JUDAÏSME – Plus qu’une foi, une culture et une civilisation

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Le judaïsme n’est pas seulement une foi, une forme de culte, un code d’observance et un système de valeurs morales. Il constitue la somme des expériences du peuple juif à travers les âges. Il reflète ses joies et ses angoisses, ses luttes et ses triomphes, ses souvenirs et ses aspirations, la progression de ses idées morales et sa conception du monde.

Judaïsme (Albert GUIGUI)[103574]La religion s’identifie intimement avec le peuple, son histoire, sa culture et sa civilisation. Elle englobe la totalité des attitudes et des pratiques juives, le style de vie juif, les idéaux et les idées, en un mot tout ce que le génie créateur juif a produit à travers les âges

La foi juive est d’abord la foi en Dieu telle qu’elle est ancrée dans la Torah, mais elle est beaucoup plus que cela. Le judaïsme est l’ensemble des notions, des concepts, des commentaires, des interprétations, des lois qui sont rassemblés dans le Talmud, ce livre de la tradition orale, presque aussi important pour les juifs que la Torah. Le judaïsme est aussi l’ensemble des souvenirs et des espérances de toute une communauté. Le juif d’aujourd’hui, comme celui d’hier, se réclame de l’enseignement de Moïse, fondateur de la nation, législateur, commandant en chef de la première armée de libération nationale. Mais il se réclame aussi de David, ancêtre du Messie et des prophètes comme Isaïe et Jérémie. Etre juif, c’est assumer ce passé parfois lourd de menaces mais aussi illuminé par la promesse de l’arrivée du Messie : l’Histoire va quelque part pour s’améliorer, pour répandre la paix. Il est le livre qui parle d’une paix nécessaire, indispensable à l’évolution de l’Histoire. Car le judaïsme est une religion qui donne un sens à l’Histoire : le messianisme, la promesse d’un avenir meilleur. Mais le judaïsme, plus que les autres monothéismes qu’il a devancés, est la religion qui met le plus l’accent sur la vie. Il n’admet pas le culte des morts. Le judaïsme nous ancre dans la vie. En son nom, on a le droit de transgresser tous les commandements.

Ancré dans la vie, le judaïsme se veut donc une manière de vivre, seul ou en communauté. C’est une célébration du dialogue, comme en témoigne le Talmud, qui est construit sur la communication entre deux adversaires, deux conceptions, deux attitudes, où les deux parties ont raison, même si ce sont toujours les modérés qui gagnent. Le judaïsme est en effet fondamentalement contre le fanatisme et la rigueur extrême. La beauté du Talmud est d’abord le respect de l’autre.

Cela peut expliquer qu’il n’y ait pas eu de prosélytisme forcé chez les juifs. Un chrétien n’a pas besoin de se convertir au judaïsme pour mériter mon respect. Pareil pour les musulmans, pareil pour les agnostiques. J’accepte l’autre pour ce qu’il est. Je ne l’humilie pas en niant sa croyance. Dans le Talmud, d’ailleurs, l’humiliation n’est jamais justifiée. Si quelqu’un veut se convertir, il faut que ce soit par conviction. Une fois converti, il jouira de tous les privilèges et sera sujet à toutes les obligations des juifs, mais l’on n’aura pas le droit de lui rappeler son passé non juif. Seule compte l’attitude envers l’autre.

Et la relation à Dieu ? La loi vient de Dieu mais son interprétation appartient aux hommes. Il est ainsi une anecdote fameuse : deux rabbis et leurs élèves discutaient, et Dieu voulut les départager en donnant son avis : « Pourquoi faites-vous cela, vous ne savez donc pas que rabbi Eliezer a raison ? » dit-il. Mais rabbi Yehoshoua, le chef de l’autre parti, répondit : « Tu n’as pas à te mêler de notre débat. La Torah est à nous ici et elle n’est plus à toi au ciel. » Cette capacité d’interprétation de la Loi explique aussi une autre caractéristique du judaïsme : la connaissance de la Loi et donc l’importance fondamentale de l’étude. Il n’y a aucune autre tradition religieuse où il y ait une telle passion et une telle énergie investies dans l’étude. En théorie, il faudrait étudier la Torah jour et nuit, d’où la place accordée à celui qui enseigne, le maître. Le mot rabbi veut dire instituteur, et non pas prêtre, mot qui implique la notion de sacrifice. La religion juive en effet n’a pas de clergé, il n’y a pas d’intercesseur entre le fidèle et Dieu. On peut naître, se faire circoncire, se marier, se faire enterrer sans rabbin. Seul le divorce exige un tribunal rabbinique, car il faut protéger la femme. Si le rabbin a de l’importance, c’est donc parce qu’il sait. Il ne se prononcera toutefois jamais en disant « moi, je pense comme cela », mais il dira plutôt « si je pense comme cela, c’est parce que tel ou tel maître s’est prononcé ainsi sur ce sujet ». Il est le récipiendaire de la tradition.

Notre objectif en écrivant ce livre est surtout ouvrir une voie à la connaissance du judaïsme, lutter contre l’ennemi le plus pernicieux : l’ignorance.  Notre objectif en écrivant ce livre est surtout faire réfléchir le lecteur sur le sens de la vie, tel que nous le voyons à travers nos traditions, nos textes, nos rites.

Rien n’est renié du passé, mais ce passé,  au lieu d’être relégué parmi les choses mortes, se révèle soudain comme étant le sourire même de la vie, son éclat et son soleil. Le renforcement de notre identité moderne ne peut venir que de la redécouverte de notre avenir dans les vieilles traditions religieuses. La personne juive est celle qui accepte le paradoxe d’être celle d’hier et de demain.

Seulement, il ne faut jamais oublier  que le passé reste avec nous, que nous le voulions ou non, alors que l’avenir ne nous appartient qu’au prix  d’une décision farouche de notre volonté. Le désarroi des jeunes, face au monde qui ne cesse de les décevoir, peut trouver  une ébauche de solution  dans le message spirituel du judaïsme.

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Albert Guigui

Grand-Rabbin de Belgique

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