux ressources sensées satisfaire les besoins fondamentaux. Les défenseurs du Plan mettent en évidence les effets négatifs des sanctions, en présentant nombre d’éléments et indicateurs socio-économiques : les sanctions renforçaient considérablement la pauvreté socio-économique en Iran. Par exemple, l’inflation économique fut quatre fois plus importe entre 2006 et 2013 (39.3% en 2013). Des chiffres qui montrent comment le pouvoir d’achat fut diminué dans des proportions lourdes de conséquences pour les ménages.

En soulignant la croissance économique négative, si l’on considère d’autres indicateurs économiques au cours de cette période, on se rend compte que tous ont suivi la même pente. Il est clair que ces phénomènes ont eu un effet majeur sur la vie de la population. Il n’est que la violation directe des droits des personnes en Iran.

Berlin ne rejette aucune des deux définitions évoquées. Il croit que ces deux approches sont comme deux lignes sécantes dans l’espace social. En effet, on peut admettre, historiquement, des points communs entre les deux approches. Berlin, bien sûr, ajoute qu’il faut combiner les deux niveaux de liberté, parce qu’il serait plus profitable de bénéficier des deux. De plus, cette combinaison sera régulée par les normes et par la culture de chaque société.

Certes, en Iran, suivant la première définition de la « liberté », l’acceptation du Plan peut être perçue comme une gifle à la face des Droits de l’Homme, car elle confortera la souveraineté gouvernementale. Par contre, les sanctions violent et ciblent directement les droits humanitaires et les libertés économiques.

En fait, la poursuite des sanctions auraient été plus dangereuse pour les Droits de l’Homme, et le Plan d’action conjoint était le seule choix possible pour garantir les libertés économiques.

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Mahdi Aghajanloo

Politologue (Institut des Sciences sociales du Politique (ISP/CNRS) - Université Paris Ouest Nanterre - La Défense (Paris - FRANCE)

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